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Énergies Renouvelables et Gaz : réévaluer l'ampleur de l'expansion du gaz dans le mix énergétique (Par Papa Daouda Diene)

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Énergies Renouvelables et Gaz : réévaluer l'ampleur de l'expansion du gaz dans le mix énergétique (Par Papa Daouda Diene)
Avec près de 4 millions de sénégalais vivant en zone rurales sans accès à l'électricité, les besoins énergétiques du Sénégal sont importants pour non seulement réduire la pauvreté énergétique, mais aussi pour soutenir les ambitions de développement. Le gaz découvert dans les eaux sénégalaises, situé à proximité de nos centrales électriques actuelles et futures, est considéré comme une solution stratégique et intuitive pour réduire la pauvreté énergétique, renforcer la compétitivité économique et garantir la souveraineté énergétique du Sénégal. Du temps, de l’attention, des ressources, ainsi qu'un capital politique significatif, ont d’ailleurs déjà été investis par le gouvernement dans le développement du projet gas-to-power, ciblant une capacité gazière de plus de 3 gigawatts (GW) d'ici 2050.

Cependant, le débat public jusqu'à présent a été largement absent concernant les contours de ces plans. La dernière version publique de cette stratégie remonte d’ailleurs à 2018, et le débat s'est principalement limité à la question de savoir si le Sénégal devrait ou non exploiter ses réserves d'hydrocarbures, un sujet controversé et potentiellement distractif des véritables défis à relever. Il est légitime de reconnaître que le gaz sénégalais jouera un rôle crucial dans l'avenir énergétique du pays, dans le cadre d'une transition énergétique juste, tenant compte de sa faible responsabilité climatique et des besoins urgents en énergie. Ainsi, la question qui mérite une attention de la société sénégalaise est l'échelle à laquelle les capacités gazières devraient être développées. Cette question est cruciale car les décideurs devront tenir compte des défis, des risques et des opportunités de la transition énergétique pour assurer la réalisation des objectifs énergétiques du Sénégal et gérer les attentes souvent irréalistes des citoyens.

Notre récent rapport analyse les interactions des plans gas-to-power avec les énergies renouvelables, enrichissant ainsi le débat public national. Cette analyse est d'autant plus opportune qu'un nouveau régime dirigé par le président Diomaye Faye a été élu, disposant de l'opportunité et de la légitimité de redéfinir le mix énergétique cible du Sénégal. Nous exhortons le gouvernement à adopter un mix énergétique plus équilibré, en mettant davantage l'accent sur les énergies renouvelables en complément du gaz. En tirant parti du JETP récemment signé pour renforcer les énergies renouvelables à court terme et planifier une expansion à long terme, le Sénégal pourrait réduire les risques liés à une dépendance excessive au gaz dans sa production d’électricité, tout en maximisant l'exploitation des ressources renouvelables du pays, plus propres, plus sûrs et moins chères. En fin de compte, ce qui importe pour les citoyens n'est pas la taille des parts du fromage, mais bien la taille du fromage lui-même, et son prix.

3 défis importants sont à considérer dans le débat public sur l’avenir énergétique du Sénégal :

1. Dans ce contexte difficile de la transition énergétique, réaliser les projets gas-to-power est plus facile à dire qu’à faire :

Assurer une expansion de 3GW des capacités gazières du Sénégal se fonde sur un certain nombre d’hypothèses optimistes, et les incertitudes sont de plus en plus importantes.

Sur la question de la disponibilité du gaz en amont, le gisement de Yakaar-Teranga porte des noms évocateurs : Yakaar, symbole d'espoir, et Teranga, évoquant la richesse. Ce gisement incarne véritablement l'espoir nécessaire à la concrétisation des ambitions du projet gas-to-power. Même si les phases futures de GTA et Sangomar respectent les échéances optimistes du gouvernement, elles ne suffiront pas à satisfaire la demande prévue. Malgré son importance, Yakaar-Teranga fait face à des incertitudes majeures, notamment sur la structure de propriété et le financement suite au retrait de BP, ainsi que sur les tensions liées à la révision des contrats pétroliers et gaziers par le gouvernement. La transition énergétique rapide réduit les opportunités d'exportation, sur lesquelles le projet devra probablement compter pour garantir la certitude et sécuriser les investissements, en exigeant une rentabilité compétitive.  

Même si l’approvisionnement est sécurisé, le coût pour les contribuables sénégalais reste préoccupant. En attendant une communication officielle du gouvernement sur le coût global du plan gas-to-power, des montants déjà engagés et de la stratégie de financement, nous estimons qu'il faudra au moins 2,2 milliards de dollars pour créer la capacité gas-to-power prévue. Or, le financement public pour ce type de projet diminue, rendant l'attraction des investissements privés plus difficile. Les investissements mondiaux dans la production d'électricité à partir de gaz ont chuté de 11 milliards de dollars à 5 milliards de dollars entre 2015 et 2023. Le gouvernement devra probablement assumer une partie des coûts d'infrastructure de son budget déjà très tendu, ce qui pourrait finalement entraver l'objectif de réduction des coûts énergétiques.

