La civilisation africaine dispose d'un certain nombre de mythes et de récits légendaires de création des villes qui renseignent, par-delà la réalité historique, sur le sens même donné à de tels établissements construits de toutes pièces par les hommes. Ainsi, une petite incursion dans l’histoire du Sénégal nous fait voyager dans la dimension symbolique de la création de la ville de Dakar. De ses origines (dans ce premier jet), à l’histoire des Lébous et de leurs 12 «Penc», en passant par les lieux mythiques chargés de mysticismes, c’est à une véritable immersion dans Dakar ou «dëk raw» (la cité refuge en Wolof), que nous vous invitons, cette semaine, dans notre rubrique détente.
Ancien village de pêcheurs lébous, Dakar est devenue une grande capitale cosmopolite.Dakar, ce nom donné à la capitale du Sénégal pourrait être la version francisée de «Ndakaaru», l'appellation locale, dont l'étymologie reste incertaine, peut-être dérivée de l'expression wolof «dëk raw» (la cité refuge en Wolof) ou encore de «daxar» (le tamarinier en wolof), sans doute parce qu’il y avait un grand tamarinier sous lequel palabraient des anciens. Mais la théorie qui sied le plus, selon certains chercheurs, c’est le nom étymologique «dëk raw», la cité refuge. Car, explique Abdou Khadre Gaye, président de l’Entente des mouvements et associations de développement (Emad) (Ndlr : structure initiatrice du Fespenc qui fait des recherches sur la société léboue) : «en ces temps, cet endroit était le refuge de ceux (les lébous) qui fuyaient les brimades des Bourba. Progressivement, des personnes appartenant à toutes les ethnies du Sénégal venaient s’y installer».
Ndëk Daour Mbaye, génie protecteur de Dakar
Dakar, la ville refuge, était protégée (elle l’est toujours précisent d’aucuns) par Ndëk Daour Mbaye (l’habitant de Wër, c'est-à-dire «ku dëk wër») et non «Lëk Daour». Ce génie protecteur, mi-homme, micheval, selon la croyance populaire, protégeait Dakar et tous ceux qui y posaient leurs pied. Quand ce génie protecteur faisait le tour de la ville, la nuit, partout où il passait, on entendait des bruits comme des sabots d’un cheval, il faisait «cok cok». Selon les anciens, Dakar était en sécurité et il n’y avait ni vol ni viol, encore moins de mensonge. C’étaient des comportements inouïs dans la presqu’île du Cap- Vert. «Aujourd’hui, le vol et même les agressions sont devenues monnaie courante à Dakar», se désole Abdou Khadre. «Le pacte a peut-être été rompu et Dakar a changé. Elle est devenue une terre sans visage, avec une urbanisation anarchique. Elle n’est plus un ‘Cap Vert’, mais un ‘Cap Béton’, comme dit le Ndey Ji Rew, Alioune Diagne Mbor», renchérit-il.
Les 5 îles du bouclier mystique qui protège Dakar
Cette presqu’île du Cap-vert qui constitue l’extrême ouest du continent africain est entourée par 5 îles dont l’île de «Wër» et de «Lar» qui constituent l’île des Madeleines, l’île Sarpan qui porte le nom d’un ancien militaire français qui y a été exilé, «Béer» qui est appelé actuellement l’île de Gorée et les îles dites «Teunguene» (Teungueni Yoff et Teungueni Ngor). Ces 5 îles, d’après les dignitaires lébous, constituent un bouclier mystique qui protège Dakar. Sans ces 5 îles, qui sont en quelque sorte des brise-lames, explique Abdou Khadre Gaye, Dakar disparaîtrait. À côté de ces îles, on compte 2 côtes dans Dakar. La première est la grande côte Nord qui s’étend du Cap Manuel à Kayar. C’est la mer chantante «Guedj Gala Waye», selon les lébous. D’où la dérivation de Guédiawaye. La légende dit que c’est une mer de sexe masculin. La petite côte située au Sud de la presqu’île qui est la deuxième est appelée la Mer calme «Guedj Gui Reuw», (village de Guéreuw). C’est une mer de sexe féminin. Abdou Khadre raconte : «En langage imagé, s’il y a une tempête, on dit ‘Guedj gou goore gi dala doxansi Guedj gou djiguen gi’ (la mer du sexe masculin fait la cour à la mer du sexe féminin). Les anciens disaient alors aux jeunes de ne pas aller en mer, car c’était dangereux». «Et le jour où les deux mers se rencontreront, pensent les lébous, ce sera la fin de Dakar. C’est une manière d’appeler à la lutte contre l’érosion maritime. Ce sont des symboles très forts, très intéressants», ajoute-t-il.
