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Médias sénégalais : La chronique en dérive ou outil de propagande politique ? (Par Babacar Kebe)

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Médias sénégalais : La chronique en dérive ou outil de propagande politique ? (Par Babacar Kebe)

Depuis l'arrivée au pouvoir du duo Diomaye–Sonko, les médias sénégalais traversent une période de transformation profonde. Un changement qui, pour certains, se manifeste comme une libération de la parole, mais pour d’autres, s’apparente à un basculement inquiétant vers une chronique dominée par la subjectivité, l’instrumentalisation et l’amateurisme.


Les émissions politiques et les talk-shows se multiplient, et chaque jour, des figures souvent récurrentes occupent les écrans pour livrer des « analyses » sur les décisions gouvernementales, les stratégies d’opposition, ou encore les faits d’actualité brûlants. Cependant, une question essentielle se pose : ces interventions relèvent-elles encore du journalisme ou se transforment-elles en une forme de propagande déguisée ?


Chroniqueur : métier noble ou fonction détournée ?


Traditionnellement, la chronique est un genre journalistique à part entière. Elle implique un traitement régulier d’un domaine spécifique, avec un regard personnel, critique, mais éclairé. Elle peut porter sur des sujets aussi divers que la politique, la culture, la justice, le sport, ou encore les sciences. Son objectif est d’apporter une lecture fine et contextualisée des événements, tout en respectant la vérité des faits. Le chroniqueur, de son côté, est censé être un professionnel formé, expérimenté, rigoureux, doté d’une solide culture générale et d’une capacité à nuancer ses propos. Dans les écoles de journalisme, on apprend que ce rôle exige éthique, objectivité relative et, surtout, une maîtrise du cadre dans lequel il s’exprime.


Cependant, cette image se fragilise de plus en plus. Sur de nombreux plateaux télévisés sénégalais, les micro-trottoirs sont désormais occupés non plus par des journalistes chevronnés, mais par des acteurs politiques, des militants, ou de simples figures médiatiques à la rhétorique bien affûtée, mais souvent éloignées des principes déontologiques du journalisme.


Quand la chronique devient une tribune politique


Cette dérive du métier se manifeste de plusieurs manières :


L’absence de neutralité : Un nombre croissant de chroniqueurs prennent des positions ouvertement partisanes. Leur rôle semble moins être d’analyser de manière objective que de défendre ou dénoncer, en fonction de leur appartenance idéologique.


Le recul de l’investigation : Le travail approfondi, basé sur la recherche, la confrontation des sources et l’enquête de terrain, a progressivement cédé la place à des chroniques superficielles, faites de spéculations, d’interprétations douteuses, voire de désinformation.


La confusion des rôles : Les frontières entre journalisme et militantisme deviennent de plus en plus floues. Certains chroniqueurs se transforment en véritables acteurs politiques, tandis que des politiciens endossent le rôle de chroniqueurs pour influencer l’opinion publique, tout en contournant les règles de communication officielles.


Un vide médiatique propice à toutes les dérives


Cette dérive ne découle pas uniquement de l’ambition personnelle de certains chroniqueurs. Elle résulte également du vide laissé par le désengagement progressif des journalistes professionnels. Face à la polarisation extrême de l’espace public, de nombreux journalistes préfèrent la prudence et choisissent de ne pas participer aux plateaux, de peur d’être accusés de partialité ou manipulés. Ce retrait ouvre la voie à des individus qui n’ont ni formation journalistique, ni obligation déontologique. Pourtant, le Sénégal compte encore des journalistes compétents et respectés, capables de former les jeunes générations, de proposer des réformes et d’élever le niveau du débat. Mais leur voix se noie souvent dans un brouhaha médiatique où l’opinion personnelle, les attaques et le buzz éclipsent l’information sérieuse.


Des médias affaiblis : impuissance ou complicité ?


Les grands groupes médiatiques portent une part de responsabilité dans cette dérive. À la recherche d’audience, de visibilité et de rentabilité économique, certains médias privilégient le sensationnalisme. Les émissions les plus populaires sont souvent celles où les chroniqueurs s’invectivent, prennent des positions radicales ou attaquent violemment des figures politiques. C’est le règne du clash, du « tout se vaut », où l’expertise et la rigueur journalistique passent au second plan. Cette tendance soulève plusieurs interrogations : faut-il y voir une perte d’autorité des médias ? Une forme d’impuissance face à une nouvelle génération de voix plus provocatrices ? Ou bien une complicité silencieuse avec des agendas politiques ? Quoi qu’il en soit, les conséquences sont lourdes : la confiance du public s’effrite, l’opinion se trouve désorientée, et la subjectivité extrême devient une norme.


