Calendar icon
Monday 01 September, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

La relève attend toujours, à quand le passage de témoin ? (Par Fatou Ouleye Sambou)

Auteur: Fatou Ouleye Sambou - Journaliste

image

Certains silences, à force de durer, se transforment en inerties. Ce qu’on présente comme équilibre, cache parfois une stabilité rendue confortable pour ceux qui l’occupent. Pourtant, le monde évolue, et avec lui l’exigence de repenser la place de chacun dans la chaîne de transmission. Ils ont passé l’âge légal, rangé leurs dossiers officiels, parfois même reçu leur médaille, et pourtant, ils continuent. Dans les conseils d’administration, à la tête des institutions ou dans les couloirs de décisions. Discrètement ou ostensiblement, ils sont toujours là. Les retraités actifs. Les insubmersibles du système.

Ils coûtent cher. Très cher parfois. Payés au prix fort, à la hauteur de leur carrière et de leur nom. 

Certains sont rémunérés comme des experts internationaux, cumulant pensions, primes spéciales, et avantages hors grille. On paie la facture de leurs années d’expérience. Et quelque part, c’est compréhensible. Après avoir servi l’État pendant trois ou quatre décennies, ne méritent-ils pas une retraite dorée, digne et paisible ?

Mais à force de repousser l’heure du départ, une autre question surgit. 

La relève est-elle vraiment transmise ?

Il est essentiel de préciser que ce texte n’est pas un pamphlet contre une génération. Ce n’est pas une dénonciation, encore moins une provocation. C’est une réflexion sur le déséquilibre générationnel dans un pays où la jeunesse est majoritaire, et où les défis contemporains exigent des approches nouvelles. Il ne s’agit pas d’effacer les aînés, mais de s’interroger sur comment faire place sans les marginaliser ? Comment transmettre sans s’effacer ?

Car il y a une valeur indéniable dans l’expérience. Les années accumulées forgent une mémoire utile à la nation. L’histoire, la méthode et le sens de la continuité sont des atouts que les plus jeunes n’ont pas toujours acquis. Mais dans un système trop rigide, l’expérience peut devenir inertie. L’innovation, la créativité, la pensée disruptive portées par une jeunesse formée, informée et connectée au monde, peuvent alors être étouffées. L’équilibre est à rechercher dans des mécanismes souples, où l’expérience guide mais ne bloque pas, il conseille sans dominer.

La réalité est aussi psychologique. Il existe une véritable peur du vide. Une angoisse sourde liée à la retraite, perçue par beaucoup comme une mort sociale. Le bureau déserté, les appels qui se font plus rares, le nom qu’on ne cite plus dans les décisions. Et pourtant, cette transition peut être mieux pensée. Il faut créer des dispositifs pour valoriser nos aînés autrement. En faire des formateurs, des mentors, des consultants de haut niveau, sans pour autant leur laisser les rênes du pouvoir. Car à un moment donné, le respect dû à l’expérience ne doit pas se confondre avec une prolongation indéfinie des responsabilités.

Il faut aussi interroger les mécanismes d’accès aux postes de pouvoir. Le blocage n’est pas toujours dû à l’âge, mais au réseau. Le capital relationnel accumulé avec les années devient parfois une barrière pour les jeunes, même qualifiés. Or, l’avenir de notre nation ne saurait dépendre de cercles fermés. Le renouvellement passe par une promotion réelle de la méritocratie. Cela passe par une transparence dans les recrutements et une équité dans les opportunités.

Et puis il y a une vérité budgétaire que l’on ne peut plus occulter. Dans un contexte de contraintes économiques, peut-on durablement continuer à rémunérer au prix fort des retraités actifs, pendant que des milliers de jeunes diplômés sans réseau, sans accès, sans expérience mais pleins d’énergie, attendent un simple contrat ? Ces moyens pourraient-ils être réinvestis dans des programmes d’accompagnement, d’insertion, de recherche ou d’entrepreneuriat ? La question mérite d’être posée. Pas par provocation mais par pragmatisme.

Le Sénégal ne manque ni de sages, ni de talents. Il a besoin que les uns préparent les autres. Que les anciens acceptent de passer la main sans se sentir effacés. Que les jeunes comprennent que prendre le relais n’est pas un droit, mais une responsabilité.

Le renouvellement ne doit plus être une faveur. Il doit devenir une culture.

Il ne s’agit pas de choisir entre l’héritage et l’élan. Il s’agit d’inventer un passage de témoin à la hauteur des enjeux de notre temps. Car toute société qui refuse de faire confiance à sa jeunesse se condamne à vieillir prématurément.

Fatou Ouleye Sambou - Journaliste - Experte en Communication - Romancière

Auteur: Fatou Ouleye Sambou - Journaliste

Commentaires (0)

Participer à la Discussion