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[ Contribution ] Benno Siggil Senegaal : 2012 vaut mille sacrifices

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[ Contribution ] Benno Siggil Senegaal : 2012 vaut mille sacrifices

Les élections régionales, municipales et rurales du 22 mars 2009 ont vécu et fait déjà l’objet de plusieurs analyses. Les résultats auxquels elles ont donné lieu constituent une cuisante défaite, un échec personnel pour le président de la République. Ce dernier a pris le risque, avec son fils, de s’engager à fond et sans état d’âme dans la campagne électorale, en utilisant de façon indécente les gros moyens de l’Etat. Le peuple, dans un sursaut que personne n’attendait plus, a rejeté ses neuf années de gouvernance meurtrie, et son projet monarchique de se faire remplacer par son fils. Ce peuple mérite donc d’être félicité et encouragé à maintenir le cap de la vigilance. La victoire du 22 mars 2009 est d’abord sa victoire avant d’être celle de la « Coalition Benno Siggil Senegaal ». Cependant, pour importante qu’elle soit, elle n’est que provisoire, qu’une étape vers des conquêtes plus significatives encore. La grande guerre à gagner coûte que coûte, c’est l’élection présidentielle de 2012. Il faut la gagner contre Me Wade, son fils biologique, son fils « d’emprunt » et contre tout autre candidat éventuel marqué de quelque façon que ce soit par l’immonde gouvernance libérale. Douze ans avec Me Wade – s’il va jusqu’au bout de son mandat –, ce sera déjà trop pour le Sénégal. Ce serait la pire des catastrophes pour le pays si, après cette déjà trop longue gouvernance, nous devrions nous retrouver avec un Karim Wade ou un Idrissa Seck, pour sept ou quatorze autres années. Ce péril bleu est à conjurer par tous les moyens.

La vigilance doit surtout être de mise. Je ne suis aussi optimiste que nombre de mes concitoyens qui enterrent déjà trop facilement les Wade : ils ont mille tours dans leur sac. Ils sont surtout riches comme Crésus et sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins politiciennes. L’élection présidentielle de 2012 est une question de vie ou de mort pour tous les deux. Ils ne sont pas de prêts à lâcher facilement prise. Leur histoire me rappelle celle de l’hydre de Lerne, ce serpent monstrueux, dont les sept têtes repoussaient au fur et à mesure qu’elles étaient tranchées l’une après l’autre. Pour en triompher, Hercule les trancha toutes d’un seul coup. Il reste encore des têtes à l’hydre bleue. Nous ne devons surtout pas perdre de vue qu’une bête blessée peut-être plus dangereuse encore qu’avant sa blessure. Quelles que soient les mesures que prendra Me Wade, elles ne me rassureront pas : elles auront toujours des soubassements politiciens. Ce n’est pas à 84 ans – d’autres disent infiniment plus – que cet homme va changer. Nous devons donc rester fermement sur nos gardes. Et Benno Siggil Senegaal (BSS) en premier lieu, qui ne devrait surtout pas surestimer sa victoire. Cette coalition est composée d’hommes et de femmes mûrs et expérimentés, qui ont pratiqué Me Wade pendant plusieurs années. Ils sont surtout en mesure de lire correctement la victoire (provisoire) du 22 mars 2009. Cette victoire sanctionne certainement la mauvaise gestion des collectivités locales bleues, mais elle encourage aussi l’unité réalisée par BSS. Elle n’est la victoire d’aucun parti en particulier, quelle que soit, par ailleurs, sa représentativité supposée. Aucun parti en solo, n’aurait été capable de gagner la plus petite des collectivités locales. BSS a perdu partout où elle s’était effritée et a gagné partout où elle était en bloc. L’exemple de Robert Sagna a été très illustratif à cet égard. Ce dinosaure de la politique sénégalaise mérite la défaite qui lui a été infligée. Il n’a pas eu l’intelligence de comprendre qu’il était en fin de parcours. S’il avait accepté de s’effacer au profit d’un plus jeune et de faire cause commune avec BSS, Abdoulaye Baldé aurait certainement été battu à plate couture, malgré ses centaines de millions de Fcfa dépensés à bout de bras depuis quatre ou cinq ans. Robert Sagna a été ministre et maire de Ziguinchor respectivement pendant 22 et 24 ans. Il n’a malheureusement pas compris, comme Senghor, que « nguur, kenn du ko ñédd »1.

