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COMMENTAIRE DU JOUR - Arbitraire légal

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COMMENTAIRE DU JOUR - Arbitraire légal

La grandeur des chefs n'est pas dans leur personne, mais dans la mesure où ils servent la grandeur de leur peuple. [José Marti]

Barthélémy Dias, condamné le mardi dernier à une peine de six mois d’internement pour outrage à magistrat, a été transféré à la prison de Tambacounda, a-t-on appris ce week-end. Aucun texte de loi ou dispositions réglementaires, connus du grand public, n’interdisent à l’Administration pénitentiaire d’offrir gîte à ses hôtes « forcés » où elle veut sur le territoire national, pourvu qu’elle y détienne simplement un local approprié. N’empêche, le transfert du jeune « activiste » politique proche du Parti socialiste (Ps) dans l’étuve orientale huit mois sur dix, alors que ses conseillers ont même fait appel à la sentence, semble plus relever d’un « arbitraire légal », que d’un quelconque souci d’une bonne gestion de la population carcérale. On fait certainement du zèle quelque part pour plaire ou pour s’attirer la bienveillance du prince, sans se soucier le moins du monde de l’image dégradante pour l’ensemble du pays, pour sa démocratie, pour l’Etat de droit que cela induit.

Il s’y ajoute que, jusqu’à plus amples informations, ses avoués ont interjeté appel auprès de la Cour d’Appel de Dakar et non auprès de celle de Kaolack dont la juridiction s’étend jusqu’à Tambacounda. Est-ce à dire que l’Administration pénitentiaire connaît par avance, le sort qui sera réservé à la requête des conseillers de Barthélémy pour le transférer si loin de son « juge » ? Si oui, l’indépendance de la justice en prend encore une fois, un coup sérieux. Car, si demain, la Cour d’Appel infirmait le premier jugement, Barthélémy Dias redeviendrait automatiquement un citoyen libre, (re)jouissant de tous ses mouvements, d’aller et de venir, de faire de la politique. Interné simplement à Dakar comme son père, Jean Paul Dias, qui, lui aussi, essuie les rigueurs de l’incarcération sous le magistère libéral, sa levée d’écrou ne nécessitera point des heures supplémentaires pour s’exercer si d’aventure le juge d’Appel accorde un crédit aux plaidoyers de ses défenseurs. A Tambacounda, il devra au moins patienter un peu plus et « avaler » 500 km pour regagner ses pénates à Dakar où il réside. Que ne pouvait-on pas attendre que la Cour d’Appel statue sur sa requête avant de le transférer si loin ? Cherche-t-on à prévoir des émeutes que pourrait déclencher sa présence à Dakar ? Veut-on le priver des visites de ses camarades, amis et parents qui éprouveront assurément quelques difficultés à lui tailler bavette au parloir au moins une fois par semaine dans la lointaine Tambacounda ? A-t-on décidé de « corser » sa peine en le transférant ainsi dans la capitale du Sénégal oriental ? On aura assurément travaillé à asseoir la « personnalité politique » du fils de Christiane Dias que ne le firent jusqu’ici sa naissance et « Convergence socialiste » son mouvement politique. Sa Mère qui voit l’époux et le fils entôlés, elle aussi, a été agressée. Le portrait robot de l'offenseur n’est pas sans faire frémir, car il renvoie à l’image d’un pouvoir qui use un peu trop de la violence. Il n’y a pas que les attaques physiques. Il y a aussi les violences psychologiques faites de menaces, d’intimidation, de brutalités policières. Dans de nombreux cas, depuis quelques années, toutes ces agressions se cumulent au grand dam des citoyens. On remarquera, pour s’en désoler, que plus un Etat paraît s’affaiblir, plus ses phantasmes en deviennent violents. Et il est plus facile de s’adonner à la violence que d’apporter réponses judicieuses et appropriées aux exigences de son peuple pour plus de pain, d’électricité, de routes carrossables, de villes modernes, d’accès au logement décent, à l’éducation et à la santé pour tous.

Tout cela manque d’élégance et de grandeur assurément ! Chercher à humilier coûte que coûte un adversaire politique n’est pas de nature à favoriser des rapports « civilisés » au sein d’une classe politique qui en a bien besoin. Et l’unité se dissout quand la grandeur s’effondre.

Que dire maintenant du fait que trop souvent hélas, les maisons d’arrêt encellulent paradoxalement les présumés innocents,-l’intéressé ayant introduit un recours contre son premier jugement, ne l’est-il pas d’autant plus que notre droit positif fait gré à la présomption d’innocence?,- dans des conditions de détention parfois plus rigoureuses que celles des condamnés (promiscuité, manque d'activités culturelles et sportives, de formation, de travail, interdiction de téléphoner, durée de réclusion plus élevée...) Sinon, qu’une telle situation est connue de tous. Elle est dégradante et n’honore en rien la condition humaine.

Basée à l'exception de quelques rares références législatives sur les dispositions réglementaires surabondantes du code de procédure pénale et sur une multitude de circulaires et de notes de service, l'application du droit pénitentiaire est largement arbitraire. La prison est régie par autant de règlements intérieurs que d'établissements et leurs dispositions sont appliquées le plus souvent à la discrétion des personnels de direction et de surveillance. Que l’on soit un prisonnier « politique » ou un délinquant primaire, on risque de s’y voir priver de ses droits les plus élémentaires, d’y subir le quartier disciplinaire par le simple vouloir du maton de service. A cela s’ajoute le fait que l'administration pénitentiaire n'est souvent pas en mesure d'assurer la sécurité des personnes placées sous son autorité. Et règne dans nos prisons, un véritable caïdat. Le racket, les trafics en tout genre, les agressions, physiques et sexuelles entre détenus : en prison, malheur aux vaincus, aux solitaires, aux faibles personnalités souvent instrumentalisées par les caïds, les " balances " et surtout les " pointeurs " ! Et c’est la loi de la jungle, celle du plus fort.



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