Sanda, l’arbre qui donna naissance à Sandaga
Cela montre, selon le Président de l’Emad, l’importance que les Lébous accordent à leur environnement et surtout à l’arbre. Ils avaient une attention particulière pour la nature. D’ailleurs, les noms de beaucoup d’endroits très fréquentés, actuellement dans Dakar, sont dérivés des noms d’arbres. C’est le cas de Sandaga. Ce nom vient de «Sanda», un arbre qui ressemble un peu au baobab et qui produit des fruits. Aujourd’hui, cet arbre est très rare, voire inexistant. Il se trouvait à la place où est installé le marché de l’or à Sandaga (Lalou Wourous qui signifie littéralement lit d’or). En cette période, raconte M. Gaye, les Lébous disaient : «Da may dem sa Sanda ga» (je vais là où se trouve l’arbre Sanda). C’est ce qui a donné le nom de Sandaga».
Les 12 plages sacrées qui cohabitent avec les 12 «Pencs»
À Dakar, on distingue 12 «Pencs».Et à côté de ces «Pencs, il y a 12 plages. Ces plages, relate, le Pr Oumar Ndao, Directeur de la culture et du tourisme de la ville de Dakar dans son livre intitulé «Dakar, l’Ineffable», sont des plages sacrées. Les Lébous, d’après lui, confèrent une sacralité absolue à ces 12 plages qui sont la limite côtière de Dakar. Parmi elles, il y a «Terrou Baye Sogui» qui porte le nom de Baye Sogui Ndoye. Ce dernier, selon un de ses petits-fils Matar Siby, chef du «Penc» de «Gouye Salan», y vivait et y pratiquait certaines activités comme la pêche et l’agriculture. Il y avait ses champs qui se trouvaient dans l’emplacement actuel du Building administratif et du Palais de la République. Les anciens racontent que Baye Sogui Ndoye avait fait sortir 3 séries de 21 vaches de la mer, leurs bergers y compris. Il avait demandé à ce qu’on laisse les vaches dans le village. Personne n’avait le droit de vendre ni les vaches ni le lait de ces vaches. Ces animaux servaient à nourrir les populations qui habitaient dans ce village. C’est quelques années plus tard, à la mort du «Ndey Dji Rew» Tahir (le Premier ministre dans la société léboue), que tout a changé. C’est au 8e jour que mystérieusement les vaches ont disparues. Parce que le pacte de Baye Sogui Ndoye venait d’être violé.
Anse Bernard, la plage qui a abrité les rescapés du plus grand naufrage de l’époque
À côté de «Terrou Baye Sogui», il y a la plage Boussereu qui est une déformation de Boucherie. Cette plage se trouve derrière le Palais de la République. Elle abritait à l’époque les boucheries de Dakar. Il y a aussi celle d’Anse Bernard. Cette plage est celle qui avait accueilli les naufragés de «La Méduse» (un bateau français) en 1816. Ce naufrage, le premier à l’époque, a fait 147 victimes qui durent se maintenir à la surface de l'eau sur un radeau de fortune. Pendant 7 mois, les survivants ont occupé cet espace. Un camp leur a été alloué en ces circonstances. C’est par la suite que cet endroit a pris le nom du commandant du bateau «La Méduse», Bernard d’où le nom d’Anse Bernard.
La plage «Ngadié» fait aussi partie de ces 12 plages qui longent Dakar. Cette plage renferme comme celle de «Terrou Baye Sogui» beaucoup de mysticisme. C’est là d’où provient l’eau qui sert de bain matinal au Grand Serigne Ndakaaru (Président en société léboue) lors de son intronisation. Elle se trouve au niveau de l’ancien tribunal de Dakar. La plage «Père Gora» que le commun des Sénégalais appelle Pergola, est située entre «Terrou Baye Sogui» et Anse Bernard. Quant à la plage de Kussum, elle se trouve au niveau de la porte du Troisième millénaire. Soumbedioune qui est dans la vaste baie, «Ndaali» qui fait face à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ponton appelé également «Kotou» à hauteur du Petit Palais, le Cap Manuel qui abrite l’ancien tribunal de Dakar et «Bègne» sur la baie de Hann sont les autres plages qui constituent les 12 baies de Dakar.
