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Une ancienne "complice" écrit à Wade :Mon ‘père’, nous ne vous laisserons jamais, toi et les tiens, faire du Sénégal une seconde Côte d’Ivoire !

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Une ancienne "complice" écrit à Wade :Mon ‘père’, nous ne vous laisserons jamais, toi et les tiens, faire du Sénégal une seconde Côte d’Ivoire !

J’ai été la première femme cadre à avoir accepté de militer ouvertement au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds) et il fallait alors un sacré courage pour le faire, surtout pour une personne exerçant sa profession en privé et avec le régime de l’époque. Je n’ai jamais voulu entendre parler de ‘Section bleue’ et c’est avec fierté que j’assumais et affichais mon appartenance au Pds. Je croyais alors énormément en toi. Tu étais pour moi une sorte de ‘Dieu’ et nos relations étaient de véritables relations de père à fille. Tu me présentais d’ailleurs à tout le monde comme telle, d’où l’étiquette de ’Fille de Abdoulaye Wade’ qui, aujourd’hui encore, me colle à la peau. J’affectionnais donc ces samedi matin parce que, pour moi, j’allais retrouver non seulement le ‘père’, mais aussi le héros qui, à mes yeux, allait changer la face de ce Sénégal, qui m’est si cher, et peut-être aussi celle de cette l’Afrique tant aimée.

Aussi j’étais presque toujours la première, le samedi, à me présenter dès 9 h au Point E. Tu me jetais alors un regard complice et, avec le sourire, tu me prenais souvent par le bras pour que nous allions nous installer dans le jardin. Là, tu avais pour habitude de t’allonger sur ta chaise longue et moi, après quelques caresses en réponse à l’accueil chaleureux d’Ulysse, ton chien fidèle et un rapide bonjour à Viviane toujours affairée à s’occuper de son intérieur, c’est le plus simplement du monde que je prenais une chaise de jardin pour venir m’asseoir à tes côtés. Et la discussion était partie jusqu’à ce que d’autres personnes viennent se joindre à nous. C’est donc ainsi qu’avec le plus grand sérieux, du moins en ce qui me concernait, que toi et moi avons refait et le Sénégal et l’Afrique et parfois même le monde.

Quand je repense à tout cela bien des années après, je suis frappée par la propension que tu avais alors à être presque toujours d’accord avec moi concernant la plupart de mes idées. Il était rare que tu me contredises s’agissant de mes projets pour le Sénégal et c’était le plus souvent : ’Oui Mame Marie, tu as raison, c’est vrai, tu as raison’. En fait je suis convaincue aujourd’hui que tu pensais alors en ton fort intérieur, en m’approuvant : ’Cause toujours Bobonne, cause toujours, les promesses n’engagent que ceux ou celles qui y croient…’. Tu as bien dû te marrer intérieurement à l’époque en m’écoutant t’exposer mes idées, avec la plus profonde conviction. Mais tout cela s’est passé dans une vie antérieure où tu ne pensais pas du tout qu’un jour, tu aurais à diriger ce pays et pour cette raison, tu pouvais nous raconter et nous faire croire tout ce que tu voulais. Aujourd’hui, la réalité que tu fais vivre aux Sénégalais est tout autre. Je ne m’attarderai même pas sur le nombre de tes promesses non tenues parce que la liste serait trop longue et les Sénégalais la connaissent par cœur, ni sur la manière dont tu as trahi le peuple qui a cru en toi et t’a confié son destin ; cette trahison, les Sénégalais la vivent au jour le jour dans leur chair. Je ne m’intéresserai pas non plus à ton amour démesuré pour tes anciens bourreaux, amour qui va bien au-delà du simple ’Syndrome de Stockholm’. Non, mon propos sera plutôt axé sur la manière inexplicable, inqualifiable et injustifiée avec laquelle tu t’acharnes sur tes anciens amis, enfants et compagnons des années de braises après les avoir eux aussi trahis, puis abandonnés sur le bord de la route.

