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[ Contribution ] Me Wade ne gouverne pas : il fait de l’électoralisme

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[ Contribution ] Me Wade ne gouverne pas : il fait de l’électoralisme

Pendant que les chefs d’État et de gouvernement d’Europe prennent des mesures draconiennes d’économie budgétaire, notre vieux président, à l’occasion d’un énième remaniement ministériel, nous présente un gouvernement de 41 membres et s’engouffre dans son avion pour le Canada. Un signe de plus que l’homme n’a que mépris pour nous, et sait compter sur notre indolence pour se permettre n’importe quel forfait. Sans frais.

Je ne suis guère surpris par ce nouveau coup dur, tordu et à la limite humiliant qu’il nous assène : ce vieux politicien, qui se prend pour le nombril du monde, est incapable de s’accommoder d’un gouvernement de 20 à 25 membres. Il lui faut beaucoup plus de monde pour ses interminables shows. C’est ainsi qu’il voyage régulièrement entouré d’au moins 40 ou 50 membres – voire beaucoup plus – de sa minable cour. Sans compter les foules de militants qui sont mobilisées sur place avant son arrivée, à coup de dizaine de milliers d’euros ou de dollars ! Son « gouvernement » du 24 juin 2010 est donc quelque chose de tout à fait normal et naturel pour lui.

Un gouvernement encombrant de 41 membres, dont 14 ministres d’État, sans compter les autres ministres conseillers nommés à ses côtés ! Seize ministres d’État, si on y ajoute Habib Sy et le fasciste Babacar Gaye ! Cela n’existe dans aucun autre pays au monde. Notre vieux président ne sait évidemment pas ce que ministre d’État signifie. Bécaye njaaxum Diop, ministre d’État ! Ministre d’État, la délinquante Awa Ndiaye ! Ministre d’État Khady Diop, qui se donne pour seule mission de « faire de Karim Wade le quatrième président du Sénégal » ! Même Samuel Sarr est Ministre d’État ! Samuel Sarr Ministre d’État ! Samuel Sarr !!!!!!!!! Le ciel nous est vraiment tombé sur la tête et nous avons dû pécher gravement pour mériter que Dieu nous punisse à ce point !

Un gouvernement de 41 membres dont 12 femmes, ce qui a valu à certains journaux de la place leur « Une » du lendemain : « La part belle aux femmes », « Entrée en force des femmes », etc. Je ne partage pas tout à fait ces « Une ». Douze femmes, c’est moins du tiers du total. On est donc loin de la parité absolue. Et même s’il y en avait beaucoup plus, en tout cas de femmes comme celles qui ont été promues, cela n’aurait aucune incidence positive sur les millions d’autres, qu’elles soient des villes, des banlieues, du monde rural, intellectuelles ou analphabètes. A la place de cette parité formelle qui ne se décrète pas du jour au lendemain, j’aurais préféré des mesures concrètes, qui profitent au plus grand nombre de femmes : plus de centres de santé de proximité, plus de maternités, plus de sages-femmes et d’infirmières d’État, plus de gynécologues. A la place – ou avec la parité –, je militerais pour une large distribution aux femmes de moulins à mil et d’autres machines de transformation des produits agricoles. Je les aiderais à accéder davantage aux terres, à l’eau, aux différents intrants agricoles, aux crédits à des taux doux, etc. Maintenant que la parité a été atteinte ou presque au niveau de ce qu’on appelle l’accès, c’est-à-dire l’inscription des filles à l’école, il convient de leur donner de vigoureux coups de pouces pour qu’elles y restent le plus longtemps possible et échappent à certaines pesanteurs comme les mariages précoces. Je construirais pour elles au moins, dans un premier temps, trois à quatre lycées d’excellence, à l’image La Maison d’Éducation Mariama Ba de Gorée qui, depuis sa création en 1978, a injecté dans le monde du travail un nombre important jeunes femmes, dont des enseignants et des ingénieurs de toutes catégories, des médecins, des infirmières et sages-femmes d’État, des avocats, des magistrats, etc.

Ces mesures-là, qui sont loin d’être exhaustives, sont directement bien plus utiles aux femmes que cette loi sur la parité absolue formelle. Les discours de Me Wade sur cette question sont, comme tout ce qu’il entreprend, proprement politiciens et électoralistes. Sa principale préoccupation, c’est moins la promotion des femmes que l’important électorat qu’elles représentent. Ce serait bien dommage si mes sœurs Aminata Mbengue Ndiaye, Fatou Sarr, Awa Dia Thiam, Khoudia Mbaye et de nombreuses autres, qui travaillent de bonne foi depuis de longues années pour la promotion de la femme, se laissaient embarquer dans la galère politicienne de Me Wade.

L’homme est ce qu’il est et ne peut être que ça : un politicien pur et dur. Il n’est préoccupé que par sa réélection ou de l’élection de son fils en 2012. Toutes les mesures qu’il prend, notamment le « gouvernement » du 24 juin 2010, s’inscrivent directement dans cette perspective. Ce « gouvernement » comme les précédents, est caractérisé par des va-et-vient incessants de ministres défénestrés et rappelés quelques mois ou quelques années après. C’est le cas des Oumar Sarr, Thierno Lo, Modou Diagne Fada, Issa Mbaye Samb (que la terre de Kébémer lui soit légère !), Abdou Fall, Adama Sall, Khouaïchy Thiam, la délinquante Awa Ndiaye, Aminata Lo et de nombreux autres. Certains défénestrés forcent carrément leur retour en se faisant bruyamment entendre, en barrant des routes nationales pour plusieurs heures et en se permettant même de brûler publiquement le drapeau national. L’arme que Me Wade redoute le plus, c’est la menace de vote sanction que les Libéraux, connaissant leur homme, brandissent le plus fréquemment. Le vieux président-politicien nomme donc et dégomme des ministres en fonction du pouls des militants. La nomination de Babacar Ndao, d’Amadou Kane Diallo – qui n’est point un modèle de bonne gestion – et d’Aminata Lo s’explique par cette même logique. Le vieux président a aussi les yeux constamment rivés sur l’électorat constitué par les talibés des différentes confréries, et principalement ceux de Touba et de Tivaouane. Deux des nominations dans le « gouvernement » du 24 juin sont manifestement un clin d’œil à Touba et à une partie de Tivaouane qui lui échappe encore, ou du moins qui en donne l’impression.

