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Chronique

[ C H R O N I Q U E ] Les éloges maçonniques

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[ C H R O N I Q U E ] Les éloges maçonniques

« Je peux peut-être battre Kramnick,
mais pas le temps qui passe »
F. DOSTOIEVSKI

 

C’est une courte phrase projetée du bout de ses lèvres pendues, mais elle vaut mille mots. Elle en dit long sur les intentions d’Abdoulaye Wade. Tout droit sorti de son tête-à-tête à trois avec son marabout, il lui était impossible d’étouffer sa joie. La chose est passée : « Je t’avais dit que ça allait passer. » Le président de la République n’a pas fait qu’introduire son fils auprès de son marabout. Il se serait passé de cet aparté s’il n’avait pas derrière le crâne des intentions inavouées. Qu’importe ce qu’il a pu dire à Serigne Bara Mbacke. Peut-être cherchait-il pour son fils une protection qu’il ne pourra pas lui assurer indéfiniment. Mais tout compté et rabattu, c’est ce qu’en pense l’opinion qui compte. « Mon avenir appartient maintenant à Dieu, mais l’avenir de mon fils t’appartient », a-t-il dit à son marabout, sans rechigner. Il sait que les démagogues de rue et les conteurs de fagot répandront la nouvelle comme s’il s’agissait d’une caution que le khalife général apporte à l’intronisation forcée du filleul.
Karim Wade est lui-même béat d’admiration face aux recettes multiples de son père. Réussir un tel retour, après avoir manqué à tous ses engagements à l’approche du Magal, après être tombé à terre, avoué son appartenance à la franc-maçonnerie au monde entier relève d’une prouesse. Le franc-maçon d’hier est devenu un musulman « laïc ». Abdoulaye Wade est ainsi fait de génie. Quand il ne peut pas transformer la réalité, il se transforme tout court. Depuis cette « bienheureuse » confidence, ses jambes affolées ne tiennent plus en place. Elles font des mouvements latéraux incessants quand ses mains feignent la sérénité.
Le chef de l’Etat multiplie les maladresses dans la cité religieuse, sans que l’on sache si ce sont de véritables bourdes comme l’a rapporté la presse ou si c’est son âge le coupable. Mais une chose est sûre désormais, il est en procédure de divorce avec la réalité. Il s’aime assez pour fonctionner seul dans son monde. Il donnait l’impression d’être revenu à la réalité, mais c’était un bluff. Tout ce qui lui va va au Sénégal. On n’avait jamais vu auparavant un homme se faire détester à ce point pour faire aimer son fils.
Il le fait de façon si frivole que son propre camp en est choqué. Pape Samba Mboup ne s’en cache plus. Il déclare à qui veut l’entendre que s’il était persuadé que les Sénégalais pouvaient accepter ce projet insensé, il serait le premier à le soutenir. « Mais les Sénégalais ne vont jamais l’accepter, je le sais ».

Depuis qu’il sait que personne n’est prêt à supporter son projet, pas même son ancien Directeur de cabinet Souleymane Ndéné Ndiaye, le Napoléon de Kébémer a rangé ses collaborateurs en petits groupes « d’énergumènes ». Il traite les uns d’imbéciles, les autres de traîtres, mais les éloges ne manquent jamais pour son fils. Tous les Sénégalais ont des tares qui les rendent de facto indignes de lui succéder. Nous sommes tous des « nuls », excepté un seul. Karim Wade est un robot habillé en kevlar, monté sur du Tefal dur. Personne ne peut l’atteindre, rien ne lui colle à la peau. Macky Sall voulait l’interroger, il a été chassé comme un domestique. La Cour des comptes devait se saisir des comptes de l’Anoci après celles de l’Apix, elle va bientôt disparaître dans les couloirs d’une Cour suprême sous la coupe de « l’immortel ».
Son autoritarisme débridé empêche Abdoulaye Wade d’imaginer que quelqu’un puisse s’opposer à ses volontés. Depuis qu’il a mis son fils sur le sautoir, il ne badine pas avec le respect qui lui est dû. Tous les contempteurs qui aboient sont sévèrement réprimés. Plus personne n’est innocent. Les arrestations se font comme dans les romans. La police passe à côté de chez vous le matin et le soir vous êtes coupable de quelque chose. Si vos accusateurs ne reculent pas devant la clameur générale, vous passez votre première nuit au cachot.
Dieu seul sait si le garçonnet mérite qu’on se sacrifie autant. Nous avons fait de lui une présentation trop triviale, qui nous a fait passer à côté des vraies questions. A-t-il une expérience de gestion dans ce pays ? Il n’a jamais rien géré, pas même une petite boutique. Connait-il l’Etat ? Il n’a jamais dirigé le plus petit service administratif. De ses fonctions à l’étranger, il est devenu conseiller personnel de son père. Son CV n’a jamais été détaillé. Il est toujours caché derrière ses lunettes noires, protégé par des vitres teintées, comme s’il revenait d’une cabine de bronzage. Quand on évoque l’Anoci, il se contente d’en être le président du Conseil de surveillance et précise qu’il n’a jamais rien géré. Il ne s’adresse aux Sénégalais qu’avec de petites phrases toutes faites. Un tel homme ne mérite même pas de diriger un district de quartier. C’est parce que sa mise en scène a une dimension burlesque qu’Abdoulaye Wade nous réduit dans cette histoire à un rôle de spectateurs. Mais nous devrions nous indigner au lieu de ricaner.
Le pouvoir a déjà montré, après les événements de Ndoly et Ndindy, jusqu’où il est prêt à aller dans la forfaiture et le coup fourré. La violation de la loi a été constatée par des agents assermentés. Un procès-verbal a été dressé. On invitait la Cour d’appel à constater ce que tout le monde a constaté, et à en tirer les conséquences. Mais les juges ont décidé de soutenir les sous-préfets fautifs dans leur forfait. Les emballements idolâtres ont aussi atteint les juges de petite semaine en quête de promotion. Ils ont été mis là parce que le monarque autoproclamé a décidé de se passer des lois de la République. Il ne veut ni Cour d’appel, ni opposition. Sa volonté lui suffit. Nous devons lui opposer une volonté égale, si nous voulons que ce pays redevienne la République respectée qu’il a toujours été.
Malheureusement, on s’en prend trop au sacristain, en oubliant le diable de carnaval qui se prend pour le seigneur des mondes.
Cheikh Tidiane Sy est sans doute un monstre détestable. Il y a dans son crane rond un esprit tordu. Mais il n’exhausse que les volontés de celui qui l’a mis là. C’est Abdoulaye Wade le fautif, c’est lui qui mérite les coups de fouet. Les évènements de ces derniers jours sont la preuve que s’il décidait de s’emparer des institutions pour installer son fils, il aurait des juges pour valider son projet et une Assemblée nationale pour l’applaudir.
SJD



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