La victoire de BSS est donc commune, il faut la gérer de façon collégiale. Mes amis de cette coalition sont suffisamment expérimentés – je l’ai déjà signalé – et suffisamment intelligents pour décrypter correctement le message que leur a lancé le peuple par son vote du 22 mars 2009. Par ce vote, il sanctionne sans doute négativement la très mauvaise gestion des Libéraux mais, pour autant, il ne donne pas un chèque en blanc aux vainqueurs. Il s’attend légitimement à ce que ces derniers gèrent bien mieux que les vaincus. C’est une chance inouïe, une perche qui leur a été ainsi tendue. Ils sont donc condamnés à rassurer rapidement les populations et à leur faire sentir la nette différence entre les deux gestions. Etant d’ailleurs pour l’essentiel parties prenantes des Assises nationales qui misent beaucoup sur la gestion transparente des affaires publiques, ils n’ont pas d’autres choix que d’imprimer une nette rupture dans la gestion des collectivités locales dont ils auront la charge2.

Ils ont à faire face à un autre défi : tout le monde les attend au niveau de ce qu’on appelle communément et impudiquement au Sénégal « le partage du gâteau ». Ce concept est à bannir de leur vocabulaire : les collectivités locales ne sont pas un gâteau à partager. Elles ont plutôt besoin d’être reprises en main, et gérées dans l’intérêt exclusif des populations. Tout le monde ne peut pas être maire, président de région ou de conseil rural. Déjà, la presse, tout au moins une partie d’entre elle, se délecte des futures empoignades à cause des indemnités substantielles dont bénéficient les chefs de collectivités locales. Que nos amis ne tombent surtout pas dans ce piège ! Il y a bien plus important que ces indemnités : c’est l’intérêt supérieur des populations, c’est l’enjeu de l’élection présidentielle de 2012, c’est simplement le sens de l’honneur. La priorité doit donc être accordée aux meilleurs d’entre eux : aux plus crédibles et aux plus compétents. En particulier, la longévité dans le parti ou la proximité avec le chef ne doit pas être un critère déterminant. Il y a, parmi nos vainqueurs, quelques-uns qui n’ont pas été des modèles de bonne gestion. Ces gens-là doivent être systématiquement écartés. Les populations de Diourbel ont certainement voté moins pour faire revenir Jacques Baudin, que pour sanctionner la mauvaise gestion de la mairie de la ville. Il en est peut-être de même de celles de Bargny, qui n’ont pas forcément voté pour le maintien de Mar Diouf à la mairie, encore moins pour qu’il soit élu président du Conseil régional de Dakar.

Une fois le cap des choix franchis et les équipes mises en place, l’une des premières mesures doit être l’audit systématique de la gestion des Libéraux, un audit administratif et financier. Un audit ou quelque chose de ce genre, pour faire l’état des lieux. « Pas de chasse aux sorcières » ou de « règlements de comptes », entend-on déjà ça et là. C’est par là que Me Wade avait commencé, au lendemain du 1er avril 2000. On connaît la suite. Que nos amis ne se laissent pas donc influencer par quelque oiseau de mauvais augure que ce soit ! Il faut que, dès le départ, la situation trouvée sur place soit claire et portée à l’attention des populations. C’est cette situation qui permettra, demain, de comparer les deux gestions. En particulier, si les audits – ou ce qui en tient lieu – révèlent l’existence de sorcières, il ne faut pas hésiter un seul instant à les chasser, voire à les brûler vives : elles n’ont pas leur place dans une société démocratique. De même, s’ils mettent en évidence des cas caractéristiques de mauvaise gestion, la justice doit en être immédiatement saisie. Il ne faut pas hésiter non plus à faire le point sur le personnel trouvé sur place. Les Libéraux ont eu souvent recours à des recrutements complaisants, avec des contrats sur mesure que rien ne justifie. Les bénéficiaires qui ne peuvent se prévaloir d’aucune compétence doivent être remerciés. Il ne faudrait pas alors les remplacer par des militants ou des amis des nouveaux élus, ou par des protégés de « porteurs de voix », qui présentent le même profil.

