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[ Contribution ] Où va le Sénégal ?

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[ Contribution ] Où va le Sénégal ?

Ce n’est guère une exaggération que véhicule ce titre. Ce jour de Mai, au cœur du quartier des affaires de New York, de jeunes Sénégalais s’en faisaient l’écho. A la sortie des salles de cours, ils devisaient avec un camarade qui relayait son père, vendeur dans une artère bourdonnante de vie.
« En quelques minutes, j’ai vu disparaître toutes les parapluies abandonnées par d’autres», assure le jeune commerçant.
Son malaise découlait du fait que même la pluie torrentielle qui tombait sur la ville n’assurait plus la vente convenable de ses parapluies.
« Moi, mon père rentre définitivement au pays, je voudrais l’y rejoindre de façon permanente à la fin de l’année scolaire mais il dit que les choses sont pires au Sénégal.»
Ce sujet est récurant dans les réunions familiales autour du bol de cëbujën, le mets préféré des Sénégalais. Ce n’est pas un secret si, Chinois, Coréens, Nigérians, Ghanéens rentrent en masses chez eux. Les choses sont beaucoup plus compliquées pour les Sénégalais. Jour après jour depuis l’avènement au pouvoir d’Abdoulaye Wade, les nouvelles alarmantes circulent à la vitesse assourdissante des tambours d’imprimerie.
Pourtant, le peuple sénégalais a nettement signifié sa réprobation de la manière dont son président conduit les affaires du pays lors des récentes élections locales, octroyant ainsi à l’opposition la gestion de la quasi-totalité des grandes villes, à l’exception notable de Ziguinchor, une ville située au sud du pays caractérisée par son immobilisme pendant les 24 années de magistrature du maire sortant.
Le message, que tous croyaient être clair au sortir du scrutin du 22 mars, a été perçu autrement par le président Wade. Douze jours après cette cinglante défaite, le président, secrétaire général du PDS qui s’était investi corps et âme dans une campagne électorale d’où il est censé prendre ses distances, s’est exercé plus que jamais à son jeu favori, celui de prestidigitateur, disent les familiers de la vie politique sénégalaise. Il n’a pas promis une centrale nucléaire ou des pluies artificielles, encore moins de recentrer sa gouvernance au service de la nation comme tout le monde s’y attendait, mais la création d’un poste de vice-président confié à une femme et…en tripatouillant pour la énième fois la constitution !
Autre point significatif de son discours du 3 Avril indiquant qu’il continuait d’ignorer le signal émanant de la volonté populaire : son intention d’octroyer à l’opposition le statut qui lui fait défaut dans l’architecture protocolaire de la République. Une proposition fermement rejetée par les principaux leaders de la Coalition Benno Siguil Sénégal qui venait d’écraser la Coalition Sopi au pouvoir, jusque dans les bureaux de vote où le président, son épouse, son fils candidat en bonne place sur la liste de la mairie de Dakar avaient glissé leurs bulletins de vote dans les urnes de la Commune d’arrondissement du Point E.
Le président a été un piètre stratège est-on tenté de dire après cette manoeure cousue de fil blanc visant à diviser l’opposition. Ceci pouvait à la rigueur passer pour un sursaut d’orgueil si, quelques jours plus tard, la recomposition de l’exécutif chassant quasiment tous les ministres battus lors des consultations locales ignorait le cas de son fils entrant officiellement pour la première fois dans le gouvernement. Avec une concentration énorme de pouvoirs que le décret du 7 Mai lui attribue. Ministre d’Etat, chargé de la coopération internationale, de l’Aménagement du Territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. L’essentiel des circuits où affluent les finances publiques. La cure d’amaigrissement du gouvernement réclamée par tous, y compris les bailleurs de fonds, n’aura pas lieu. Les perdants du cabinet sortant ont pointé du doigt l’incohérence de la démarche du vieux qui protège son fils tout en les châtiant. Pour la plupart, ils ont été recasés au mépris du bon sens visant à réduire le train de vie d’un Etat en banqueroute. Le ministre de l’Economie et des Finances a révélé cet état de fait d’où découle la vente d’une partie des actions que l’Etat détient à la Sonatel, la Société nationale des Télécommunications, ainsi que le bradage de l’hôtel Méridien Président. Cette affaire suscite un vif sentiment de révolte chez les patriotes après bien d’autres forfaitures de même genre dont celle de la Sonacos et la scandaleuse spéculation sur les réserves foncières les plus convoitées de Dakar.