C’est comme si, inconsciemment, tu en voulais à ces personnes-là d’avoir été les témoins oculaires de ta traversée du désert, de l’avoir partagée avec toi et, par conséquent, de connaître un peu trop de choses. Cependant, rappelle-toi que Jésus a bien partagé le repas avec les apôtres, que François Mitterrand a marché de la Place de la République à la Place de la Bastille entouré de tous ses anciens compagnons de lutte au soir de ce mémorable 10 mai 1981, tandis que Nelson Mandela a battu les records de noblesse et de dignité en laissant la place au fils de Kevin Mbeki, son ami et compagnon d’infortune mort au bagne de Robben Island, alors que des millions de Sud Africains le suppliaient de rester encore au pouvoir.

Tes sentiments de rancœur à l’égard de tes anciens compagnons de route se transforment franchement en haine dès l’instant où ces derniers osent afficher une quelconque ambition politique. Aussitôt, tu te mets à les considérer comme des ennemis, des ‘Hommes à abattre’ par tous les moyens. Et alors là, plus rien ne peut t’arrêter et c’est ainsi que, allégrement, tu franchis le Rubicon en faisant naître un mot jusque-là inconnu de toute l’histoire du Sénégal, un mot jusque-là banni de tous les langages, parce que porteur de tous les dangers, de toutes les dérives du monde, il s’agit du mot ‘Sénégalité’.

Ça y est, les fauves sont lâchés ! : Mon ’père’, je vais reprendre ici ce que je t’avais déjà dit au début de l’alternance. J’ai eu à te dire que le Sénégal n’était et ne sera jamais au grand jamais ta propriété personnelle ni celle des tiens. C’est parce que onze millions de Sénégalais ne peuvent gouverner en même temps leur pays qu’ils se choisissent démocratiquement un dirigeant pour lui confier les rênes du pays.

Les Sénégalais t’ont simplement confié le gouvernail du bateau ‘Sunugal’ pour le mener à bon port, mais ils ne t’ont jamais dit qu’ils t’avaient offert et le bateau et ses passagers pour que tu en disposes à ta guise, au point de vouloir amener le bateau à se fracasser tout droit sur les récifs. Et il semble bien que c’est ce que tu t’apprêtes à faire en nous servant ta dernière trouvaille quant à la ‘Sénégalité’ de notre compatriote Jean-Paul Dias.

Tu n’es pas sans ignorer que cet homme, qui a été pendant vingt ans ton compagnon de route et sur la personne et la famille de qui tu t’acharnes aujourd’hui et ceci de la façon la plus écœurante, a eu à occuper de très hautes fonctions au niveau de l’Etat. D’abord premier secrétaire de l’ambassade du Sénégal en Tunisie, il a fait l’Enam (école que seuls les Sénégalais peuvent fréquenter) et en est sorti major. Il a ensuite poursuivi sa carrière comme inspecteur du travail à Kaolack. C’est alors que le président Senghor fait appel à ses compétences et le prend dans son cabinet comme conseiller technique chargé du travail et de l’action sociale, poste qu’il cumule avec celui de directeur de la Fondation nationale d’action sociale du Sénégal (Fnass). Et c’est à ces titres qu’il mettra en œuvre la construction du Centre Talibou Dabo, l’extension de la clinique cardiologique de l’Hôpital Aristide Le Dantec ainsi que la construction du Centre de léprologie de Peykouck. Et c’est toi, mon ‘père’, qui le choisira comme ministre de l’Intégration africaine lors de ta première entrée dans le gouvernement du président Abdou Diouf en 1991. Ce ministère venait d’être créé et je me souviens que malgré de très faibles moyens, Jean-Paul fera tout pour lui donner ses lettres de noblesse. Tu ne vas pas me dire aujourd’hui qu’en portant à l’époque ton choix sur Jean-Paul Dias pour être ministre de la République, tu ignorais sa véritable nationalité qui est d’être aussi sénégalaise que la tienne.

Par la suite, Jean-Paul Dias a eu à créer son propre parti, le Bcg, ce que seul un Sénégalais peut faire. Il a été ensuite élu député du Sénégal et a occupé un poste de vice-président à l’Assemblée nationale.

