Dans ses “Mémoires à deux voix”, François Mitterrand prône, à juste raison, l’exercice qui s’impose aux vivants de souscrire à un “devoir de mémoire” à l’endroit des “gens qu’on a aimés” et -j’ajouterais- admirés. Quoiqu’étant encore étreint par la douleur, je me résous aujourd’hui à me soumettre, avec émotion, à ce singulier sacerdoce, en partageant mon vécu de 23 ans avec Bruno, comme on l’apostrophait si affectueusement en privé.
Nos chemins se sont croisés pour la première fois vers la fin de l’année 1995, quand, après un bref passage au Ministère des Affaires étrangères et un séjour de deux ans en Angleterre pour études universitaires, j’eus l’insigne honneur d'intégrer le cabinet du Président Abdou Diouf comme Conseiller diplomatique et interprète officiel. Me précédaient dans la cellule diplomatique, deux illustres et brillants collègues: l’Ambassadeur Babacar Carlos Mbaye, aujourd’hui Représentant Spécial de la CEDEAO en Côte d’Ivoire, et l’Ambassadeur Amadou Diop, actuellement en poste à Bruxelles.
A l’époque, sous la houlette du rigoureux et brillant Ministre d’Etat Ousmane Tanor Dieng, en charge des Affaires et Services présidentiels, le premier cercle de la vaste galaxie des collaborateurs du Chef de l’Etat était composé de trois entités stratégiques: le Service du Protocole du Président, piloté par l’Ambassadeur Bruno Diatta (élevé plus tard au rang de Ministre par l’actuel Président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall), la cellule diplomatique (constituée par le trio précité) et celle de la communication, dirigée par le verveux Cheikh Tidiane Dièye, avec comme efficaces adjoints, Amadou Gaye et Marie Louise Faye.
C’est ce cercle qui passait le plus de temps avec le Chef de l’Etat, lui fournissait au quotidien des mémos, des notes et des fiches et l’accompagnait dans la plupart de ses déplacements. Faisant toujours bloc autour du Président de la République, les membres du cercle, tous adeptes du culte de l’excellence, en étaient arrivés à entretenir une relation quasi-familiale, empreinte de chaleureuse convivialité et de sincère amitié.
C’est ainsi que mon passage à la Présidence, de 1995 à 2000, m’a permis de me sentir très proche de tous les membres de ce cercle. Parmi eux, j’avais déjà, assez vite, distingué Son Excellence Bruno Diatta, celui qui, avant mon entrée dans la sphère présidentielle, était, pour le novice en diplomatie que j’étais, une icône et une référence. Ses impeccables états de service et ses éminentes qualités professionnelles étaient déjà largement connus dans la carrière.
Je dois dire que cette image ne s’est jamais estompée, ni pendant notre compagnonnage à la Présidence, ni à mon départ de celle-ci en 2000 et durant mes “pérégrinations” à New York, Prétoria, Washington D.C. ou Tokyo, lieux desquels j’ai eu à collaborer étroitement avec lui sur les voyages et séjours du Président de la République, en ma qualité de chef de poste.
D’humeur toujours égale, il était d’une grande bonté et d’une exquise courtoisie. Dans le feu et la frénésie de l’action, il maîtrisait, imperturbable, les circonstances liées à l’événement ainsi que les détails du terrain et du cérémonial. Précis sur le programme et concis dans l’expression, il était doté d’une grande méticulosité. Et à l’exécution par tous les officiels de la complexe “symphonie” des événements qu’il organisait, il trônait comme un parfait et rassurant chef d’orchestre.
Outre ces qualités professionnelles reconnues et unanimement saluées, il m’a été donné de relever, dans nos conversations privées, sa vive intelligence, sa pensée féconde et alerte ainsi que sa grande capacité d’analyse des questions de l’agenda diplomatique international.
En effet, l’on serait aisément tenté de penser que le pragmatique qu’il était, tout tourné vers le protocole, était incapable, parce que submergé par ses lourdes tâches, de réflexion critique sur les événements intéressant particulièrement les diplomates et survenant sur cette Terre des Hommes. Que nenni! La dernière et énième fois que j’eus le privilège de le constater fut lors d’un fraternel déjeuner à trois, généreusement offert, il y a deux ans, par notre ami commun et ancien Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, Mankeur Ndiaye.
Ce jour-là, ma conviction fut encore faite, à l’issue de nos intéressantes discussions, que ce brillant haut fonctionnaire, repéré très tôt par le Président Léopold Sédar Senghor, n’avait rien perdu de sa superbe d’analyste lucide de l’actualité diplomatique, après tant d’années de service exigeant sur le très difficile terrain protocolaire.
Tel fut mon vécu avec le professionnel, dans toute sa complétude, et l’homme, dans toute sa splendeur. Maintenant que le décret divin a mis un terme définitif à ce compagnonnage avec famille, parents, amis, officiels, collègues et admirateurs, je devine Bruno susurrer courtoisement, à eux tous, avec son caractéristique sourire en coin, cette belle exhortation hawaïenne: “Ne vous attachez pas à moi à travers vos larmes. Soyez heureux de toutes les années passées ensemble. Je vous ai donné mon amour.”
Oui! Un amour tout achevé dédié à l’Homme et à la République!
Cheikh Niang,
Conseiller des Affaires étrangères,
Ambassadeur, Représentant Permanent du Sénégal auprès des Nations Unies/New York
7 Commentaires
Macky Korr Marieme Faye
En Octobre, 2018 (19:22 PM)Anonyme
En Octobre, 2018 (20:55 PM)Bruno proved it.
Anonyme
En Octobre, 2018 (22:13 PM)Anonyme
En Octobre, 2018 (00:08 AM)Anonyme
En Octobre, 2018 (00:11 AM)Anonyme
En Octobre, 2018 (20:56 PM)Aps
En Octobre, 2018 (18:55 PM)Participer à la Discussion