Un bol de "Ceebu Jënn" pour moi illustre toute la complexité de la gestion d'une crise comme celle du COVID-19 au Sénégal. Car dans un pays où il fait extrêmement chaud dans certaines maisons, où toute une famille mange autour d'un bol (contacts) et parle autour de ce dernier (postillons) comment créer des attitudes de distance sociale et de renfermement ?
Il sera difficile, voir impossible de confiner les gens chez eux du fait de l'urbanisation sauvage, du manque de ressources et de la difficulté d'accès à certaines zones. Si l'on ajoute à cette liste l'ignorance cultivée par une certaine élite à des fins politiques ou économiques le cocktail est on ne peut plus nauséabond.
J'ai ouï-dire certains promulgant l'usage de la force ou l'utilisation de l'armée pour mater d'éventuels récalcitrants. Cela s'avérerait dangereux car cela pourrait créer un sentiment de rébellion, des émeutes ou des mouvements de panique antinomiques à l'effort actuel. Car disons le haut et fort, les plus vulnérables ne sont pas ceux qui liront cet article mais bien ceux qui se l'évent chaque jour depuis une éternité à la recherche de la "dépense quotidienne", ceux qui depuis trop longtemps vivent cachés et entassés derrière le masque de l'émergence dans des quartiers insalubres et où l'autorité a disparu depuis bien longtemps.
Imaginons nous un instant dire aux populations de certains quartiers en périphérie de Dakar qu'il faille qu'elles ne sortent plus et que jour et nuit il faille qu'elles restent confinées dans une promiscuité indescriptible souvent avec l'occasionel mouton familial. Au delà du drame social et sanitaire, s'exacerberait sans nul doute un drame societal qui n'attend que d'exploser à la face du monde, de notre monde.
Loin de verser dans le sensationnel, il est donc important d'agir collectivement et intelligemment à des mesures de protection et de prévention propres à notre réalité psycho-socio-culturelle et je me permets d'en lister quelques unes dans l'espoir qu'elles recevront une certaine attention.
1- LA SENSIBILISATION
Les sénégalais aiment et ont besoin d'être rassurés et de comprendre. Le tintamarre quotidien de charlatans via les réseaux sociaux comme whatsapp crée plus un sentiment de confusion qu'autre chose. L'Etat doit donc utiliser ces médias pour atteindre la masse et lancer un message fort que tous pourront comprendre. Ces messages doivent au delà de leur caractère sérieux être ponctués d'illustrations et d'humour pour capter l'attention des auditeurs et des spectateurs tout en les calmant.
2- LA PRÉVENTION
L' adage dit bien "mieux vaut prévenir que guérir". Cela n'a jamais été aussi vrai que dans notre écosystème où le système de santé ne peut pas être plus saturé qu'il ne l'est déjà. Il est donc impératif d'effectuer un travail titanesque en amont pour identifier non seulement les facteurs de risques mais aussi de tester des échantillons de la population de manière systématique et obligatoire afin de rapidement circonscrire les individus ou familles contaminées. Car à ce jour seuls des personnes développant des symptômes ou inquiètes vont se faire tester. Le reste de la population n'ayant pas ce réflexe ou ne sachant même pas où et comment le faire. Le modèle coréen l'a bien démontré, tester en amont la population, garantit une prévalence contrôlée.
De plus, la distribution gratuite de kits de survie pour les plus nécessiteux est une responsabilité sociale et societale. La solidarité nationale tant chantée doit passer de l'étape de slogans à celle d'actions tangibles et mesurables.
3- LE CONTRÔLE
Arrêter les transports en commun pour une période donnée, forcer les entreprises non essentielles à faire du télétravail ou à suspendre leurs activités, interdire la vente sur la voie publique aux marchands ambulants et autres agents commerciaux car ils sont en contact avec chaque voiture et un cas porteur pourrait contaminer une pléiade de personnes, interdire la vente de nourriture en plein air ou dans les gargottes et restaurants populaires où se ruent chaque jour à midi plusieurs compatriotes, instaurer un couvre feu sectoriel et désinfecter systématiquement et quotidiennement toutes les artères est impératif.
4- LE FINANCEMENT DU RISQUE
L'État doit passer une loi d'urgence sanitaire qui imposerait à chaque ligne téléphonique active sur toute l'étendue du territoire national une ponction de 100 fcfa par semaine pour la constitution d'un fonds de sécurité pour la gestion des catastrophes et la prise en charge des premiers répondants (ambulanciers, infirmiers, gendarmes, police, sapeurs etc...).
Dans un pays avec plus de 10 000 000 de lignes cellulaires cela représenterait 1 milliard de francs CFA par semaine.
Les opérateurs téléphoniques pourront se charger de la matérialisation d'une telle mesure puisque l'état peut les forcer à prépayer la contribution à l'effort national et leur laisser le soin de recouvrer la somme équivalent à leur flotte active auprès de leur clientèle. 100 francs CFA par semaine ne devrait choquer personne et ce sera là une excellente opportunité de tester la fiabilité du fichier d'identification des lignes téléphoniques.
5- LE PATRIOTISME
Chers compatriotes, nous sommes un pays pauvre mais doté d'une resilience exceptionnelle. Nous sommes aussi un peuple résilient et pacifique. Chacun d'entre nous DOIT se poser la question suivante:
DOIS-JE LAISSER À MES ENFANTS UN SÉNÉGAL PROSPÈRE ET MODERNE OU LES LAISSER ÉVOLUER DANS UNE SOCIÉTÉ RÉTROGRADE OÙ ILS SERONT À LA MERCI DE LOBBIES RELIGIEUX, ÉCONOMIQUES OU DE PUISSANCES OCCIDENTALES ?
Car les comportements de défiance que nois avons tous vu, la plupart émanant d'extremistes religieux sont reminiscents d'une société divisée et clanique. Nous n'avons pas le droit de mettre en péril l'intérêt collectif au nom d'une région, d'une ethnie, d'une religion ou d'une confrérie. Soyons sénégalais d'abord et autre chose ensuite.
Je termine en encourageant et remerciant tous les médecins et personnels de santé sur l'étendue du territoire national et en félicitant le Président Macky SALL, son gouvernement et les structures de l'Etat qui font tous preuve d'une solidarité sans nul pareil avec le peuple sénégalais.
Jamais de mémoire, le Ministre de la Santé ne s'est présenté quotidiennement au sénégalais pour leur faire un point sur l'état sanitaire national. Cela traduit d'un leadership visionnaire qu'il faut saluer peu importe le bord auquel nous appartenons.
Certes il y a plus de fermeté à avoir, mais l'exercice du pouvoir demande que chacun y mette du sien et c'est ce que j'ai tenté de faire avec ma modeste contribution.
Papa Chimère DIOP
Gestionnaire de Risques
Membre de la Risk and Insurance Management Society
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