Calendar icon
Monday 01 September, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Le Sénégal, une société en trompe-l’œil

Auteur: Mass Massamba NDAO

image

Il ne se passe plus une semaine sans qu’un fait divers vienne nous rappeler à quel point la société sénégalaise semble engagée dans une course inquiétante vers la contrefaçon, l’illusion et la facilité. Un faux billet ici, un faux policier là, un faux juge même dans le sanctuaire de la justice : le Palais de Justice de Dakar. La banalisation du faux a gagné du terrain, au point de s’incruster dans les moindres recoins de notre quotidien. Et derrière ces déguisements grotesques ou inquiétants se joue une véritable tragédie nationale : celle de la perte de repères et de valeurs.
Dans le dernier épisode en date, rapporté par le journal Libération, un homme de 45 ans, Samba Cor Dia Fall, a été arrêté alors qu’il se faisait passer pour un juge en plein cœur du Palais de Justice. Il avait même inventé une structure fantôme, pompeusement baptisée « bureau en charge des médiations pénales », pour extorquer de l’argent à des citoyens en quête de justice. Le tout dans un décor crédible, un bureau, une prestance et une autorité feinte.
Mais ce n’est là qu’un cas parmi d’autres, dans une longue liste d’impostures. Un faux gendarme arrêté avec un sachet de chanvre indien, un faux policier en uniforme militaire… même les institutions les plus respectées du pays, telles que la police, la gendarmerie ou l’armée, ne sont plus à l’abri d’une telle usurpation. Sans parler des trafiquants de faux billets qui, eux, infligent un préjudice direct à l’économie nationale.
La gravité de ces faits ne tient pas seulement à leur caractère délictueux, mais surtout à ce qu’ils révèlent : une société qui, pour une frange non négligeable de ses membres, semble avoir perdu le sens de l’effort et de la probité. Pourquoi construire patiemment un avenir quand il suffit de porter un uniforme, d’acheter un tampon ou de se prétendre détenteur d’un pouvoir fictif pour soutirer de l’argent ?
Il serait simpliste de réduire ces dérives à la seule responsabilité individuelle. Elles sont aussi, et peut-être surtout, le symptôme d’un mal plus profond : la défiance envers les institutions, le sentiment d’injustice sociale, et une fascination croissante pour le raccourci, nourrie par un imaginaire collectif qui glorifie la réussite facile. Les imposteurs ne sont plus des marginaux ; ils deviennent, aux yeux de certains, des modèles de débrouillardise, d’audace et de « système D ».
Et c’est là que réside le danger. Car une société qui tolère, voire admire ceux qui trichent avec la vérité, est une société qui se fragilise elle-même. À force de jouer avec le faux, elle finit par perdre le sens du vrai. À force de banaliser l’imposture, elle décrédibilise ceux qui servent réellement l’État avec honneur et intégrité.
Il est urgent de réagir. Par l’exemple, par l’éducation, par une justice ferme mais équitable. Il faut redonner aux citoyens le goût de la vérité, de l’effort, et du mérite. Valoriser ceux qui, dans l’ombre, accomplissent leur devoir sans travestir leur identité ni voler celle des autres. Et rappeler inlassablement que dans une République digne de ce nom, la fonction ne fait pas l’homme. C’est l’homme qui donne à la fonction sa dignité.
Les faux existent parce que le vrai se tait. Il est temps que ce dernier parle, fort, clairement, et avec constance. Pour que le Sénégal reste une Nation de justice, de valeurs, et de vérité.
Auteur: Mass Massamba NDAO

Commentaires (0)

Participer à la Discussion