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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ Chronique ] Merci d’être ve-nu

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[ Chronique ] Merci d’être ve-nu


« Karim, je dirai à ta mère  
que tu as bien travaillé » 
Abdoulaye WADE

Karim Wade envisageait tout, il n’envisageait pas la défaite. Quand il a fini son interview avec les journalistes du Groupe Futurs Médias, il avait la chose pliée. Il était parti manger des « sushis ». Ses félons du dixième étage de l’immeuble Tamarro se voyaient déjà « projetés » au sommet. Ils cochaient quelques ministères d’Etat laissés vacants pour récompenser des vainqueurs de dernière minute. Les moins ambitieux se voyaient déjà PDG en son royaume de karimland. Juste au moment d’embarquer dans l’ascenseur, ils ont fait cette révélation aux journalistes, eux-mêmes abasourdis : « hamuleen Karim. Dafa am loumou andal. Dingeen ko giss leegi. » Ils venaient de s’entretenir avec sa sainteté le rarissime Karim Messie Wade. Ses félons hébétés découvrent maintenant que derrière l’écran de fumée entretenu à force de mensonges, le seul talent surnaturel de leur gourou qui leur était méconnu jusqu’ici, c’est qu’il sait disparaître mystérieusement en pleine déroute électorale.  
N’eut été l’affichage démesurée du luxe, l’étalage de l’argent facile pendant cette campagne électorale, on aurait cru un sourd-muet en pique-nique. C’est peut-être ce à quoi se résume le talent de l’ingénieur financier en Ray Ban : l’étalage de son côté bling-bling et de sa fortune personnelle. De sa fortune personnelle, il faut maintenant qu’il tire son infortune personnelle. Il aurait donné tout ce qu’il possède pour conquérir Dakar. Mais il y a des plaisirs qui ne s’achètent pas, ils se méritent. Comme l’a dit le président de la République lui-même, « il a perdu et il a fait perdre toute une coalition ». Mais Abdoulaye Wade a été le premier à nous vanter les mérites de son « golden boy » virevoltant. A l’opposé de son père, qui a échoué plusieurs fois, il dit n’avoir jamais connu d’échec dans sa vie. Les Sénégalais ont constaté avec quelle arrogance l’autre président, celui de « l’anocid » évoquait toutes ces questions, allant jusqu’à demander à ses adversaires de prendre leur retraite. 
A la place, il a eu la plus cinglante des défaites électorales. Les électeurs sénégalais lui ont demandé un peu plus de modestie. Mais surtout, un peu plus de tenue face à cette vulgarité affichée de part en part. Des carrières ont été défaites, des innocents emprisonnés, des institutions et  d’énormes ressources financières détournées pour aboutir à ce piètre résultat.  
Mais quelle que soit l’idée qu’on pouvait se faire de la personne, on se disait qu’avec autant de moyens mis à sa disposition, même un nigaud serait parvenu à quelque chose. Nous n’avions plus de ministres, plus de députés, plus de Constitution. Les électeurs ont dit, là aussi, qu’ils en ont assez de ce spectacle délirant. Le petit va-nu-pieds qu’il dépassait dans l’indifférence totale pour embarquer dans son Jet privé a été assez fort pour mettre un frein aux ambitions démesurées du fils d’Abdoulaye Wade. C’est bien fait parce qu’à partir de maintenant, aucun énergumène ne se croira pousser assez d’ailes pour vouloir prendre les Sénégalais pour des benêts.  
On ne pourra jamais savoir entre le prétentieux Abdoulaye Wade et l’arrogant Karim Wade, qui la coalition Sopi doit blâmer. Peut-être les deux. Dans cette déroute généralisée, on s’auto-accuse à l’infini. Le président de la République a révélé à Pape Diop, surpris par une telle ineptie, qu’il pouvait être à l’origine de la défaite de son fils. La veille, il accusait son Premier ministre de lui porter la poisse, et Abdoulaye Diop de lui avoir recommandé Abjibou Soumaré. Un jour avant, c’était Viviane Wade la coupable. C’est Viviane qui a trouvé la fameuse formule « on le bronze au soleil, on lui apprend le wolof et il sera président ». 
 