Me Wade ne met donc pas en place des gouvernements pour leur capacité de résoudre nos problèmes, mais pour le nombre de voix que leurs différents membres sont susceptibles de lui apporter, à lui et à son fils. La compétence, l’expérience professionnelle, l’intégrité morale, l’esprit d’initiative ou d’entreprise, toutes autres qualités qui font les ministres qui gagnent, n’intéressent pas le moins du monde l’homme. Ce qui le préoccupe par-dessus tout, c’est le nombre d’électeurs qu’il y a derrière telle femme ou tel homme ; c’est moins l’émergence du pays, que sa réélection coûte que coûte – s’il tient sur pied jusque-là – ou l’élection de son fils en 2012. L’homme traîne de lourdes casseroles et craint comme la peste de perdre le pouvoir au profit de quelqu’un qui fouillerait sa calamiteuse gestion. Et il ne perd pas de temps. Le duo qu’il constitue avec son fils met déjà en place sa stratégie[1]. Celle-ci privilégie de loin l’argent qui, à leurs yeux, ouvre toutes les portes et arrive à bout de toutes les résistances. Ils sont riches, plus riches que Crésus et croient être en mesure d’acheter tous les Sénégalais. Ils ont en tout cas déjà eu dans leur escarcelle « l’association des imams et oulémas du Sénégal », dont Wade père a reçu en audience une forte délégation le mardi 22 juin 2010. Celle-ci était conduite par Moustapha Guèye, qui s’est adressé à l’homme « qui a tout fait pour l’Islam » pendant une trentaine de minutes. Il lui a trouvé des qualités que nous ne lui connaissions pas du tout : grande ouverture d’esprit, grand cœur, capacité de tolérance et de pardon, etc. A ceux qui passent leur temps à parler (contre Me Wade bien sûr), il a rappelé qu’ils perdent leur temp, car l’homme doit son pouvoir à Dieu et à Lui Seul. Il les invite surtout à se ranger docilement derrière Wade, le njiit (roi, chef d’État, Premier ministre, etc), comme le recommandent le Coran et la Sunna. Il est vrai que 50 millions de francs Cfa sont passés par là. Je suis loin d’être un ouléma, mais je ne crois quand même pas que l’Islam nous recommande de nous ranger sagement derrière les njiit, tous les njiit. Pour ce qui me concerne en tout cas, je ne suis pas prêt à me ranger derrière un njiit qui dit aujourd’hui une chose et son contraire dès le lendemain, un njiit dont le nom est intimement lié à des histoires d’assassinat et de détournements d’importants fonds publics, un njiit qui a déclaré avoir été franc maçon et qui, peut-être, n’a pas définitivement quitté la loge comme il le prétend. L’argent, les honneurs, les passeports diplomatiques, les billets et devises substantielles pour la Mecque, ne nous feront jamais accepter cette passivité coupable, que Dieu ne peut recommander en aucun cas.

D’ici à 2012, les Wade distribueront des millions, voire des milliards qui viennent d’on ne sait où, en tout pas de ses fonds spéciaux qui ne dépassent pas 650 millions par an. Tout le monde sait que ces fonds ne lui suffisent même pas à se rincer les dents. D’où viennent donc les millions que les Wade distribuent à la pelle ? Ceux qui prétendent être des imams, des oulémas ou des chefs religieux doivent quand même se poser la question ! En tout cas, ceux d’entre eux qui courent sans vergogne derrière l’argent à l’odeur fétide et les autres prébendes des Wade, devraient s’arrêter un instant sur cet épisode de la vie exemplaire de Serigne Touba Khadim Rassoul : à Adama Sall, émissaire de Lat Dior Ngoné Latyr Diop qui insistait pour le convaincre d’être son cadi, il répondit fermement et définitivement ces mots terribles : « Mouhammad a dit :  ?Le savant musulman qui brigue les faveurs d’un souverain ressemble à une mouche qui se nourrit d’excréments?. »

Ces mots du saint homme devraient être médités par tous les Sénégalais et principalement par ceux d’entre eux qui se réclament bruyamment de l’Islam sans en avoir le comportement. Les dix ans de Me Wade et sa nauséabonde « générosité »  nous ont révélé que les mouches ne souffriraient pas qu’on les compare à certains prétendus imams, oulémas et chefs religieux du Sénégal pour qui l’argent n’a point d’odeur, et d’où qu’il vienne.

 

MODY NIANG, e-mail : [email protected]

[1]  Deux des membres de sa famille politique donnent déjà le ton (« Le Populaire » du 22 juin 2010 page 6). Au registre des atouts de leur champion qui gagnera sûrement – c’est eux qui l’affirment – Serigne Mbacké Ndiaye cite « le soutien et l’appui de toutes les grandes autorités religieuses et coutumières de ce pays ». Son frère Iba Der Thiam affirme qu’il dispose, entre autres atouts, d’ « un parti puissant » et de « l’appareil d’État ». Ce dernier atout nous fait légitimement peur.  L’appareil d’État !!!!!!!! Pour en faire quoi ?



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