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ALPHA BLONDY REGGAEMAN IVOIRIEN : « Gbagbo et Soro entreront dans l’Histoire s’ils tuent le concept d’ivoirité »

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ALPHA BLONDY REGGAEMAN IVOIRIEN : « Gbagbo et Soro entreront dans l’Histoire s’ils tuent le concept d’ivoirité »

« La guerre ivoirienne résulte du fait qu’on a refusé à des citoyens le droit d’obtenir leur papier d’identité.». Cette grande crise a commencé par ce refus, estime Alpha Blondy qui s’interroge par ailleurs sur l’efficacité de l’ONU dans le règlement des conflits en Afrique. Le reggae man ivoirien considère que la crise qui paralyse son pays est une crise identitaire liée au concept même d’ivoirité. Pour Alpha Blondy qui interpelle le Président Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro , l’octroi d’une pièce d’identité à tous les Ivoiriens est la condition sine qua non pour faire revenir la paix en Côte d’Ivoire et le passage obligé pour organiser des élections libres et transparentes. C’est la conviction d’Alpha Blondy rencontré dans sa loge au Festival Balelec vendredi dernier à l’Ecole polytechnique de Lausanne. (Entretien)

Icône de la musique reggae ouest africaine, vous êtes également un artiste engagé. Il se trouve qu’aujourd’hui votre pays traverse une crise politique qui dure. Avec le recul, quel regard portez-vous sur la Côte d’Ivoire ?

« Je vais vous dire très sincèrement que mon pays a commis deux erreurs. La première est liée à la création même du concept d’ivoirité. Comment se fait-il que dans un même pays, certains sont considérés moins Ivoiriens que d’autres ? Il y a des populations qui vivent ici depuis 1700 d’autres depuis 1400. L’étranger ce n’est donc pas lié à la population mais au pays même. Je veux dire par là que des gens vivaient ici avant même que la Côte d’Ivoire soit créé en tant qu’Etat. Ok ! Et les politiciens pour des raisons d’intérêts n’ont pas voulu voir le problème sur cet angle. Ils ont préféré créer la guerre. Personne ne peut accepter de devenir d’un jour à l’autre apatride. La solution est donc de donner des papiers à tout le monde. Et à partir de là, faire le ménage. Ceux qui veulent faire une demande de naturalisation pourront le faire. Le blocage c’est le refus de donner le papier à tout le monde. La deuxième erreur, c’est le fait d’avoir cautionné un coup d’Etat parce qu’un coup d’Etat cela fout la merde. Il n’y a pas de démocratie militaire. Et nous les Ivoiriens nous ne sommes pas prêts à être les cobayes d’un régime militaire. Je ne dis pas qu’il faut singer l’Occident mais de faire comme les Japonais c ‘est à dire de copier uniquement ce qui est bien. Nous savons que la démocratie occidentale n’est pas parfaite mais ça fonctionne. Ce serait bien que nous les Africains, nous faisions la même chose. La « démocrature » est une dictature démocratique. Elle ne marchera pas. Les Ivoiriens ont intérêt à se ressaisir. Ok ! Parce que si la Côte d’Ivoire est en péril, toute la sous – région est en péril. Aujourd’hui, l’Afrique ne peut pas se payer le luxe de coups d’Etat de même elle ne peut pas se payer le luxe d’encourager les fauteurs de troubles qui en déstabilisant un pays membre de la CEDEAO déstabilise tous les autres pays de la sous région. Les politiciens ivoiriens doivent arrêter de penser à leur intérêt mercantile, à leurs comptes en Suisse ou en France. Ils doivent penser à l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. Ils doivent arrêter de prendre la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens comme otages. Le Président Gbagbo et son équipe de même que le Premier Ministre Soro doivent donner la carte d’identité à tous les Ivoiriens avant d’aller aux élections. Je demande aux politiciens ivoiriens de mettre un peu d’eau dans leur vin, et dans leur orgueil et dans leur égo… Et de penser non seulement à la Côte d’Ivoire mais de penser à l’Afrique toute entière ».

Nous ne savons pas quelles sont vos relations avec Gbagbo et avec Soro, mais que leur dites vous plus spécifiquement car le monde entier attend, impatiemment, l’organisation d’élections démocratiques en Côte d’Ivoire ?

« Ecoutez, Gbagbo est comme un grand frère pour moi. Il m’a fait l’honneur de me rendre visite à la maison et de me recevoir au Palais mais surtout, il m’a fait l’honneur de m’écouter. Je peux dire sans prétention aucune que je suis l’un des instigateurs de leur dialogue direct. J’ai dit à Gbagbo de se passer des intermédiaires et de discuter directement avec les enfants. Soro est également un frère. Mais, aujourd’hui, Soro Guillaume et Gbagbo Laurent sont tous deux victimes. Je dirai même qu’ils sont dans le piège de ceux qui ont invité l’ivoirité. Voilà pourquoi je suis toujours à leur côté car je veux qu’il respecte les Accords de Ouaga. Cette histoire d’identité, de fraude et de faussaires est assez loufoque. On dit que tous les fraudeurs viennent de ces trois pays, du Mali, de la Guinée, et du Burkina et pourquoi pas du Ghana et du Liberia. Pourquoi forcément et uniquement se focaliser sur ces trois pays ? Je ne comprends pas ! C’est dangereux. Les mêmes causes créant les mêmes effets, les mêmes personnes qui sont victimes de l’ivoirité sont celles qui sont indexées. Je pense qu’il ne pourra y avoir d’élections sans désarmement. Et il ne pourra y avoir de désarmement sans qu’on ne donne les papiers à tout le monde. Il faut donner des papiers à tout le monde parce que les gens n’ont pas pris les armes à cause des élections. Ils ont pris les armes à cause des papiers d’identité. Alors qu’on leur donne leur papier. Si on donne à ces gens leur papier, la rébellion s’arrête tout de suite. J’ai parlé à des gens de la rébellion qui m’ont dit : « si on nous donne les papiers, on arrête tout de suite ». Alors pourquoi ne veut-on pas leur donner leur papier. Le Président Gbagbo et Soro Guillaume entreront dans l’Histoire par la grande porte s’ils arrivent à tuer l’ivoirité. En Côte d’Ivoire les voitures sont plus légales que les Ivoiriens. Elles au moins une carte grise. Au même moment, les Ivoiriens n’ont pas de papier, ni de récépissé. C’est inacceptable. Les Forces nouvelles et la Mouvance présidentielle devront s’entendre. Gbagbo est le seul qui peut mettre fin à la situation alors qu’on l’encourage à donner les papiers à tous les Ivoiriens. Il doit le faire. On dit que s’il le fait, il perdra les élections, ce qui n’est pas sûr. Ce n’est pas sûr et s’il le faisait, il serait quand même celui qui aura éteint la crise ivoirienne. La crise ivoirienne est une crise d’identité. »