Et demain ? Le journalisme entre réinvention et disparition


La question essentielle qui se pose est la suivante : la politique est-elle en train de tuer le journalisme au Sénégal ? Certains estiment que les médias sont désormais utilisés par procuration, transformés en instruments de lutte politique. D’autres y voient une évolution naturelle, une réappropriation de la parole publique. Ce qui est indiscutable, c’est que le journalisme perd de sa substance, de sa rigueur, et de son autorité morale.


Pour redresser la situation, plusieurs pistes sont à envisager :


Redonner la parole aux journalistes professionnels, formés et expérimentés, et aux enseignants en journalisme, afin qu’ils redeviennent les garants de l’éthique et de la rigueur.


Renforcer la régulation des médias, en imposant des chartes éthiques claires et contraignantes pour les chroniqueurs, afin de lutter contre la dérive partisane et la désinformation.


Créer des espaces de formation continue pour les professionnels de l’analyse, afin qu’ils puissent maintenir un haut niveau d’expertise.


Éduquer le public à faire la distinction entre opinion, analyse et information, pour qu’il puisse se forger une opinion éclairée et nuancée.


Le journalisme est un pilier essentiel de la démocratie. Il mérite protection, exigence et respect. Le Sénégal, pays de tradition intellectuelle et de presse libre, ne peut se permettre de le voir sombrer dans la confusion des genres et l’instrumentalisation politique.


En définitive


Derrière les sourires télégéniques et les débats enflammés, se cache parfois un drame silencieux : celui de la déchéance d’un métier. Il est encore temps de redresser la barre, mais cela exige courage, lucidité, et une volonté commune de restaurer la vérité dans l’espace public.



12 Commentaires

  1. Auteur

    En Avril, 2025 (18:32 PM)
    Tous les vendredis y'a 2 chroniqueurs pro pastef en plus de toi et diallo, sans oublier un invité du pouvoir pour débattre, manipuler, désinformer, mais c'est toi qui parle de chronique comme outil de propagande. C'est ca le problème, les politiciens vous achètent et après vous venez faire comme si de rien n'était.
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    • Auteur

      Reply_author

      En Avril, 2025 (11:51 AM)
      Entièrement d'accord ce jeune homme pro PASTEF ne se regarde pas dans un miroir
      Il parle trop ces derniers temps !!!!
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    • Auteur

      Reply_author

      En Avril, 2025 (12:29 PM)
      En plus de ça ils sont tellement nul et terre à terre. Absence d'impartialité, parti pris flagrant, chronique nul. Toujours des analyses aériennes surtout lui. Aucune profondeur. Toujours dans les débats de bas étages.
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    • Auteur

      Reply_author

      En Mai, 2025 (16:19 PM)
      Très juste. Ce Monsieur est intellectuellement faux et hypocrite. Il joue la carte de la fidélité à ses maîtres déchus. Intellectuellement faux, hypocrite. Sa vraie place est à ’" KEUR NAFEEQ YI "
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  2. Auteur

    Sendebou

    En Avril, 2025 (18:40 PM)
    Excellente analyse Babacar, vous avez cerné la plaie de nos 'espaces médiatiques' actuels. Les vrais journalistes ont cédé la place aux fameux chroniqueurs si je peux m'exprimer ainsi qui parfois, viennent fraichement de n'importe où pour être des spécialistes en chronique ou en journalisme par ce que tout simplement le journaliste a démissionné de sa fonction

    Il faut aussi noter le cas des redevances des réseaux sociaux qui totalisent des Vues pour gagner de l'argent . Si on voit des chroniqueurs qui font la navette entre les plateaux alors certains ou la plupart n'ont même pas le certificat d'études primaires, c'est vraiment affreux de laisser ces gens envahir les plateaux pour faire la loi et le ridicule. On a trop laissé cette situation durer
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    • Auteur

      Reply_author

      En Avril, 2025 (18:50 PM)
      Tu félicites quelqu’un qui invite des chroniqueurs qui n’ont même pas le certificat à moins que tu sois l’auteur de l’article et que tu t’autofelicites
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    Auteur

    Thierno

    En Avril, 2025 (18:44 PM)
    Belle analyse, qui pose un diagnostic précis de la crise morale qui affecte les entreprises de presse. BRAVO.

