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[ CONTRIBUTION ] Si l’enfant savait le prix à payer (par Demba Ndiaye, journaliste)

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[ CONTRIBUTION ] Si l’enfant savait le prix à payer (par Demba Ndiaye, journaliste)

20ème anniversaire de la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE) 

CONTRIBUTION : Si l’enfant savait le prix à payer 
 

«Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire» disait Victor Hugo dans son poème  « lorsque l'enfant paraît – les Feuilles d'Automne, XIX, 1831 ». Cette même joie avait entouré la famille de Mame Touti, le 20 novembre 1989, jour de sa naissance. Ce 20 novembre 2009, Mame Touti a 20 ans. Son anniversaire coïncide avec celui de la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE) qui a été adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale des Nations unies.  

D’autres faits marquants coïncident avec l’année de naissance de la petite Mame. Juin 1989 a vu la répression du Printemps de Pékin. Le mouvement étudiant s’est révolté contre le régime communiste. Cette manifestation s’achèvera en un bain de sang et des centaines de manifestants seront tués sur la place Tian’anmen, au centre de Pékin.

 Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, devant les caméras du monde entier, de jeunes Allemands de l'Est et de l'Ouest brisent le Mur de la honte qui divise Berlin depuis le 13 août 1961. Cet acte a pris de court les dirigeants des deux bords.

La chute du Mur - 3,60 mètres de haut, 160 kilomètres de long et 300 miradors - met fin à cinquante ans de séparation et d'antagonismes entre les deux parties de l'Allemagne, la République Fédérale Allemande (RFA) et la République Démocratique Allemande (RDA) qui sont enfin réunifiés.

Autre coïncidence,  son père Birima fête lui ses 50 ans. Il est né le 20 novembre 1959, année au cours de laquelle la Déclaration des droits de l’enfant a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. Cette déclaration peut être considérée comme la base de la CIDE, même si un énorme travail de réflexion a été effectué pour conférer plu tard un nouveau statut à l’enfant.

Cette déclaration fondée sur 10 principes de bases avait une grande portée et suscitait déjà l’éveil auprès des Peuples et des Nations épris de paix et de justice à l’égard des enfants.

Dans le préambule, L’assemblée générale « proclame la présente Déclaration des droits de l’enfant afin qu’il ait une enfance heureuse et bénéficie, dans son intérêt comme dans l’intérêt de la société, des droits et libertés qui y sont énoncés ; elle invite les parents, les hommes et les femmes à titre individuel, ainsi que les organisations bénévoles, les autorités locales et les gouvernements nationaux a reconnaître ces droits et à s’efforcer d’en assurer le respect au moyen de mesures législatives et autres adoptées progressivement en application des principes ».

Le constat est radieux : la fille et le père ont marqué l’histoire de la Convention internationale sur les droits de l’enfant. Mais au sens de cette présente Convention, la petite Mame n’est plus considérée comme un enfant car l’article 1 du texte précise « qu’un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt, en vertu de la législation qui lui est applicable ».  

Certes, les époques vécues par le père et la fille sont différentes, mais des avancées significatives sont notées, si l’on en juge par deux faits majeurs : 

  • En moins de dix ans, la CIDE a été signée et ratifiée par presque tous les Etats du globe (192 sur 194). Seuls les Etats-Unis et la Somalie n’ont pas ratifié ce texte. Ce constat est loin d’être négligeable, au point qu’on peut dire que c’est un instrument universel mis à la disposition du monde entier 
  • La volonté politique des nations du monde est née pour apporter un regard neuf à l’endroit des enfants. Cet acte traduit une autre volonté, celle de mettre en place un document de référence servant de base de travail pour les autres traités à venir
 

La communauté internationale a franchi un pas, mais il reste beaucoup à faire au regard des innombrables violations des droits que subissent les enfants. 50% des décès du monde ont lieu en Afrique subsaharienne où ne vivent que 22% des enfants1. Autres faits marquants : le risque de mortalité maternelle au cours de l’accouchement peut varier de 1 sur 7 pour le Niger à 1 sur 47 600 pour l’Irlande,  l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud-Ouest comptent à elles seules plus de 70% des enfants non scolarisés et environ 57% d’entre eux sont des filles, enfin, un enfant Finlandais a la possibilité d’étudier pendant 17 ans, un enfant africain pendant 7 ans seulement. 

La situation de l’enfant - objet, dépossédé de ses prérogatives d’intervention et de prise de décisions autonomes repose sur une situation où l’adulte anéantit sa pensée et sa capacité de discernement face aux enjeux de la mondialisation. L’enfant est méprisé, asservi et utilisé comme chairs à canon dans certains endroits du globe. Il n’a ni le monopole de la liberté, ni le monopole de l’expression encore moins de la pensée. Sa vie privée est étalée à longueur de journée dans certaines colonnes des médias. Où est le respect ? Où est la dignité de l’être humain ? Sa parole n’est pas prise en compte et il subit souvent des traitements cruels. 