Qu’est ce que cela vous fait-il d’animer la 30ème édition du Festival des étudiants ingénieurs de l’Université de Lausanne ?

« Vous savez, nous les musiciens, nous sommes des marchands du bonheur, des marchands de rêves. Nous devons être à toutes les fêtes. Dans ce monde perturbé, dans ce monde plein de violences, si nous pouvons partager des moments de joie avec un public, c’est une manière de contribuer au bonheur. Ainsi, nous sommes tous, toujours contents quand on nous invite à des grandes fêtes comme le Balelec. Surtout dans un moment comme celui-ci ! C’est vous qui m’apprenez que c’est une école d’ingénieurs qui organise la manifestation. Je pense alors que c’est moi qui devrais leur dire Merci d’avoir pensé à nous.

Que pensez vous faire pour que la musique reggae et votre héritage se perpétue ?

« Beaucoup de jeunes font aujourd’hui de la musique mais les maisons de disque se portent très mal. J’encourage ces jeunes. Le problème c’est que des artistes comme moi et Youssou Ndour n’ont pas les moyens dont disposent les maisons de disque. Je voudrais encourager les opérateurs africains d’oser créer des maisons de disque parce qu’il y a tellement de talents que ce soit dans le reggae ou dans d’autres genres musicaux. C’est dommage que nous n’ayons pas toute la logistique et tous les moyens pour les propulser à l’échelle internationale. Ceux qui oseront investir dans ce domaine vont se faire des couilles en or ».

Vous avez parlé de Youssou Ndour, avez-vous écouté son album reggae en hommage à Bob Marley ?

« Non. Je ne l’ai pas écouté mais je sais une chose, cela ne peut qu’être bon. C’est quelqu’un que je connais très bien et je connais celui avec qui il a travaillé Jah Victory. C’est un génie. Il m’a parlé de sa rencontre avec Youssou. Et si les deux ont fait quelque chose ensemble, cela ne peut qu’être bon parce que Youssou a le talent de Dalen le génie. Il n’y a aucun secret en matière de reggae pour lui. J’ai hâte d’écouter le disque j’ai demandé à mon épouse de s’en occuper.»

Peut- on s'attendre à ce que vous ouvriez votre cœur à votre petit frère Tiken Jah avec qui vous entretenez des relations difficiles.

« Sincèrement parlant je voudrais vous dire que c’est bien comme ça. Vous savez Tiken et moi sommes deux Dioulas et plus nous sommes fâchés, plus nous vendons nos disques. »

Vous êtes Messager de Paix des Nations Unies, l’organisation a –t- elle réussi sa Mission en Afrique ?

«Je suis un peu mal à l’aise parce que je ne comprends pas que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies soir les plus grands marchands d’armes. Ceux qui doivent empêcher la guerre, sont ceux qui vendent les armes. Ce qui me dérange par rapport à eux, c’est qu’on parle d’arrêter les coups d’Etat et en même temps de promouvoir la démocratie … Les Nations Unies doivent quelle que soit la raison invoquée pour justifier un Coup d’Etat dire « Non. Allez aux urnes. Si vous avez les moyens de faire un coup d’Etat, vous avez les moyens d’organiser des élections.». Il ne faudrait pas que cela soit une habitude. Je ne supporte pas les coups d’Etat. Ce sont des braquages politiques. On braque des banques. On braque des voitures. Et puis on braque les Etats. Et ça, s’appelle un coup d’Etat. Et il ne faut pas que les Nations Unies se fassent les complices de cela. Comment par ailleurs comprendre que la grosse machine onusienne ne puisse pas éteindre le conflit au Congo ? On parle de 8 millions de morts ! Est-ce que c’est normal ? Ok ! Moi je parle en tant que Messager de Paix de l’Onu même si nous nous sommes fâchés. Je ne peux pas cautionner qu’une machine aussi puissante que l’ONU soit aussi amorphe. Je pense qu’ils ont souvent une attitude complice et je souhaiterais que cela change. Oui les Nations Unies soient entrain de perdre leur crédibilité et s’ils perdent leur crédibilité, le monde est en danger. Je voudrais donc attirer leur attention sur ça.»

Propos recueillis à l’Université de Lausanne (EPFL) par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)- Photos/ Maryline PERRIER


http://www.continentpremier.com/cpnew/?article=1669



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