De «Bayé» à la Place de l’indépendance
Dans la communauté léboue toutes les grandes places étaient appelées «Bayé». A l’époque, il y avait dans Dakar, une grande place qui était considérée comme étant la place publique. Cette place s’appelait place «Bayé». C’est là où se regroupaient les Lébous pour prier. C’est dans cet endroit aussi que les décisions les plus importantes étaient prises. C’est ainsi qu’explique le grand Jaraaf de Dakar, chef du
«Penc» de «Mbot», Jaraaf Ibra Guèye Paye, «la structure de la Place de l’indépendance en dit long. Il y a des secrets qui y sont enfouis et qui y sont toujours. En général, une telle configuration montre que c’est une place où le mysticisme était de rigueur». Les dignitaires racontent que les Blancs sont arrivés à Dakar le jour de la Korité en 1857. Et là, ils ont trouvé les autochtones en train de prier à la place «Bayé». Ils ont assisté à leur prière. Depuis lors, durant toute leur présence à Dakar, ils assistaient du haut d’une tribune à la prière de Tabaski et de Korité des autochtones. C’est par la suite que cette place a pris le nom de Protêt. C’est de cette place mythique que De Gaulle avait lancé aux porteurs de pancartes un 26 août 1958 : «Vous voulez l'indépendance, prenez-la». C’est suite à cela que cette place est devenue la Place de l'Indépendance.
Par ailleurs, le site qui abrite l’hôtel de ville de Dakar est le premier que les Français ont occupé. Elimane Diol, grand Serigne de Ndakaaru de l’époque, leur en avait donné 3 hectares pour qu’ils y construisent une mission catholique.
De petits villages de pêcheurs et d’agriculteurs à une grande capitale cosmopolite
En remontant l’histoire de Dakar, il ressort qu’avant l’installation française, la presqu’île était constituée de petits villages habités par les Lébous. Cette communauté, suite à leur moult pérégrinations, s’installa au Cap-Vert et y érigea, selon Abdou Khadre Gaye, des groupes de villages dotés d’une organisation sociale, administrative et politique qui a fasciné tous ces visiteurs. En entrant en contact avec elle, les Français ont parlé, et à juste titre, de la République théocratique léboue.
Sandaga acheté à 64 000 francs par les Français aux Lébous en 1925
Lors de la prise officielle de Dakar en 1857, les Français apportèrent avec eux une civilisation urbaine. La localité entra en profonde mutation. La presqu’île s’accroît et devient un centre commercial d’envergure, grâce notamment au port et au chemin de fer. Ainsi, les colons ont réorganisé l’espace avec les officiers du génie civil français. De belles architectures sont sorties de terre. Le port de Dakar en 1910, la gare ferroviaire construite en 1918, Sandaga acheté à 64 000 francs par les Français aux Lébous en 1925, l’hôpital Aristide Le Dantec érigé en 1912, entre autres, ont donné une nouvelle configuration à Dakar. Mais le tribut payé par les «Pencs» et leurs habitants ne fut pas mince. Cependant, pour honorer leurs valeureux citoyens, les colons ont baptisé les rues de Dakar à leur nom. La place Protêt porte aujourd’hui le nom de la Place de l’Indépendance. L’avenue Gambetta est débaptisée et s’appelle Lamine Guèye du nom du 1er président de l’Assemblée nationale du Sénégal. L’avenue Albert Sarrault porte dorénavant le nom de l’ancien roi du Maroc Hassan II, etc. Aujourd’hui, Dakar est surpeuplé et étouffe. Plus qu’hier, elle mérite son nom : «Dëk Raw, la cité refuge».
34 Commentaires
Mouridoulaah
En Septembre, 2012 (14:00 PM)C'est loin d'être un refuge.
Dof A Dof
En Septembre, 2012 (14:02 PM)Asly
En Septembre, 2012 (14:05 PM)Boy Sicap
En Septembre, 2012 (14:11 PM)Peperoncino
En Septembre, 2012 (14:14 PM)Acvv
En Septembre, 2012 (14:19 PM)Moi que croyais que le naufrage de la « Méduse » avait eu lieu au large de Saint-Louis ?
Ndiayeeen
En Septembre, 2012 (14:27 PM)Bon courage
Sa Matt Goloniaye
En Septembre, 2012 (14:35 PM)Mr. Ndiaye kha na da gua khiff....!?...Camara mom bal na ko quoi car c 1 stagiaire.
Desole, l'on ne peut raconter l'histoire de Dakar, et faire abstraction de Dial Diop, ton "bour"!.... aussi faut pas ignorer l'origine meme des habitants de Dakar qui se sont refuges a partir du Cayor. Je ne vais pas elaborer la dessus.
Je ne sais pas si vous avez bien saisi l'importance de votre article d'ou le pourquoi cette ville de Dakar est presentement detruite.
C le danger de la colonisation, tout ce que tu dis ici devait etre enseigne aux enfants et habitants de la ville car comment respecter quelque chose que l'on ignore totalement.
Ninistar
En Septembre, 2012 (14:58 PM)on aura tout entendu....
