[ Contribution ] Vivement pour un mémorial au « Joola »

Depuis son tragique naufrage dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002, « Le Joola » (ou « Diola » du nom de la principale ethnie de Casamance), symbole d’une Casamance fière et debout, n’a cessé de captiver et de passionner les imaginations.

« Le Joola » qui assurait la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor via l'île de Carabane était un cordon ombilical entre la région Sud de Casamance et le reste du Sénégal. Il concourait au désenclavement de la région et était indispensable pour l’économie du pas de la « Téranga ».
Ce ferry a sombré emportant avec lui 1.953 victimes dont seulement 64 rescapés (les 22 ont passé la nuit sur la coque du navire), alors qu'il était conçu pour en transporter que 550 passagers. Son naufrage constitue ainsi la plus grande tragédie de l'histoire du Sénégal et sa submersion a été un choc grandement ressenti dans le monde entier, et notamment à Dakar et en Casamance.
L’engloutissement du « Joola » peut être classé à l’évidence parmi les plus grandes catastrophes maritimes en temps de paix et la plus meurtrière pour l’époque. Outre le Sénégal et surtout la Casamance, les victimes sont aussi originaires de 11 nationalités étrangères, 26 Bissau-guinéens, 20 Français, des Espagnols, des Ghanéens, des Néerlandais, des Suisses, des Belges, des Camerounais, des Norvégiens, des Libanais et des Nigériens). Sur les 1.953 victimes, il y’a 1.201 hommes (61,5 %) et 682 femmes (34,9 %) et 70 victimes (3,6 %) sont de sexe non déterminé.
Ces chiffres comparés aux victimes du « Titanic », entre 1 491 et 1 513 personnes, nous pouvons sans courir le risque de nous tromper que le « Joola » a battu tous les records… Si l’Etat du Sénégal n’avait pas tardé à réagir, les parents des victimes allaient certainement se retrouver en possession d’objets personnels et de souvenirs de leurs proches défunts.
A cet Etat qui a tardé à secourir ses fils, qui a tardé à sauver ses fils, qui a tardé à renflouer le bateau, qui en a tant promis par la voix de son chef comme de ses subordonnés directs, … à cet Etat là, nous demandons voire même exigeons que soit enfin érigé un mémorial digne de nos pauvres victimes. Oui ! De pauvres victimes que je considère comme étant « Morts pour la patrie ». Sûrement, certains d’entre eux n’ont pas la nationalité sénégalaise mais leur amour pour cette patrie qu’est le Sénégal a fait d’eux et à titre posthume de dignes fils du Pays.
Maitre Abdoulaye WADE, lors de son adresse à la Nation du mardi 1er octobre 2002, avait déclaré que : « un mémorial sera édifié à un endroit qui sera choisi d\'un commun accord et selon une conception qui sera soumise à l\'agrément de toutes les parties ». Si tentée qu’une promesse faite est une promesse dûe, nous exigeons de vous, Mr le Président, de tous les sénégalais dont les victimes du « Joola », de tenir parole en édifiant ce mémorial tant souhaité et attendu.
Si le « Titanic » a ses mémoriaux aux quatre coins du globe alors pourquoi pas le « Joola » ?
Pourquoi « Le Joola » ne devrait-il pas disposé au moins d‘un mémorial ?
Dans les mois qui suivirent le naufrage du « Titanic » le monde entier célébra la mémoire de ceux qui avaient péri avec le paquebot. D’innombrables plaques commémoratives, des statues, des fontaines et des monuments funéraires furent érigés en souvenir aux victimes du désastre. Aujourd’hui encore, de nouveaux mémoriaux leur sont dédiés, dont entre autres :

