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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Les rois ne meurent jamais seuls

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Les rois ne meurent jamais seuls

« Lorsque les haines ont éclaté,
toutes les réconciliations sont fausses »
Denis DIDEROT

Les rois ne meurent jamais seuls. Abdoulaye Wade emportera avec lui son écuyer de choix, « le meilleur d’entre tous », dans sa tombe. C’est écrit dans le ciel, et c’est une vieille tradition qu’il réssussite. Il est presque douloureux de voir un homme affaibli par l’âge, chercher ses morts, pour justifier pourquoi il est « là ». Le prétexte servi ressemble à un testament familial d’un monarque au seuil de sa vie : « ce sont tous mes enfants ». Le père avait, dans son cas, prononcé un mot banni en politique, il avait dit « jamais ». Idrissa Seck, le plus culotté des enfants, l’a obligé à se défroquer en public. Toujours plus culotté, il l’accuse de n’avoir pas assez baissé son pantalon devant les caméras de la télévision nationale.
Eh oui, c’est la raison du silence d’Idrissa Seck. L’accommodement de ses amis et anciens alliés est un gros prétexte servi à l’opinion. Les politiciens savent se passer de certaines commodités, quand il s’agit d’aller dans le sens de leurs intérêts. Si Wade a déclaré publiquement que son ancien numéro deux a « accepté », c’est qu’ils se sont entendus sur l’essentiel. L’acquéreur principal a ajouté à ses exigences politiques, la prise en main du parti, la conduite du gouvernement et la conduite de la prochaine liste aux législatives, des excuses publiques du président de la République. Mara l’a poussé à bout, mais Wade n’a pas été capable de tomber d’aussi haut, même avec des coussins gonflables. Il a été obligé d’écourter son discours, lui qui aime tant les micros, se refusant même à une déclaration en wolof. Un peu comme ce qui lui était arrivé à Darou Mousty. 5 minutes de discours, après un voyage de deux heures, et des préparatifs d’un mois. Dans le couloir qui mène à son bureau, il a été pris de spasmes et de vomissements, et s’il avait tardé à quitter les journalistes, ils auraient assisté à ce triste spectacle. Il ne réitère pas son engagement devant le peuple, parce qu’il ne croit pas au peuple.

Il y a une raison à cette démission du président de la République, et à l’abandon du combat qu’il a décidé de livrer contre son ancien numéro deux. Il n’en peut plus. Il aurait certainement pu s’engager dans une fraude électorale, pour se maintenir quelques années encore au pouvoir, mais il n’aurait pas la force physique et la vigueur psychologique pour se défendre. C’est pourquoi il est prêt au meurtre des institutions républicaines, pour sauver son plan de carrière. Ce qui s’est passé au palais présidentiel lundi est la dernière tentative d’un homme qui a tout essayé en République. Une défaite de l’intérêt public et le triomphe de l’esprit de clan. Face aux symboles de la Nation, Abdoulaye Wade n’a parlé que de famille, de père et de fils. Nulle part, dans son discours, ne transparaît la moindre allusion à l’intérêt général. Il y a un âge où un homme ne se refait pas. La République est son bien, comme le Pds a été son bien, et il mourra avec cette conviction. C’est sa marque de fabrique. Pendant sept ans, il a passé son temps à essayer et à changer des hommes au service exclusif de ses intérêts claniques et personnels. Ils ont tous été les cobayes de ses ambitions démesurées.
Au meilleur de sa forme, Wade avait enseigné à ses hommes la technique du voleur de costume. Il leur a expliqué que quand il vole un costume, et qu’il est poursuivi, il laisse à son poursuivant les chaussettes. Quand la poursuite continue, il lui laisse les chaussettes. Quand le poursuivant se met à ramasser ses biens, il gagne du temps, et prend de la distance. Il a jusqu’ici appliqué avec merveille sa tactique. Il a dévêti le républicain en lui pour habiller le monarque.
Abdoulaye Wade a rendu les armes, et donné à Idrissa Seck le couteau pour l’immoler. Cet homme nous a habitué à la ruse, à se détourner du bien lorsque les circonstances l’exigent. C’est ce qui nous fait voir derrière toutes ses manœuvres, une volonté de liquider son ancien numéro deux. Non. C’est un homme qui n’en peut plus, et qui n’a d’autre choix que de cesser de combattre. Il a d’ailleurs montré ces dernières semaines, qu’il a perdu tout contrôle sur sa « famille ». Le reste de la bande a passé la journée à insulter Idrissa Seck pendant qu’il était avec le père. Ce qui s’est passé lundi, à n’en pas douter, est un acte de reddition et une passation de service. Tout le symbole est dans la poignée de main servie par Pape Samba Mboup. Il s’est presque prosterné des deux mains, pour faire allégeance à son ennemi d’hier, et l’inviter à s’asseoir. Voilà maintenant un an qu’il cherche à convaincre son patron que son « cousin » Idrissa Seck ferait la meilleure partie. Il a été le premier à anticiper sur la direction du vent, bien avant tout le monde. Il connaît les battements de cœur de son chef, et il sait qu’il n’en peut plus.

