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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Mensonges républicains

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Mensonges républicains

Au rythme où vont les révélations, une chambre d’accusation ne suffira pas, pour faire juger Idrissa Seck. Il faudra un Nuremberg bis, devant lequel défileront le Keiser et ses complices. Six sociétés nouvelles, 18 comptes bancaires, un milliard de francs remis en cash, un bloc d’immeubles à paille et à rase paille. Et pour boucler le tout, une « offre écrite » pour échapper à la Justice ! On lui prête beaucoup, Idrissa Seck. Mais que voulez-vous, C’est une règle que la banque populaire applique depuis des siècles. On ne prête qu’aux gens riches. Abdoulaye Wade, nouveau Robin des bois de l’économie mondiale, ne peut donc pas oublier de régler les comptes domestiques avec son ancien « gérant », avant d’aller régler les problèmes du monde. C’est plus commode. La main sur le cœur, c’est la raison pour laquelle depuis deux semaines, les proches de Don Camillo Seck défilent sans arrêt devant la très active Dic dem Dic. Bientôt, il va remonter le Golgotha, la croix gammée sur le dos, sous les coups de fouet, accompagné par les huées de ses victimes. Il paraît que du côté de Rebeuss, on lui a déjà préparé la chambre mortuaire, dans laquelle il va ruminer ses frustrations et ravaler ses ambitions démesurées. Avant d’être déclaré coupable, il sera déjà coupé et découpé de ses ambitions présidentielles. Certains seraient même prêts à entendre ses dernières volontés, à lui demander s’il veut finir par balle ou pendu sur une corde. Chez un ancien combattant du Sopi, ça peut faire la différence. Le peloton d’exécution est en général réservé aux gens honorables.
Je vais me faire la lèse insulte, encore une fois, de parler d’Idrissa Seck et de Wade. C’est un honneur que je leur fais. Ils ont été, au début de ce siècle prometteur, une raison d’espérer pour toute la génération du Sopi à laquelle je me suis identifié pendant longtemps, avec une certaine naïveté. Ils me le rendent bien, en me donnant, toutes les semaines, des raisons de leur dire mon indignation.

Si ce n’est pas Idrissa Seck qui diffuse un CD, c’est la présidence de la République qui sort un « communiqué » de ce ventre fécond d’où est sortie ce nouveau Chronos mangeur d’hommes qu’on appelle alternance. Attardons-nous un peu sur le dernier communiqué de la présidence de la République, sans doute le plus court de l’histoire. Il y est écrit, sous la plume du ministre porte-parole (sous Wade, il y a des « ministre chef de cabinet », des « ministre porte-parole »). Il y aurait même un « ministre garde du corps ». On apprend donc de Me Ahmadou Sall, qu’ « Il n'y a jamais eu d'accord écrit entre le président de la République et M. Idrissa Seck. M. Idrissa Seck a spontanément fait une offre écrite au président de la République qui ne lui a jamais répondu. » Evidemment, quelqu’un ment, entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade. Mais si le président de la République a osé, en toute conscience, recevoir une « offre écrite » d’un délinquant qu’il croit coupable de détournements massifs, sans la dénoncer, ou la révéler à la Justice, il se livre à une complicité inacceptable. Qu’il ne livre pas à l’opinion, embarquée aveuglément dans cette histoire sans en connaître les bouts, le contenu de cette « offre écrite », est encore plus grave. Le communiqué de la présidence de la République est en cela un aveu grave de culpabilité, de la part du président de la République. On est en droit d’exiger de la vertu d’Idrissa Seck, mais on est en droit d’exiger plus de celui à qui nous avons confié notre sort, notre président de la République.
Or, le plus grave, dans cette histoire, c’est qu’on a vu à quel point un avocat, Me Diallo, a été humilié, menacé même de radiation, pour sortie irrégulière de correspondances. Le président Abdoulaye Wade avoue maintenant, in situ, dans un communiqué bref, mais limpide, que lui-même s’est livré à une correspondance irrégulière, en avouant au moins, qu’il a reçu une « offre écrite » du prisonnier Idrissa Seck. Avouez que c’est quand même grave !
A la place de l’ancien avocat de l’Etat, devenu depuis, porte-parole du président de la République, on aurait sans doute aimé entendre les deux anciens « négociateurs », le neveu du président, Alex Ndiaye, et son avocat, Me Ousmane Sèye. Parce qu’à défaut de leur « témoignage », on est obligé de prendre les aveux de l’épouse de l’imam Cissé, pour vérité, et considérer que la présidence de la République a menti, dans cette histoire. Ou alors elle doit publier « l’offre écrite » d’Idrissa Seck. Si cette dame a rompu le silence dans lequel elle s’était enfuie, c’est qu’elle est dégoûtée par le mensonge, et prête à tout subir, au nom de la vérité. On peut imaginer que si Me Ousmane Sèye s’est lui aussi, gardé de toute déclaration sur cette question, c’est qu’il a honte de mentir.
Je ne crois pas qu’Idrissa Seck dit la vérité, en affirmant, comme il l’a fait, qu’il n’a rien négocié avec le président de la République. Parce qu’il serait insensé de penser que Wade l’a libéré de prison, sans rien obtenir en retour. Mais qu’il s’engage à ne pas se présenter à la présidentielle, pour sauver sa peau, quand il sait que le procès qu’on lui a intenté est injuste, est tout à fait compréhensible. Qu’il ne respecte pas son engagement, en sachant que jamais, Wade ne va divilguer les termes de cette entente, est tout autant compréhensible de sa part. On ne peut pas lui reprocher d’avoir tenté de sauver sa peau. Qu’il soit coupable de détournement est une autre histoire. La justice a déjà raté l’occasion de le prouver. Jusqu’à ce que le caractère criminel de ses activités soit établi, accordons-lui le bénéfice du doute, et la présomption d’innocence. Mais si nous devons demander des comptes, nous devons commencer par le chef comptable, celui qui signe les entrées et les sorties.
Le 05 janvier 2006, soit un mois avant l’élargissement d’Idrissa Seck, le président de la République a fait une déclaration aussi rocambolesque que surprenante, en consignant, dans le communiqué du Conseil des ministres de ce jeudi-là, qu’un « ami » lui a offert 14 millions de dollars. Le communiqué commence par : « Monsieur le Président de la République, à l’entame du conseil, a formulé des prières, avec l’ensemble du Gouvernement, en la mémoire de l’ Emir de Dubaï, Sa Majesté Cheikh Makhtoum Ben Rachid Al MAKHTOUM et du Sous Préfet de Diouloulou, Mr Gorgui MBENGUE », avant de poursuivre avec un « Monsieur le Premier Ministre est revenu sur la décision de Monsieur le Président de la République de mettre le don personnel, de 14 millions de dollars, au service de la construction nationale. Cet acte de générosité et de solidarité, vient confirmer, à côté de plusieurs autres, la dimension humaniste et l’amour du Chef de l’État, pour le Sénégal ». Même Samba Diabaré Samb n’aurait pas fait mieux. Mais on ne pouvait pas imaginer que derrière ces prières qui ouvrent parfois le Conseil des ministres, et le pèlerinage à la Mecque que le président venait d’effectuer, et pour lequel il a été félicité, se cachait la plus grande forfaiture financière jamais connue depuis que le Sénégal est indépendant.

