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Tuesday 02 September, 2025
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Ukraine en Afrique, la naissance d’un nouveau colonisateur ?

Auteur: Mbaye Sadikh

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 L’Ukraine regrette-t-elle de n’avoir pas colonisé l’Afrique comme l’avaient fait la France, la Grande Bretagne, la Belgique, l’Espagne ou le Portugal ? Kiev voudrait-elle disposer de tirailleurs africains mais aussi de base arrière dans le continent pour faire face à sa guerre contre Moscou ? Les autorités ukrainiennes se disent certainement qu’en cas de défaite sur le terrain des opérations, elles pourraient organiser la résistance à partir de l’Afrique, comme l’avait fait le général De Gaulle pendant la seconde guerre mondiale. Sinon comment comprendre cette volonté d’impliquer coûte que coûte l’Afrique dans cette guerre qui n’est pas la sienne ?
Sur les réseaux sociaux, l’ambassade de l’Ukraine a posté une vidéo rapidement supprimée et dans laquelle  le porte-parole du service de renseignement militaire, Andri Ioussov, révèle que les rebelles au Mali ont « reçu les données nécessaires qui leur ont permis de mener à bien une opération contre les criminels de guerre russes ». Autrement dit, Kiev avoue avoir fourni des renseignements aux groupes armées maliens, ce qui leur a permis de perpétrer des attaques dans lesquelles le bilan du côté des soldats maliens est assez lourd. Tout ceci en représailles à la Russie dont les troupes opèrent à côté des Forces armées du Mali (Fama).
Et tout porte à croire que l’Ukraine n’entend pas s’arrêter là, car le post en question a été suivi d’un commentaire de l’ambassadeur. « Le travail se poursuivra, il y aura certainement d’autres résultats. La punition des crimes de guerre et du terrorisme est inévitable. C’est un axiome », a-t-il ajouté.
En guise de réaction, le Mali et le Niger ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Ukraine. Le Sénégal a convoqué l’ambassadeur puis sorti un communiqué pour dénoncer « un soutien sans équivoque et sans nuance à l’attaque terroriste perpétrée, entre les 25 et 27 juillet 2024, dans le Nord Mali ». Dakar rappelle à Yurii Pyvarovov, « les obligations de discrétion, de retenue et de non-ingérence » liées à sa mission. Certains médias affirment que le diplomate est en sursis, il risque une expulsion.
Le recrutement de 36 volontaires au Sénégal
Quoi qu’il en soit, le Sénégal et l’Afrique ont intérêt à surveiller l’Ukraine de plus près. Dakar doit se poser des questions sur le pourquoi du choix de son territoire pour faire une telle annonce. Cette question n’est pas à prendre à la légère. Déjà, une telle publication provocatrice en rupture avec les règles diplomatiques par l’ambassade de l’Ukraine à Dakar n’est pas une première. A l’éclatement du conflit, cette même ambassade avait publié sur ces comptes un appel pour recruter des volontaires sénégalais prêts à aller en Ukraine prendre les armes contre la Russie. Convoqué, ce même Yurii Pyvarovov avait confirmé l’enrôlement de 36 volontaires. Le ministère des affaires étrangères avait alors demandé au diplomate de « cesser sans délai toute procédure d’enrôlement de personnes de nationalité sénégalaise ou étrangère à partir du territoire sénégalais ».
L’Ukraine se comporte ainsi comme l’ancien colonisateur. Dakar est donc pour Kiev le point de débarquement et de départ pour conquérir la sous-région ouest africaine. Evidemment, le Sénégal n’est pas son seul point de départ ; la sous-région n’étant pas l’unique cible. C’est tout le continent qui intéresse Kiev.
Depuis l’éclatement de la guerre en février 2022, l’Ukraine s’est lancée dans une quête d’influence en Afrique. Six nouvelles ambassades ont été ouvertes pour contrer l’influence russe. Dans la sous-région, c’est la Côte d’Ivoire et le Ghana qui ont été choisis. Il y a aussi la RDC et le Rwanda, mais aussi Botswana et Mozambique.
Le 4 août dernier, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kuleba s'est rendu au Malawi, en Zambie et à l’île Maurice. Ce déplacement était la quatrième du genre en Afrique en l’espace de deux ans. Tout ceci pour que les pays africains prennent position en faveur de Kiev. D’ailleurs, lors de l’ouverture de l’ambassade en Côte d’ivoire, un responsable ukrainien cité par Rfi saluait le fait que Abidjan vote en faveur de Kiev à l’Onu. Cette même source ajoute que ces implantations diplomatiques sont une façon pour Kiev « de marquer sa présence en Afrique de l’ouest, où la diplomatie de la Russie est déjà bien active ».
Forces spéciales ukrainiennes au Soudan
En vérité, c’est la position de neutralité de Dakar et d’autres capitales africaines qui importunent Kiev.  Evidemment, on ne saurait reprocher à un pays de se livrer à un jeu d’influence, surtout lorsqu’il est en difficulté. Cependant, l’Ukraine de Volodymyr Zelensky ne semble pas se fixer des limites à cette quête. Elle fait surtout preuve d’un manque de respect et de considération notoire vis-à-vis des Africains, le Sénégal en particulier.
Déjà, on se rappelle les restrictions imposées aux Noirs lorsque des milliers de personnes tentaient de fuir l’Ukraine au début de la guerre. Aujourd’hui, c’est le soutien à des groupes armés au Mali. Demain, ce sera au Niger et au Burkina. Précisons déjà que l'Ukraine est citée dans le conflit meurtrier au Soudan. En collaboration avec l’Arabie Saoudite, elle soutient le général Abdel Fattah al-Burhan face à son rival Mohamed Hamdan Dagalo, alias Hemedti, soutenu par la Russie. Selon Bbc, citant Wall Street Journal, des forces spéciales ukrainiennes ont permis à al-Burhan de se tirer d’affaires quand il a été encerclé.
Autant de faits et de signaux qui devraient inciter les Etats africains à être plus regardant du côté de Kiev, surtout lorsqu’on connaît la complicité des puissances européennes et des Etats-Unis.
 
Auteur: Mbaye Sadikh

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