Si après avoir laissé Jean-Paul Dias occuper toutes ces hautes fonctions au sommet de l’Etat, le gouvernement du Sénégal veut maintenant nous parler de la ‘Sénégalité’ de ce dernier, alors je dis qu’il y a vraiment lieu de s’inquiéter au sujet du fonctionnement de notre chère République. Mais s’il s’agit simplement de nous divertir pour pouvoir éliminer un adversaire politique, alors là je dis que c’est encore plus grave parce que ce serait prendre le peuple sénégalais pour un ramassis de canards sauvages auxquels on ferait prendre des vessies pour des lanternes. Il est vraiment temps d’être sérieux, mais malheureusement je me demande depuis fort longtemps si le gouvernement de l’alternance, en dehors d’une absence totale du sens de l’Etat, possède la plus infime notion de la signification du terme sérieux.

Tu sais, mon ‘père’, il y a des moments où nous autres Sénégalais sommes tellement effarés par le comportement de certains membres de ton entourage que nous finissons sincèrement par nous demander d’où ils viennent et si, réellement, ils ont été à l’école. Alors que le monde entier s’émeut de la fracture ivoirienne due avant tout au problème inqualifiable de l’’Ivoirité’ et que cette partition de la Côte d’Ivoire affecte durablement et sérieusement toute la sous-région, voilà que des individus de ton entourage, à qui je n’attribuerai même pas les qualificatifs d’êtres humains mais plutôt ceux de démons, nous servent sur un plateau, et ceci avec une tranquillité de zombi, les bombes dévastatrices de la ‘Sénégalité’ comme ils nous serviraient des verres de jus de bissap. J’ai eu à te dire lors du vote de la loi Ezzan que tu devais décerner à certains membres de ton entourage la médaille de cancre de la République, mais pour ce coup-ci, ce que tu as de mieux à faire est de te débarrasser au plus vite de ces bombes ambulantes tapies dans l’ombre.

J’ai eu à exercer de 1981 à 1985 ma profession de médecin ophtalmologiste au Chu de Treichville à Abidjan. J’ai même eu le privilège de m’occuper des soins oculaires de feu le président Félix Houphouët-Boigny avec mon patron le médecin général Henri Montabonne. C’était la belle époque de la Côte d’Ivoire d’antan où j’ai eu à vivre mes plus belles années. Une partie de ma famille aussi a eu à vivre dans ce beau pays dans le cadre de la Bad et de l’ancienne compagnie Air Afrique. Aussi le problème actuel de la Côte d’Ivoire m’affecte-t-il d’une certaine manière. Quand je vois où la profondeur de la bêtise humaine, à travers cette abomination que représente le problème de l’’Ivoirité’, a pu conduire ce merveilleux pays, tout ceci avec son lot de souffrance, d’horreur, de mort, de destruction et de dislocation, je ne puis que me dresser avec la dernière énergie lorsque l’on ose évoquer, un tant soit peu et même à mots couverts, une quelconque ‘Sénégalité’ sur cette terre de la Téranga léguée par nos ancêtres.

Que ceux qui nous gouvernent cessent de jouer avec le feu et cessent de mettre le pays en danger pour des raisons mesquines de politique bassement politicienne. Il n’est dans l’intérêt de personne de voir le Sénégal emboîter le pas à la Côte d’Ivoire ne serait-ce que par la parole à plus forte raison par l’acte. Et si acte il y avait, ce serait plus les gens d’en haut qui auraient à en pâtir que les gens d’en bas parce que les doubles nationalités et les ‘Sénégalais d’ethnie toubab’ sont plus nombreux au sommet de l’Etat que chez le boutiquier du coin.

Mon ‘père’, les Sénégalais ont du mal à comprendre le comportement à la limite suicidaire de certains membres de ton entourage, dont le compagnonnage t’est mille fois plus préjudiciable que profitable. Ces personnes-là, tout le monde le sait, n’existent politiquement et socialement que par toi et à travers toi. Et ceci est tellement vrai qu’ils parlent de toi comme étant ‘la seule constance’, expression blasphématoire à laquelle tu devrais mettre rapidement un terme, en tant que musulman, parce que tu sais parfaitement qu’il n’existe qu’Une Seule Constance et c’est Dieu et personne d’autre. Si aujourd’hui tu décidais de tout abandonner, on n’entendrait certainement plus parler de ces gens-là, comme beaucoup d’autres avant eux. On a donc du mal à comprendre qu’ils posent des actes qui ne ressemblent à rien d’autre qu’à de véritables actes de sabordage.