Puisque nous apprenons, avec le nouveau livre de Latif Coulibaly, ce que j’ai toujours défendu, au risque de ma vie : cet argent était un don du gouvernement taïwanais au peuple sénégalais. Mais le plus grave, c’est que cet argent, près de 7 milliards de francs Cfa, a disparu, parce qu’un membre de la famille du président de la République a mis une partie en placement, et une autre partie a été volée par un de ses conseillers, bien connu dans les milieux criminels de France et d’Italie. Je suis persuadé que cet aveu forcé fait partie des « exigences » d’Idrissa Seck, qui a piégé Abdoulaye Wade et ses avocats comme des narco-débutants. Depuis, le président de la République, comme un voleur volé, n’évoque plus ce sujet. C’est le plan omerta total. Il l’a logé dans l’oubli, son médicament de confort.

L’opposition devrait exiger de Wade, qu’il nous éclaire au moins sur la provenance de ces 14 millions de dollars, et nous livre l’identité de son généreux donateur. C’est un minimum d’inventaire, pour des gens qui veulent travailler ensemble à la « construction » du pays. On ne peut pas, après des révélations aussi troublantes et des mensonges aussi grossiers, négocier des prolongations de mandat par-dessus la tête du citoyen-contribuable. C’est mieux que les tergiversations sur la « hauteur des discussions », les « problèmes économiques du pays ». Quand le président de la République a lancé son appel à l’opposition, le lundi 23 octobre, à la mosquée « Gouye Mouride », il a bien précisé que c’est pour la formation d’un gouvernement d’Union nationale. Et qu’il allait envoyer des correspondances aux leaders de l’opposition dès le lendemain. Ce qui a été fait. Qu’il invite Moustapha Niasse, qu’ils n’aient pas évoqué la raison principale de cette invitation, pour se limiter aux « problèmes économiques du Sénégal » laisse pantois. Il se peut que les priorités aient changé entre temps. Ou alors, ce sont des manœuvres de diversion, pendant qu’on supprime le quart bloquant, et on augmente le nombre des députés. Je ne penche ni pour l’un ni pour l’autre. La politique a son métalangage, qu’il faut savoir saisir. Si vous cherchez gouvernement, union, ou nationale, à la loupe, vous n’allez rien trouver. Mais « le président cherche à ratisser large pour une conjonction des idées, des efforts et des initiatives », ça ne veut pas dire autre chose que ça. Nous sommes dans une aube interminable. La nuit n’est pas encore finie, et le jour n’est pas encore venu. Et puisqu’on ne peut pas reconnaître l’ennemi, il faut interpeller chacun, et le sommer de dire son nom. C’est ce que Wade a commencé mercredi.


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