Il faut être d’une grande naïveté pour croire les Sénégalais capables d’une telle folie. Mais c’était sans compter avec les bulletins de renseignement tronqués qui donnaient à la seule « Génération du concret » 70 à 82% de l’électorat. C’est ce qui fondait l’arrogance du Sopi. Abdoulaye Wade était si persuadé du résultat et des talents de son fils qu’il a jugé inutile de frauder. Les rares irrégularités ont été le fait de préfets et de sous-préfets zélés. « L’idéologue » Hassan Bâ s’est montré encore plus convaincant. Avec une précision mathématique, il a démontré à Abdoulaye Wade, séduit, qu’il était capable de « contrer » Macky Sall à Fatick et de « défaire » Idrissa Seck à Thiès. Il lui manquait des moyens, qui lui ont été donnés en abondance. Il n’a même pas été capable de gagner dans son village, alors qu’il était présenté comme la « grande force » de la « gécé » qui rivalisait en puissance avec Abdoulaye Baldé. Il a présenté ses plates excuses à l’avance parce qu’il sait Abdoulaye Wade assez ferme pour lui demander des comptes, et prépare déjà son ralliement à Idrissa Seck, « la force politique incontournable ». Pour demander des « analyses » à ce littérateur en camisole, il faut être d’une intelligence très moyenne. Boynadji n’oubliera pas de sitôt l’histoire du comique pétomane venu voter au village en Jet privé. La grande force de Hassan Bâ, c’est justement qu’il n’offre sa familiarité qu’aux gens opulents. Il était de la cour de madame Diouf, avant de découvrir la bonté des Wade une fois qu’ils sont arrivés au pouvoir. Il était, avec l’écrivain de compagnie Cheikh Diallo, l’intelligence supérieure de la « gécé », à côté des intelligences moyennes. Baba Wone, qui s’était déjà fait punir pour ses envolées lyriques, s’était transformé en imam, le moyen le plus rapide d’arriver au « sommet ». Au lieu de faire face au pays réel, ils étaient en face-à-face permanent avec le dictionnaire des citations pour sortir la formule qui tuerait Karim Wade raide. Ils ont sorti « la génération du concret, en route vers le sommet, la victoire appartient à celui qui se lève tôt » ou plutôt « mon idéologie, c’est le travail ». Leur mentor gobe cette nourriture sémantique sans grand discernement. La dernière qui l’a perdu est la fameuse phrase de Charles de Gaulle en Algérie, apprise par cœur par l’ex futur maire de Dakar : « Je vous ai écouté, je vous ai entendu. » Il l’alternait avec son « salaamaalekum, amin, merci ». Quelle intelligence !  
La « gécé » croyait qu’un peu de bronzage et un peu de wolof suffisaient pour séduire l’électorat. C’est à se demander entre Karim Wade et ses adversaires, qui passait son temps à parler et qui passait son temps à agir. Au-delà des punitions infligées à Cheikh Tidiane Sy et compagnie pour leur arrogance, c’est Abdoulaye Wade et son fils qui ont été sanctionnés par les électeurs, il ne faut pas s’y méprendre. Puisqu’ils ont manipulé les institutions à cette seule fin, ils doivent s’atteler à supprimer le Sénat et à dissoudre l’Assemblée nationale. Le président de la République doit savoir qu’il est lui-même minoritaire dans ce pays, et qu’au lieu d’essayer de corrompre des conseillers pour détourner le vote des Sénégalais, il devrait s’atteler à préparer son départ pour connaître une fin honorable. Nous ne le détestons pas, nous détestons sa manière de faire. Mais s’il essaie faire chanter les élus comme il a tenté avec Demba Dia, il causera de lui-même un mouvement de désobéissance civile qui l’emportera. 
Les électeurs lui ont montré qu’ils ne l’ont pas élu pour qu’il s’occupe des problèmes des autres, mais de leurs problèmes. Ce que le chef de l’Etat ne semble pas comprendre, puisqu’il se prépare à embarquer de nouveau pour Montpellier, pour y recevoir ces prix bidons qu’il aime collectionner. N’importe quel président de la République responsable serait resté au pays pour faire face à la situation. Quelles que soient les raisons de leur départ précipité pour Paris, même médicales, ils doivent un merci à ceux qui ont voté pour eux et une attention à ceux qui leur ont dit non. Un internement pour dépression nerveuse à la clinique Turin dans le huitième arrondissement de Paris n'est pas une excuse. Quand on ne peut pas supporter une défaite, on doit se garder d'être candidat.
Les Sénégalais ont pourtant montré, tout au long de cette campagne électorale, qu’ils ne se laisseront pas mépriser pour longtemps. Où ils ont fait atterrir leurs Jets privés, les électeurs ont fait décoller leurs Jets de pierre pour exprimer leur ras-le-bol. Ils doivent en faire bon usage. 
SJD 



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