Le pouvoir de contrôle du peuple étant de fait nul sur les engagements des autorités étatiques car, Karim Wade, ex-président de l’Organisation de la Conférence islamique, n’ayant jusqu’ici pas répondu de l’utilisation de plus de 300 milliards de F.cfa que ne reflète pas la réalisation d’un chantier relatif à la préparation du Sommet de l’OCI et dont l’utilité n’est pas si pertinente.
C’est donc cet intouchable qui n’a de comptes à rendre à personne que le père Wade remet en selle pour superviser la construction d’infrastructures, dont le nouvel aéroport de Diass financé par les contribuables sénégalais en lieu et place du cadre B.O.T (Build, Operate and Transfert) qui n’aurait pompé les maigres ressources du pays, ainsi que Wade, candidat aux élections de 2000, l’avait libellé.
Cet aéroport déjà baptisé Blaise Diagne, (du nom d’un député de France d’Outre-mer pendant l’époque coloniale, franc-maçon élitiste par ce qu’ayant supervisé une loi qui divisait les Sénégalais entre citoyens et sujets français) accuse déjà des retards dans l’exécution des travaux, entraînant des surcoûts de différé d’exploitation alors que le remboursement des emprunts extérieurs a commencé. La réplique de la gestion calamiteuse des chantiers de l’OCI se profile à l’horizon…
Et quelle mouche a piqué le président qui continue à imposer aux Sénégalais la haute main de son fils sur tous les rouages de l’exécutif après un coup d’épée dans la mare de l’arène politique ?
Des scénarios se bousculent dans la tête du commun comme de l’analyste sénégalais patenté.
Le chef de l’Etat voudrait se faire succéder par son fils. En de rares occasions, il dément cette assertion à travers les radios européennes car, au Sénégal, une forte dose de suspicion a tiré de l’oubli l’adage selon lequel le chasseur qui guette ne tousse pas.
En tout état de cause, ses actes démentent toujours ses paroles. Les observateurs épinglent l’OPA que la Génération du Concret a lancée sur le Parti démocratique sénégalais. Ce courant à l’intérieur du PDS ayant abouti à son éclatement. Wade nommant un Premier ministre ayant exprimé son rejet du Mouvement dont un des objectifs majeurs est d’installer son fils au sommet du pouvoir après la tentative avortée de son entrée en politique se rabat sur un plan B, brouillant les pistes. Les résolutions d’un Premier ministre pouvant changer sous les coups de boutoir de la corruption, note-t-on.
L’illusionniste Wade a bien repris du service, assurent-ils. La réalisation surfacturée de quelques infrastructures, comme par enchantement, balayera l’aversion des Sénégalais envers son rejeton, persiste-t-il à croire. Khalifa Niasse, le parrain autoproclamé de ce montage politique, n’est pas tout à fait au chômage depuis qu’il a été éjecté de son fauteuil ministériel pour cause de mauvaise performance lors des dernières élections. Tant qu’il sera disposé et utile à l’accomplissement des desseins «ubuesques» du «maître du jeu de la politique» au Sénégal, il rejoindra une équipe manipulable à souhait, soutient-on.
Mais, une relecture de l’actualité politique récente révèle une faiblesse du tenant du pouvoir. Le retour de la quasi-totalité des ministres politiquement défaits signale une incapacité pour lui de mener à sa guise son monde. Un affidé remercié peut susciter des révélations extrêmement gênantes. Comme celle qu’Idrissa Seck en disgrâce utilisera pour frapper l’imagination des Sénégalais sur un aspect lugubre de la personnalité de leur président en exercice.