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    Auteur

    En Avril, 2025 (19:52 PM)
    On le deteste ou on l'aime...là n'est pas la question, on s'en fout limite.

    Ce qui reste: Babacar a posé le débat et a structurer sa pensée, son analyse d'une très belle plume.

    Cet Exercice te va a
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    Auteur

    En Avril, 2025 (20:21 PM)
    bravo Mr kebe analyse juste et pertinente mais les premiers fautifs sont les journalistes eux même qui ont décidés de courber l échine face à des patrons de presse politiques et affairistes qui se servent de leurs organes comme moyens de pression et de lobbying pour arriver à leurs fins, les journalistes se sont aussi aplatis comme des vers de terre face aux politiciens manipulateurs qui leurs distribue indument l argent des contribuables pour faire le salle boulot , voila mon cher kebe le problème de la presse senegalaise qui a perdu son aura et sa respectabilité
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    Auteur

    Lebaolbaol Tigui

    En Avril, 2025 (21:44 PM)
    il essaye de faire des progrès c'est très bien , il n'est jamais tard de se corriger...si vous journalistes au senegal , vous etes formès en francais exercer uniquement en wolof est une anomalie dangereuse...vs etes jeune maitriser une langue internationale est un vecteur de reussite....bonne continuation.
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    Auteur

    En Avril, 2025 (11:57 AM)
    Comme Banc public qui n'invite que des militants ou membre de la majorité..
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    Auteur

    En Avril, 2025 (11:58 AM)
    Comme Banc public qui n'invite que des militants ou membre de la majorité..
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    Auteur

    Nianthio

    En Avril, 2025 (13:10 PM)
    M. Kebe à ta place j'aurais enfoncé le stylo dans mon anus pour regret. Vous savez, faites un peu d analyse sur ce boum des chroniqueurs et vous saurez le pourquoi. C'est depuis l avènement de sweet beauty que ce phénomène a commencé à pousser ses ailes.

    Quand les journalistes manquent de courage et préfèrent se transformer en leche Qs, alors des sénégalais courageux prennent leur courage. L affaire sweet beauty a vraiment dévoilé bcp de choses

    Des religieux qui ne craignent pas ALLAH

    Des journalistes sans courage

    Des hypocrites

    Des mécréants



    Vous savez très bien que la presse détient des infos réelles sur sweet beauty. Et qui a osé dire la vérité ? - personne.

    Plus simple, tout le monde savait très bien que ce lieu est un lieu de prostitution et personne n'a osé dire la vérité

    Ces gens que vous decrebiliser on prit leur courage en paix



    Vous vous fâchés pourquoi?

    Comme quand le pr et son pm parlent, les 2 cumulés de font pas 1 /3 de auditeurs de nguer gadiaga abou

    M. Kebe , n enleve pas le stylo dans ton Q , mais pousse le plus loin
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    Auteur

    Modou Fall

    En Avril, 2025 (14:49 PM)
    Vous avez supprimé mon commentaire mais Je reviens à la charge . Ce texte n’a pas été écrit par Babacar Kébé mais plutôt par l’intelligence artificielle. Arrêtez d’utiliser le ChatGPT … Ish
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    Auteur

    Yep

    En Juin, 2025 (21:31 PM)
    ce n'est même pas une analyse tellement ce que dit ce chroniquer est factuel !

    L'opposition est réduite à plus simple épaisseur, aussi le seul moyen qui paraît susceptible de la faire exister est de détourner les médias dont ils sont propriétaires. Les détourner car les médias jouissent d'un statut protecteur particulier qui leur est conféré par le peuple, ces médias sont devenus des moyens de propagande toxiques pour la survie de la démocratie. C'est une catastrophe démocratique pour la société sénégalaise et qui est hérité des mêmes qui nous ont inspiré la démocratie.
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    Auteur

    il y a 5 jours (09:09 AM)
    kebe toi tu es pro pastef, donc vos analyses sont toujours subjectives
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