Nos amis de BSS ne pourront pas non plus laisser en l’état certaines pratiques jusqu’ici en cours dans les collectivités locales. La nomenclature budgétaire en particulier doit être repensée. Par exemple ce fourre-tout qu’est « le secours aux indigents et aux sinistrés » laissé à la discrétion des maires doit être sérieusement reconsidéré. Qui est indigent et qui ne l’est pas ? Même si on a la réponse à cette question, combien d’indigents y a-t-il à Dakar par exemple ? Certainement des centaines de milliers, qui ne peuvent sûrement pas en bénéficier tous ? Sur la base de quels critères choisit-on donc les élus ? Les bénéficiaires sont en réalité loin d’être les plus nécessiteux. Ce « secours aux indigents », c’est plutôt pour entretenir une clientèle politique. Les centaines de millions qui lui ont été consacrés jusqu’ici à Dakar – pour ne donner qu’un exemple – pourraient servir à construire des classes, des centres de santé ou à acheter des médicaments ou des fournitures scolaires. Le plus grand nombre en profiterait. Il en est de même des différents « dons », dont bénéficient en particulier (largement) certaines familles lors des cérémonies religieuses. Une seule de ces familles de la Région de Dakar a reçu, à l’occasion d’une seule cérémonie, 67 tonnes de riz : 30 du Maire de Dakar et 37 de Farba Senghor. C’est le second, alors Ministre délégué chargé de la Solidarité nationale, qui nous avait donné l’information, avec des détails croustillants.

Je ne réfute pas catégoriquement ces « dons ». Cependant, il faut savoir raison garder. Les cérémonies religieuses sont des affaires privées. L’Etat et les collectivités décentralisées peuvent certainement les appuyer, mais de façon raisonnable.

Il y a aussi un mot qui doit être banni du vocabulaire des chefs de collectivités locales : « donner ». On entend souvent dire que tel maire, tel président de conseil régional ou de conseil rural a « donné » des cahiers à telle école ou des médicaments à tel centre de santé. Ils n’ont rien donné. L’argent qui a servi à acheter les fournitures scolaires ou les médicaments provient des fonds de dotation, qui sont l’argent de la collectivité. Le processus jusqu’ici en vigueur est aux antipodes de la transparence : un beau matin, une cérémonie officielle de remise de « dons » est organisée avec un grand tintamarre. Les caisses de fournitures scolaires ou de médicaments sont présentées et les coûts déclinés. On imagine les énormes surfacturations qui se répercutent forcément sur les quantités déclarées. Nos amis de BSS ont le devoir de mettre un terme à ces pratiques nébuleuses, en associant étroitement les populations à toutes les opérations. Par exemple, les médecins, les enseignants et leurs syndicats respectifs doivent être au cœur du dispositif. C’est eux qui devront exprimer leurs besoins en fonction de l’enveloppe disponible, faire leurs choix dans le marché, en compagnie de l’agent compétent de la collectivité, et présenter une facture.

Les plus pessimistes d’entre nous prévoient des difficultés aux futurs maires, présidents de région ou de conseil rural. « Me Wade leur mettra des bâtons dans les roues », les entend-on dire. Ils craignent en particulier que l’attribution par l’Etat des différents fonds (de concours et de dotation) ne soit pas équitable et se fasse à la tête du client. Ces pessimistes pourraient bien avoir raison. On ne sait jamais avec le politicien Wade qui est incapable de s’élever au-dessus de la mêlée. Si cette éventualité se présentait, les nouveaux élus doivent présenter le « peu » qu’ils auront reçu aux populations et l’utiliser, au su et vu de tout le monde, à satisfaire les besoins les plus urgents qui pourraient l’être.

Voilà quelques actions de rupture – loin d’être exhaustives –, qui sont attendues des nouveaux élus. Si, pendant les trois années qui nous séparent de l’élection présidentielle de 2012, les Sénégalais constatent qu’ils gèrent infiniment mieux que les Libéraux et ont gardé et consolidé l’unité, le scrutin sera largement à leur portée. Si, au contraire, ils sont plutôt préoccupés, comme leurs prédécesseurs, à s’enrichir ; s’ils se regardent en chiens de faïence et travaillent, chacun de son côté, en vue du scrutin de 2012, ils laisseront échapper une chance inespérée et le peuple, ce même peuple qui leur a accordé sa confiance le 22 mars 2009, leur brandira à coup sûr le carton rouge. Ils seront alors directement responsables du grand malheur qui nous arrivera : l’élection du fils biologique, du fils « d’emprunt » ou de tout autre homme ou femme qui aura trempé dans l’immonde gouvernance libérale et en aura gardé les tares. 

Mody Niang, e-mail : [email protected]



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