«Les grands bandits ne se chamaillent que lors du partage du butin, jamais avant», rapporte l’enregistrement d’un entretien qu’il a eu avec Wade peu après la passation de service au palais de la République en 2000. Le tout nouveau chef d’Etat venait d’être renseigné par son directeur de cabinet sur la découverte d’un trésor caché ; les fonds politiques et autres ressources plus juteuses qui contribueront plus tard à empoisonner leurs relations. Le président affirme que M. Seck a subtilisé 60 milliards provenant de ces fonds, l’accusé confirme qu’il s’est enrichi à la faveur de ceux-ci.
Le climat délétère de cette affaire a été nourri par des négociations dans le cadre du Protocole dit de Rebeuss, (prison où a séjourné l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.
La générosité du vieux envers la Guinée -600 millions de cadeau d’anniversaire, la subvention de 10 millions qui a déclenché la brouille entre les ex ministres Landing Savané et Mamadou Diop Decroix, leaders de And Jëf, une formation politique parmi la trentaine qui soutiennent l’action du président, pourraient n’être que la toute petite partie émergée de l’iceberg des scandales, pensent beaucoup de citoyens.
Dès lors, que le palais de Roume soit le théâtre d’une tragédie ou se joue l’avenir du Sénégal, fait du chemin dans l’esprit du citoyen parce qu’autant les acteurs de premier plan semblent avoir poussé top loin le bouchon de la rupture, tout autant resentent-ils le besoin irrépressible de se retrouver ensemble.
La perception de ce déchirement ramène les uns au soupçon de quelque chose de grave. C’était un sentiment tenace chez les populations approchées par les initiateurs des Assises nationales au cours desquelles une constellation de partis politiques, de Responsables dans la société civile, consultaient le peuple sur la manière de le sortir de la situation catastrophique où l’a entraînée le régime actuel, assure une source proche de cette instance. Des assurances leur ont été données pour éradiquer la gangrène de la corruption, de la culture de l’impunité et de la personnalisation des institutions de la République.
Dans l’administration qui émanera de Benno Siguil Sénégal, le signal a été  donné par la déclaration de patrimoine des élus locaux. La Coalition BSS, sûr du mandat d’un électorat échaudé par l’expérience qu’il vit depuis 9 ans, s’est senti interpeller par un scrutin dont elle s’est donnée les moyens de remporter après le boycott du précédent par la plupart des membres la composant. Le «plus diplômé des présidents de la planète» tel qu’aime se présenter celui du Sénégal a déçu les attentes du peuple en affichant de piètres résultats au niveau de la demande sociale toujours croissante.
Aussi, l’Etat, c’est n’est plus un secret, est à court d’argent. Le pouvoir ne s’est pas plié de bonne grâce à organiser des élections acceptables le 22 Mars. En témoigne la tentative manquée de bloquer la diffusion des résultats en direct des bureaux de vote défavorables à la coalition Sopi au pouvoir ; confirmant par là-même que l’Opposition ne s’est pas jetée dans une bataille aussi cruciale que celle de 2000, sans l’assurance qu’une autorité neutre et puissante veillerait à la transparence du scrutin.
Et ainsi, de fil en aiguille, les analyses projettent une perspective de troubles sociaux qui iront s’aggravant si le cercle wadiste s’accroche par tous les moyens au pouvoir.
Après avoir inconsidérément gaspillé ses atouts  -un excédent de 280 milliards au Trésor public, le recyclage de la dette vers des projets sociaux en plus d’une embellie soudaine d’un environnement favorable aux affaires et à l’investissement, le régime libéral devra aussi rendre d’autres comptes.
Pour beaucoup de politiciens, le procès du régime de Wade est déjà ouvert.

Mohamed Seck
[email protected]



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