Wade s’en fout au fond des dégâts que cette purge causerait. Le destin de Macky Sall ne l’intéresse pas. Il l’a toujours pris pour un poltron, jamais un chef de guerre. Il n’y a pas longtemps qu’il lui a dit qu’il n’a rien dans la culotte. Il va le sacrifier sous l’autel de ses intérêts bassement politiciens, et croyez que Macky Sall, le premier, ira s’agenouiller devant Idrissa Seck et lui dire « pardon, on m’a encore trompé ». Il n’a jamais su se mettre au-dessus d’Aminata Tall, de Fada et de Pape Diop, encore moins à la hauteur de son principal adversaire. Le clan libéral s’est maintenant résolu au départ forcé de son chef historique, il lui cherche un successeur qui saura défendre ses intérêts et lui éviter une débâcle électorale.
Evidemment, Idrissa Seck ne peut pas se jouer aussi facilement de tous ceux qui l’ont soutenu dans sa traversée du désert. S’il a tenu tête, au point d’intéresser Abdoulaye Wade, c’est qu’au-delà de sa personne, il a eu un soutien sans faille de tous ceux qui ont pensé qu’il représente quand même un moindre mal.
On aurait espéré qu’Idrissa Seck ne succombât pas à cette tentation du retour. Mais quelque part, ils sont fait du même sang. Il aurait été difficile, pour n’importe qui, de refuser un package qui comprend un parti politique, une Assemblée nationale, et un gouvernement. Il a cette soif de retourner tous ces instruments de torture contre ceux qui l’ont privé de tout, même d’un passeport ordinaire pour pouvoir se déplacer. Ca lui démange les mains, juste à l’idée de reprendre les manettes de commande. Dans son entendement, un rétablissement de l’ordre institutionnel et social vaut mieux qu’une élection tronquée. Il s’accorde sur cela, avec son ami Ousmane Tanor Dieng. Il pense qu’une transition bien menée, vers une sortie honorable pour Abdoulaye Wade, vaut mieux qu’une élection mal menée, porteuse d’incertitudes pour le pays.

- Je ne le souhaite pas, mais imagine le scénario que produirait ma    disparition, en plein mandat. Le pays ne se remettrait pas de ce   désordre. J’ai la responsabilité de ramener la paix dans ma famille   politique, et la stabilité dans le pays. Je n’ai pas le temps de faire un   second mandat, je veux assurer une transition, et pour cela j’ai   besoin de temps. Tu conduiras la liste des législatives, et tu seras le   candidat du parti à la prochaine présidentielle. Je ne vois personne   d’autre que toi capable de réunir la famille.
- Mais j’ai des alliés, avec qui je me suis engagé, et j’ai des gens   qui   m’ont soutenu jusqu’ici, et certains d’entre eux sont   injustement   emprisonnés.
- Ce que je te dis est dans l’intérêt du pays, qui dépasse les intérêts   partisans. Si tu me donnes ton accord, je les fais libérer   immédiatement, et le pays retrouve la sérénité.

Ils auront tous les prétextes, pour reporter la présidentielle. On parle du référendum, seule condition de report. Il faut bien regarder les textes réglementaires. Parmi tous les farfelus qui ont déposé 25 millions pour se présenter à la présidentielle, il faut s’attendre à ce qu’un d’entre eux, après la publication de la liste des candidats, se désiste. Abdoulaye Wade saisira cet autre prétexte pour reporter l’élection, je vous l’assure. Ce sera contre tout esprit républicain, tout esprit lucide, mais il le fera.
Idrissa Seck vient au secours d’un homme qui, de toutes les manières, sera jugé par les urnes de l’histoire, et il sera seul devant la barre. Quand il se retournera, il ne verra personne pour témoigner en sa faveur. Nos marabouts sont de grands faiseurs de miracles. Même s’ils réussissent à ramener à la maison du père l’enfant indocile, ils ne feront que différer la sentence. Elle tombera.


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