2. Les énergies renouvelables plus facile à financer que le gaz : pourquoi courir le risque d’un verrouillage sur le gaz

Les énergies renouvelables deviennent de plus en plus abordables. En 2022, le coût moyen mondial de l’électricité solaire photovoltaïque utilitaire était 29 % inférieur à celui de la génération fossile la moins chère, et celui de l’éolien terrestre était 52 % inférieur. Bien que coûteuses à l'installation, surtout en raison du coût du capital injustement élevé auquel de nombreux pays africains sont confrontés, les énergies renouvelables bénéficient de plus grandes opportunités de financement, notamment via le JETP. L'approche du gouvernement en matière de gas-to-power devra permettre une montée en puissance des renouvelables à long terme, offrant plus de sécurité énergétique que le gaz. Le gouvernement doit clarifier comment le gaz et les énergies renouvelables peuvent se compléter. Sans un plan clair pour les renouvelables après 2030, l'expansion massive du gaz risque de marginaliser ces dernières, même si des capacités renouvelables sont ajoutées à court terme via le JETP. Cela pourrait maintenir le Sénégal dans une dépendance au gaz prolongée, malgré l'avenir plus prometteur des renouvelables en termes de coût, de propreté et de sécurité.

Les contrats take-or-pay nécessaires pour sécuriser l'approvisionnement gazier risquent de renforcer cette dépendance. Pour minimiser ce verrouillage, le gouvernement pourrait concevoir des contrats de centrales gazières offrant la flexibilité de fonctionner à capacité réduite au fur et à mesure que les renouvelables se développent, incluant des clauses moins rigides et des provisions pour renégociation et retrait anticipé. Le choix de la technologie des centrales à gaz et des contrats associés déterminera la place laissée à la croissance de l’énergie solaire et éolienne, soulignant le risque de verrouillage technologique à éviter.

3. La transparence et l’inclusion sont essentiels pour y arriver

Dans un discours empreint de détermination, le Président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à gouverner dans la transparence. Son régime a l'opportunité de mieux faire sur ce front. La consultation publique et la publication des plans énergétiques à long terme du gouvernement ont été jusqu’ici limitées, nuisant à la construction d'un consensus et à la confiance du public, et réduisant ainsi la crédibilité de ces plans et la capacité à attirer des investissements.
Le ministère de l'Énergie, du Pétrole et des Mines devrait divulguer les contrats signés pour que la société civile et les médias puissent s'assurer que les accords sont dans l'intérêt à long terme du Sénégal. Bien que la divulgation des contrats en amont, comme les PSA, soit de plus en plus courante dans le monde, la transparence des accords d'achat d'électricité (PPA) avec les opérateurs de centrales est en retard, malgré leur importance. Le Sénégal est classé comme "partiellement transparent" par le PPAWatch d'Energy for Growth Hub.

La transparence des contrats augmentera également l'acceptation publique des accords, renforçant la confiance des investisseurs. Le rôle de la société civile est crucial dans la formulation et la mise en œuvre du JETP, car la réalisation de ses promesses repose sur une exécution juste.
 
En définitive, le gouvernement dirigé par le président Diomaye Faye a l'opportunité unique de redéfinir le mix énergétique du pays avec une approche équilibrée, privilégiant une augmentation substantielle des énergies renouvelables tout en exploitant judicieusement le potentiel du gaz. Accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique réduirait non seulement l’exposition du Sénégal à certains risques économiques décrits plus haut, mais aussi libérerait du gaz pour l'exportation, augmentant ainsi les revenus et les devises étrangères pour le gouvernement. Plus important encore, cela répondrait aux besoins non liés à la production d'électricité, tels que les ambitions gouvernementales dans le domaine des engrais et les besoins industriels. Ces questions doivent occuper une place centrale dans le débat public national afin de forger un consensus autour d'une stratégie énergétique durable et inclusive pour l'avenir du Sénégal.
 
Par Papa Daouda Diene
Analyste économique Sénior à NRGI
Natural Resource Governance Institute



3 Commentaires

  1. Auteur

    Warren.

    En Août, 2024 (15:11 PM)
    Tout à fait d'accord..l avenir ce sont les énergies renouvelables..il faut avoir l objectif de 80% de renouvelables dans le mix. C est moins cher et celà préserve la planète...le gaz on pourra toujours l exporter..
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    • Auteur

      Reply_author

      En Août, 2024 (15:26 PM)
      non les ER n'est pas notre avenir, notre avenir est dans le gaz si on veut aller vers l(industrialisation et éliminer totalement la fracture énergétique.
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  2. Auteur

    En Août, 2024 (15:21 PM)
    après les révélations de la journaliste Salma, sur Serigne Bassirou Gueye, ce dernier doit démissionner. Il ne peut pas lutter contre la corruption avec toutes les casseroles qu'il traine
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    Auteur

    Pastef Mbour 3

    En Août, 2024 (19:23 PM)
    En tout cas que ça soit avec le gaz ou les ER ou les 2 ala fois, le Sénégal risque d'être moins compétitif dans la sous région si les projet nucléaire de nos voisins réussissent avec rosatom !!! Pour toute politique énergétique dans le court terme il faut privilégier la compacité énergétique mais aussi analyser l'environnement énergétique régional.



    Zahra
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