-       le Titanic Memorial Lighthouse (Phare du Titanic Memorial), fut initialement érigé en 1913, grâce à une souscription publique, au sommet du Presbytère des Marins (Seaman’s Church Institute) situé au 25 South Street à New York, à l’angle de Coentries Slip
-       à Broadway, au 106 West Street de New York, se trouve un square dans lequel une fontaine de granit et de bronze, œuvre du sculpteur Augustus Linkeman, fut édifié en 1915 (trois ans après le naufrage du « Titanic »). Sur le bassin du granit gris du mémorial, sont inscrites ces paroles bibliques : «  Ils furent charmants et agréables de leur vivant et ne furent pas séparés de leur mort. »
-       à Washington, Henry Beacon, auteur des plans de Lincoln Memorial, conçut un mausolée émouvant à la mémoire des disparus, orné d’une statue allégorique haute de 6 mètres représentant un homme aux bras déployés
-       de tous les monuments funéraires érigés à travers le monde, le plus grand et le plus somptueux est la Bibliothèque du Widener Memorial (dite Bibliothèque Widener), érigé à l’Université de Harvard à Cambridge, Massachussetts, par Mrs Georges Dutton Widener à la mémoire de son fils Harry, diplômé de Harvard en 1907 et collectionneur de livres rares. L’édifice, achevé en 1914, est l’œuvre de l’architecte africain-américain Julian F. Abele
-       en Grande-Bretagne, dans l’est Park de Southampton, se trouve un mémorial en bronze et en granit, dédié à la mémoire des 35 mécaniciens du Titanic, tous disparus dans le Titanic
-       dans le bureau de poste de Southampton, situé près de l’intersection de High Street et de East Street, se trouve le Postal Workers Memorial constitué d’une plaque de bronze dédiée à la mémoire des postiers du Titanic
-       le Titanic Musicians Memorial, dédié aux héros de l’orchestre du Titanic, fut inauguré le 19 Avril1913 dans la bibliothèque de Southampton. L’ensemble fut détruit au cours de la deuxième guerre mondiale
-       en Irlande du Nord, la statue du Titanic Memorial de Belfast fut érigée grâce à une souscription à laquelle participèrent les populations de Belfast, les employés du chantier Harland & Wolff, la White Star Line et la famille de Thomas Andrew, l’architecte du « Titanic »
-       au Canada, plus précisément à Halifax (province de Nouvelle-Ecosse), sont inhumées 150 victimes du naufrage dans trois cimetières de la ville : Fairview Land, Mont des Oliviers et Baron de Hirsch
-       en France, le 19 avril 1996, la passagère française rescapée Louise Laroche dévoila une plaque commémorant l’unique escale du « Titanic » à Cherbourg au soir du 10 Avril 1912. On peut y lire : « R.M.S. Titanic. Au cours de sa croisiere inaugurale, le paquebot Titanic fit sa seule escale à Cherbourg le 10 Avril 1912. Il devait sombrer dans la nuit du 14 au 15 Avril au large de Terre-Neuve. La Société Historique du Titanic à Indian Orchard (Massachussets USA) et la ville de Cherbourg ont commémoré ce tragique évènement le 19 Avril 1996 ».

Alors à quand des mémoriaux pour « nos » victimes du « Joola » comme l’a souhaité le Comité d’Initiative pour le Mémorial Musée « Le Joola », créé en septembre 2007 et qui regroupe l’essentiel des associations sénégalaises et françaises de familles de victimes du naufrage du « Joola » et des membres de la société civile.
Par devoir, par devoir oui et donc, nous avons –chaque Sénégalais étant concerné– la mission de faire aboutir le projet d’érection d’un Mémorial Musée « Le Joola » dans le but d’assurer cet impérieux devoir de mémoire.
Le 26 septembre 2008, lors du sixième anniversaire du naufrage, les familles de victimes avait lancé un appel public solennel aux autorités du Sénégal pour l’érection d’un Mémorial Musée. Malheureusement, deux panthéons furent construits sur le site en question mais destinés et/ou detournés consciencieusement, intentionnellement et délibérément à une cause autre…
Le Sénégal, en l’an 7 du naufrage, n’a toujours pas dédié un lieu dans le Sénégal à la mémoire des 1.953 victimes du bateau « Le Joola », encore moins des stèles, des plaques commémoratives, des statues, des fontaines et des monuments funéraires…

Puisse « Al-Khāliq », Lui qui fait exister les choses, Lui qui les fait passer de la non-existence (le néant) à l’existence, et ceci est le fait de créer cet univers n’a pas d’autre créateur dans ce sens, vous accueillir dans Son paradis céleste. « Allahuma Amiine » !

A la mémoire de ces morts, nos morts qui disparurent avec  le « Joola » … Requiescant in pace !*

* Reposez en paix !

Ababacar Sadikh SECK
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