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[ Contribution ] Quand l’espace public est pollué… !

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[ Contribution ] Quand l’espace public est pollué… !

     A travers les âges, les contextes et les motivations, le débat remplit des fonctions variées. Mais la plupart du temps, il obéit à  une vocation délibérative. En ce sens, il est intimement lié  à la démocratie. Au Sénégal, les politiciens de média sont nombreux et différents dans les prestations médiatiques et on peut les scinder en quatre catégories : les volubiles, les caractériels et belliqueux, les nihilistes, les extravagants.

     La première catégorie est constituée de politiciens qui ont l’art de parler et de trop parler pour justement ne rien dire, c’est-à-dire brouiller les pistes, installer le doute et occulter leur déficit d’idées originales et fécondes.

     Arthur Schopenhauer, prenant le contre-pied de Socrate, a formulé un impératif qu’on pourrait appliquer à ces politiciens, pour ne pas être dupés par leurs astuces : ‘Ne parle pas pour que je te voie’, disait ce philosophe pour suggérer que le discours est souvent porteur d’illusion mystificatrice. Les représentants éminents de cette catégorie sont, sans nul doute, Abdoulaye Wilane du Parti socialiste (Ps) et Farba Senghor du Parti démocratique sénégalais : ils ont les mêmes mots, la même syntaxe, les mêmes arguments, pour parler de tout et manifester leur radicalisme de la critique du pouvoir ou de l’opposition.

     Derrière Wilane vient une colonne d’hommes politiques, moins virulents, mais plus argumentatifs : Babacar Gaye (Parti démocratique sénégalais), Hélène Tine (Alliance des forces de progrès), Mamour Cissé, (Parti social démocrate/Jant bi), Mamadou Diop Castro (Ligue démocratique). Ils contribuent certes à la démocratie, mais leur loquacité et leur tendance à s’éterniser sur des détails, sans jamais produire des idées alternatives, font que les citoyens sont plus distraits que méditatifs lorsqu’ils les entendent s’exprimer dans les médias. On n’apprend pas grand-chose avec eux si ce n’est contester avec vigueur et dramatiser les fautes du régime ou de l’opposition. Ils sont certes utiles pour cette raison, mais leur nocivité tient au fait qu’ils tuent, par leur discours peu constructif, l’esprit de la délibération démocratique dans le respect mutuel et la responsabilité.

     La deuxième catégorie est constituée de Jean-Paul Dias (Bloc des centristes gaïndé) et Barthélémy Dias (Parti socialiste). Ces deux personnalités du paysage politique occupent le sommet de cette hiérarchie que leur disputent cependant d’autres comme Demba Dia (Mac), Moustapha Cissé Lô (Alliance pour la République), Youssou Touré (Syndicat des enseignants libres du Sénégal), Fatou Youssouf Aïdara (Parti démocratique sénégalais), Moussa Sy (Parti démocratique sénégalais). L’ethos de la virulence se déploie dans leurs discours. A force de les écouter, on a l’impression qu’en politique, on ne peut être pertinent sans être virulent. C’est la catégorie de politiciens qui ont le plus contribué à l’immixtion de l’invective et de l’injure dans l’espace du débat politique. Au-delà de l’aspect burlesque de leurs interventions, le concept de pyromanie n’est pas exagéré pour caractériser le discours de ces politiciens et syndicalistes,.

     La troisième catégorie est constituée d’experts dont la notoriété est utilisée par les professionnels de médias, par les politiques et par une partie de l’opinion publique, comme des gages de vérité. On y retrouve des hommes dont la posture politiquement ambiguë déroute leurs interlocuteurs politiques. Ils dînent avec le prince du palais le matin et le vitupèrent avec précaution le soir. Non seulement, on ne peut les ranger ni du côté du pouvoir, ni dans l’opposition classique, mais leur discours général et abstrait n’offre que difficilement des possibilités de contestation à leurs alter ego. A force de les écouter, on a l’impression que non seulement rien de bon n’a jamais été fait par le régime et par l’opposition, mais ils ne proposent jamais rien.

     Pour ces intellectuels, il n’y a donc pas de place pour un œcuménisme salvateur de la patrie. Ils nient et inhibent les possibilités d’une entente autour de l’intérêt général, tout comme ils œuvrent contre l’idée d’un partenariat en direction de convergences au bénéfice d’un salut national entre l’opposition et le pouvoir.

     La posture de cette race d’intellectuels, en tant qu’elle affaiblie le processus de la construction démocratique, retarde les possibilités d’un consensus novateur entre classe politique, partenaires sociaux de l’Etat, etc., fixe davantage des camps radicalement opposés que rien ne saurait réconcilier dans une dynamique d’émancipation politique, économique et sociale. Bref un type d’intellectualisme manichéen pour qui le monde est divisé en ‘bons et mauvais’. Si l’on n’y prend pas garde, la démocratie sénégalaise pourrait inventer une combine de dévolution du pouvoir politique par le médiatique et ce serait la mort du citoyen.

     La dernière catégorie est constituée d’individus qui n’auraient jamais pu éclore comme personnalité politique, si la presse n’avait pas été, dans un certain sens, complaisante. Ce qui caractérise des politiciens comme Talla Sylla (Jef jël), Mohamed Lamine Mansaly (Pds), Oumar Faye (Lééral Askan Wi) et de plus en plus, Imam Mbaye Niang (Mrds), c’est l’extravagance dans le discours et dans les prises de position : toujours les extrêmes, jamais la recherche du juste milieu et du compromis.

      Leur ascension est imputable à la médiocrité de certaines émissions totalement dénuées de toute portée civique. Avec certaines émissions, les journalistes ont favorisé l’émergence de nouvelles ‘vedettes’ communément appelés ‘Sanni Katou Khéére’ (lanceurs de pierres). Peut-être n’ont-ils pas compris que la politique, la vraie ne s’encombre pas de témérité, encore moins du maximalisme. Elle reste une sagesse qui s’exprime dans un jeu subtil d’équilibre, de compromis. Bref ; la politique, c’est un art de faire qui s’écarte des incantations jusqu’au-boutistes et révolutionnaires.

Le ‘maslaha’, s’il n’est pas travesti et galvaudé, est une valeur cardinale ; il n’y a pas de meilleur support moral en politique que le ‘maslaha’, or c’est une réalité tangible dans les relations intersubjectives et interculturelles du Sénégalais.



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