[ chronique ] Sénile Esprit !

Chers amis, lecteurs, laissez-moi vous le dire tout de suite. Je vais finir cette année dans la tristesse, en ayant conscience d’avoir perdu ce qui a fait jusqu’ici la grandeur de mon pays, le respect que s’y vouaient chrétiens et musulmans. J’ai, comme beaucoup d’entre vous, bénéficié de la solidarité catholique et de la charité chrétienne, des soins des bonnes sœurs, des maternités de brousse, de la formation des pères Jésuites, de l’éducation des frères du Sacré-Cœur. Je disais à un membre de l’archevêché de Dakar, qui m’a écrit pour me faire part de sa détresse, tout ce que ma famille et moi-même devons à la communauté chrétienne et à ses représentants. Ils ont souvent été là quand l’Etat a été absent. Le dévouement de ces hommes et femmes de foi est à la base-même de la chrétienté, fondée sur l’amour et le pardon. Je le dis avec un accent un peu plus prononcé parce que chez moi en Casamance, musulmans et chrétiens ne font pas que vivre ensemble. Quand ils meurent, ils sont enterrés ensemble. 
Mais plus je suis choqué par les propos haineux d’Abdoulaye Wade, plus résonne dans mon cœur meurtri le seul réconfort qui me reste, la solidarité musulmane. Elle s’est exprimée de la manière la plus forte à travers le pays pour dire ce que nous sommes avant tout, des sénégalais. Tous ceux qui l’ont pu ont dénoncé ce fait sans précédent, qui voit des jeunes chrétiens se rebeller contre la plus haute autorité de ce pays. Personne n’aurait pu imaginer une telle sortie de route pour Abdoulaye Wade. Personne n’aurait pu penser que dans le Sénégal hérité de Senghor, un chef d’Etat pouvait suggérer que les musulmans s’en prennent aux symboles du culte chrétien. Personne ne pouvait penser que le premier garant de l’Etat laïc pouvait s’attaquer aussi vertement au Christ sauveur et à ceux qui croient en lui. Surtout pas ce vieillard au visage marbré de plaques noires qu’il est obligé de tout le temps cacher sous un épais fond de teint. 
Depuis que les ouvriers coréens ont posé une tête sur cet immense corps de bronze, Abdoulaye Wade a perdu la sienne. Que peut penser le monde entier d’un homme qui, interpellé sur les parts qu’il s’est adjugées sur un édifice public de plusieurs dizaines de milliards,  prend pour prétexte que « Senghor écrivait des livres et pourtant, vous ne lui avez jamais réclamé ses droits d’auteur » ? Interpellé il y a quelques mois à New York sur les propos du porte-parole de son parti, Abdoulaye Wade avait déclaré qu’il ne le connaissait pas. « Babacar Gaye, je ne le connais pas ». Son commensal Pierre Goudiaby Atepa a confirmé hier sur les ondes de la RFM que le président de la République jure n’avoir jamais tenu les propos qui lui sont prêtés. Même en face de la vidéo et du son que les radios diffusent en boucle, il jure n’avoir rien dit. Une délégation présidentielle s’est résolue à aller présenter des excuses publiques à l’Eglise. Même si le souverain fautif dit n’avoir jamais commis de faute. 
Il ne faut pas accuser sa sénilité. Elle ne fait que révéler sa méchanceté, sa malignité, sa pitrerie et la folie qui l’ont toujours gouverné. Les signes n’ont pourtant jamais manqué. Un jour il démet un ministre, un autre jour il le remet. Un jour il accuse un citoyen honnête, un autre jour il déclare avoir été abusé. C’était bien la preuve de ce que j’ai toujours défendu ici contre l’avis de nombreux bien-pensants, Abdoulaye Wade n’a pas toute sa tête. Ce qui ne nous empêchera pas de dénoncer avec vigueur son odieux forfait. Pour un esprit aussi tordu, la folie serait même une bénédiction. Le César de Kébémer serait peut-être très heureux d’être pris pour un aliéné mental. Ce serait une prime inespérée à son impunité et une bonne raison de se faire pardonner. Mais s’il en est arrivé à ce point, c’est qu’il est devenu vraiment fou. Son esprit est si emmêlé qu’il n’est plus capable de discernement. Même Serigne Touba, qu’il dit vénérer pourtant, n’échappe pas à sa moquerie. Il est accusé de passer devant la statue de Faidherbe sans rouspéter. La statue d’Abdoulaye Wade s’attaque à toutes ses concurrentes. Dans les rues de Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, et maintenant dans les Eglises. La statue de la Liberté est trop lointaine pour cet esprit belliqueux.
Nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes. Nous n’avons jamais été assez fermes face aux dérives totalitaires d’Abdoulaye Wade. Quand l’épiscopat a été l’objet de menaces de mort, nous avons laissé faire. La cathédrale de Dakar a été profanée par des policiers à la recherche de Jean Paul Dias sans que personne n’élève la voix. Le Justicier Abdoulaye Wade, même dans sa folie, ne s’en prend qu’aux faibles. J’entends dire depuis hier que le président de la République est capable d’erreurs, qu’il lui suffit de demander pardon. Mais à ce point, il ne s’agit plus d’une erreur. Quand, dans une assemblée d’enseignants, vous décidez de parler de religion en lisant un carnet de notes zébré de propos injurieux, vous ne pouvez plus vous réfugier derrière l’erreur. Vous faites dans la provocation. Il y a cette tendance chez Abdoulaye Wade, qui est un trait de sa famille, à se prendre pour un saint et à prendre les autres pour des singes. Son fils a déjà déclaré que Diouf et Senghor n’avaient rien foutu dans ce pays. Sa femme a déjà accusé nos vaillants soldats de vagabondage sexuel devant leurs familles et les caméras de la télévision, en les exhortant à s’armer de condoms. A chaque fois qu’ils nous ont giflés sur la joue droite, nous avons tendu la joue gauche. 
Je trouve aussi dangereux qu’Abdoulaye Wade ceux qui, par pur opportunisme, scandent depuis hier  qu’il ne s’agit pas du président de la République, mais de son entourage. S’il est à ce point influencé par les bandits qui l’entourent, c’est qu’il ne mérite pas de diriger ce pays. Cette honte nationale, il ne sert à rien de la cacher, il faut s’en débarrasser. La gestion monocratique du premier pouvoir par un homme du quatrième âge est devenue la plus grande menace pour ce pays. Le seul fait que ce soit son fils Karim Wade qui dirige la délégation allée présenter des excuses tardives au chef de l’Eglise est une injure à la République.
Sa démagogie lui fait ménager certaines confréries du pays, pour mieux s’attaquer à d’autres. Mais si cela peut consoler les chrétiens qui se disent humiliés, la vérité est là : sous ses grimaces de foi, il y a une grande indifférence à la religion. La seule à laquelle Abdoulaye Wade adhère vraiment et qu’il partage avec tous ses coreligionnaires qui le défendent chapelet à la main, c’est la religion de l’argent. Ce sont les milliards volés au peuple sénégalais qui ont servi à l’édification de cette statue à sa gloire. Il veut passer à la postérité d’une bien piteuse façon. Par la haine de l’autre, le vol et le mensonge qui caractérisent son régime. Qu’il soit donc rassuré. Le monde entier se souviendra de lui. Sa légende sera racontée dans tous les foyers d’Afrique : Abdoulaye Wade aimait les mamelles. Elles étaient chez lui sujettes à tous les fantasmes. C’est ainsi que sentant sa fin approcher, gloire et fortune faites, il est allé s’incruster dans l’une d’elles, pour en faire sa dernière demeure.
SJD