L’alternance, en laquelle le peuple sénégalais avait fondé tant d’espoir, a accouché de tellement de désillusions, de frustrations, de trahisons, d’injustice, de confusion et d’amertume que beaucoup de Sénégalais appréhendent de sérieux règlements de comptes post-alternance pouvant conduire de nombreux dirigeants de l’ère alternance de même que leurs affidés à choisir le chemin de l’exil, eux et leurs proches. Or la vraie famille Sénégalaise ne se réduit jamais à papa, maman et les enfants. C’est la famille africaine au sens large et elle peut compter facilement, sur trois ou quatre générations, une centaine de personnes. Si par malheur, et nous ne le souhaitons absolument pas, certains étaient amenés à prendre le chemin de l’exil, ils pourraient emmener avec eux Madame et les enfants et à la rigueur quelques proches, mais ils ne pourraient emporter dans leurs bagages l’ensemble de leur famille sénégalaise. Et ce sont les proches restés en terre sénégalaise, qui peut-être eux sont complètement innocents, qui risquent malheureusement d’avoir à payer pour les pots cassés par les autres.

Les familles de certains dirigeants de l’ère alternance ainsi que les familles de leurs affidés devraient penser à parler sérieusement à leurs parents dirigeants et à leurs affidés. C’est bien beau d’avoir un parent qui vous couvre maintenant d’argent et de biens matériels, mais il serait aussi souhaitable qu’il puisse vous assurer, de par son comportement présent, la paix et la tranquillité pour le futur.

Mon ‘père’, après six longues années, je ne me fais plus aucune illusion quant à la capacité de changement de ceux qui nous gouvernent, ils ont largement fait la preuve de leur totale incapacité dans ce domaine. Les Sénégalais se réveillent chaque matin en se demandant ce que leurs dirigeants leur réservent pour le lendemain et ces derniers, comme pour ne pas déroger d’un iota à leur funeste image, les font passer chaque jour que Dieu fait de Charybde en Scylla. Pour preuve, leur dernière trouvaille : le concept de ‘Sénégalité’ que je ne comparerais à rien d’autre qu’à une bombe d’Hiroshima en veilleuse.

Dès l’instant où le mot ‘Sénégalité’ a été prononcé, l’inquiétude et la peur se sont installées au sein des populations qui, instruites de l’immensité du désastre causé en Côte d’Ivoire par les problèmes d’’Ivoirité’, ont déjà commencé à prendre leurs précautions. C’est ainsi que j’ai rencontré, au tribunal, une amie tout ce qu’il y a de plus sénégalaise et que j’ai été saisie de stupeur lorsqu’elle m’a avoué être à la recherche d’un certificat de nationalité après ce qu’elle avait entendu.

Mon ‘père’, le Sénégal a toujours eu une tradition de terre d’accueil et d’hospitalité, d’où l’expression ‘Terre de la Téranga’, avec pour preuves les nombreux étrangers qui vivent ici, depuis des lustres, en parfaite harmonie avec les Sénégalais et les nombreux métissages intercommunautaires. Le président Senghor nous a légué une Nation solide et le président Abdou Diouf, en homme d’Etat, n’a cessé de veiller à la préservation de cet héritage. Nous ne te laisserons jamais au grand jamais, toi Abdoulaye Wade et les tiens, détruire cet héritage inestimable dans le monde actuel.

Depuis des mois, une véritable atmosphère de fin de règne s’est installée dans ce pays et rien ni personne ne semble pouvoir l’arrêter. Avec la dernière trouvaille des dirigeants de l’alternance consistant à nous servir le plat innommable de la ‘Sénégalité’, nous, peuple Sénégalais, avons cette fois compris qu’il n’y avait plus rien à attendre de la part de pareils dirigeants, parce qu’ils seront éternellement inaptes à diriger ce pays. Nous osons simplement espérer que vous allez enfin avoir l’intelligence de ne plus vous faire d’illusions. A cet effet, nous vous demandons de bien vouloir commencer à faire vos bagages pour laisser la place aux véritables dirigeants que nous saurons nous choisir en toute maturité.

Au revoir mon ’père’.

Ta ‘fille’ et ancienne complice des samedi matin. Docteur Mame Marie FAYE Médecin Ophtalmologiste Dakar Sénégal Fait à Dakar le 20 août 2006



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