Quid des enfants handicapés ? Le constat est plus qu’alarmant. Ils n’ont pas accès à des soins spéciaux ni à une formation digne de leur rang. Les infrastructures adéquates leur permettant de s’épanouir et de s’épancher manquent cruellement et leur sort est lié à une certaine législation brandie au cours des sommets ou à des discours pompeux pour amuser la galerie.  

Les enfants albinos ne sont pas épargnés et des exactions éhontées sont commises sur eux. Le chanteur malien Salif Keïta, albinos, vient de sortir un album engagé La Différence qui est un hymne poignant à la tolérance. « Cet album ne devait comporter que des reprises. Mais de nouveaux massacres d’albinos m’ont inspiré une nouvelle indignation », poursuit-il. 

  

Cependant, il faut reconnaître que cette Convention dont on célèbre le 20ème anniversaire ne prétend pas tout régler. C’est pourquoi, à l’occasion du sommet « social » mondial à Genève en juin 2000  deux protocoles facultatifs ont été ajoutés à la CIDE et entrent en vigueur en 2002 : 

  • Le premier, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés a été ratifié par 46 membres2 ou observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et signé par 11.
  • Le second, concernant la vente d’enfant, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants a été ratifié par 52 membres ou observateurs de l’OIF et signé par 10.
 

A cet effet, un plaidoyer est nécessaire car les droits de l’enfant ne sont pas compris et maîtrisés de tous. Pourtant, il est prévu un organe de contrôle de l’application des obligations aux quelles les Etats parties se sont soumis : le Comité des droits de l’enfant. Dans ce comité, siégent dix experts indépendants qui examinent les différents rapports fournis par les Etats sur la situation des enfants. Il faut souligner que ce comité a joué un rôle important au point qu’on lui attribue le titre de « Gardien de la Convention ». A la lumière des faits, cet organe est-il bien armé et suffisamment outillé pour remplir correctement sa mission sacerdotale ? Sinon, qu’est-ce qu’une Convention internationale sur les droits de l’enfant si 400 millions d’enfants sont menacés de malnutrition, 200 millions environ sont au travail, 100 millions ne sont pas scolarisés, 270 millions sont privés de tout accès à un service de santé et 40 millions naissent chaque année sans être inscrits à l’état civil ? Comment comprendre aussi la ratification à petits pas des protocoles facultatifs à la convention ?  

La mission du comité  est difficile, mais cela n’enlève en rien  ses obligations de conseils et d’orientations stratégiques pour faire face aux actes parfois ignobles et hideux dont les enfants du monde sont victimes. Pour éviter que la convention ne devienne qu’un simple texte, le comité doit user de toutes ses prérogatives et adresser un autre sermon aux Etats belliqueux. Il doit surtout mettre l’accent sur le suivi et les recommandations des Etats et des membres de la société civile. 

Qu’en est-il du rôle des ONG pour le respect des droits de l’enfant ? Dans les pays en développement, exercent-elles celui de contre pouvoir ou sont-elles souvent soumises aux respects des règles du jeu du prince ? Il faut reconnaître tout de même le rôle opiniâtre de pionnier exercé par certaines ONG quant il s’est agi de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. Les rapports établis en la circonstance différent et tranchent nettement d’avec la version officielle qui raille souvent la véracité des faits. Les débats souvent houleux entre ONG et officiels sur le respect des droits de l’enfant corsent et attestent l’addition des perceptions sur les ambitions en matière de protection, de participation ou de promotion des enfants. Il ne saurait en être autrement, sinon, la calvitie serait trop manifeste pour les portes étendards du respect des droits de l’enfant.  

Il n'est point besoin de faire l'apologie de l'enfance pour ce 20ème anniversaire, mais plutôt de veiller à l'application de la CIDE et d'apporter un suivi rigoureux aux recommandations des rapports émanant des ONG, des membres de la société civile et des gouvernements sur la situation des enfants. 

Ce dispositif de veille et d'alerte nous incombe tous et doit guider nos aspirations profondes pour la sauvegarde de l'intérêt supérieur de l'enfant. Un changement radical d’approche ne saurait être mis en œuvre pour atteindre cet idéal, de voir l’enfance dans la plénitude de ses droits, sans l’expression d’une stratégie adéquate entre l’Etat, les familles, la communauté internationale, les ONG, les agences des Nations Unies, etc. pour faire connaître les droits de l’enfant. Quel est le prix à payer ? 
 

                                                                                       Demba Arame NDIAYE

     Journaliste

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