Famille
En Septembre, 2012 (15:00 PM)Gagnez du temps, Economisez de l'argent (frais envoi argent, taux de change, ...).
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Kira
En Septembre, 2012 (15:01 PM)Freelance
En Septembre, 2012 (15:06 PM)Papis
En Septembre, 2012 (15:14 PM)People
En Septembre, 2012 (15:18 PM)Cela nous sort un peu de l'ordinaire et nous permet au moins de tirer des connaissances sur nous même.
Merci encore une fois aux auteurs.
Sssournaliste
En Septembre, 2012 (15:26 PM)Lyns
En Septembre, 2012 (15:42 PM)Vive Les Lebous
En Septembre, 2012 (15:58 PM)POUR TOUTE CEUX QUI VEULENT VOIR CE QUI ETAIT A LEPOQUE "LES SUPERS" CAR RAPIDE VA SUR YOU TUBE ET TAPE "WASIS DIOP AUTOMOBOLE MOBILE"
C'EST KAW KAW QUI ONT DETRUIT DAKAR MAIS PAS LES DAKAROIS, FOUGNOU DJIOTT TEKFA TABLE
VOUS SAVEZ QUOI A LA PAC LAMBAYE DE PIKINE IL DEVAIT AVOIR UN PONT COMME PAT DOIE ET CAMBERENE
MAIS QUANT ON AVAIT COMMENCAIENT LES TRAVAUX ILS SONT ALLEE"LES BAOLS BAOLS" A TOUBA POUR DIRE QUE GNIGI GNOUY YEUKEUTI FIGNOUY LIGEYE
ET LE PRESIDENT DE L'¨POQUE ABDOULAYE WADE A DIT ALORS ONT FAIT JUSTE DE LELARGISSEMENT ET PAS UN PONT VOYEZ VOUS COMMENT ILS "LES BAOLS BAOLS" EMPECHENT L'EMBELLISSEMENT DE NOTRE VILLE????
Mane Moussa
En Septembre, 2012 (16:01 PM)Waraqa Bin Nowfel
En Septembre, 2012 (16:25 PM)DAKAR viendrait donc du verbe DAK(poser pieds) et avec la particule AR signifierait donc un lieu où on ne peut poser ses pieds donc inaccessible.
Les raisons sont à cherhcer dans le passé. Pourquoi donc DIAMNIADIO qui signifie en serere ceci : quelles sont les causes de ton voyage?.
tout Lébou est d'origine serere, l'exception viendrait des conséquences des guerres des petits empires du djilof, walo,kadior, sine , etc...
Balise diagne, son pere niokhor diagne. Niokhor signifie en serere le combattant, le guerrier, le gladiateur
Galandou diouf, c'est evident.Dioufa niokhobaye, ngel na sinig...
Deuk Raw RawalÉ
En Septembre, 2012 (16:28 PM)NON ! LES LÉBOUE DE TOUTES LES CONTRÉES SONT PLUS DIGNES QUE ÇA !
Chiaré
En Septembre, 2012 (16:35 PM)ct trés intéressant, j'ai bcp appris
et cest ca quand une des finalités du journalisme
vivement dautres articles de la même trempe
diadieuf
Leuk Daour
En Septembre, 2012 (16:53 PM)Du Canada
En Septembre, 2012 (16:53 PM)Gamin !!!
En Septembre, 2012 (17:50 PM)Jex
En Septembre, 2012 (19:20 PM)Bb
En Septembre, 2012 (19:49 PM)Occoupez-vous à rendre propre cette ville. Jusqu'en 68 dakar est sa banlieue etaient tranquille, depuis l'arrivée des mbotés des autres régions c'est la saleté,la crimilnalité, des charettes dakar st un gros village!!!!!!!!!!!
Mm
En Septembre, 2012 (19:53 PM)Peperoncino
En Septembre, 2012 (19:53 PM)En bas l'ethnicité, en haut l'humanité.
Mm
En Septembre, 2012 (19:57 PM)Bizon
En Septembre, 2012 (22:28 PM)Non Non
En Septembre, 2012 (22:40 PM)Dex
En Septembre, 2012 (23:22 PM)Fier Et Decouragé
En Septembre, 2012 (09:50 AM)Dakar a beaucoup perdu de sa splendeur à cause surtout de l'indiscipline et la saleté des gens. Quand est ce qu'on aura le courage d'organiser TOUTES nos cités et de les rendre propres? Pourquoi devrions- nous vivre toujours avec la puanteur des égouts, la saleté PARTOUT, les souks, cantines, tables, étals.... Quand est ce qu'on va dégager tous ces marchés improvisés à centenaire, petersen, entrée de pikine, thiaroye, rufisque, ndar,.....Quand est ce qu'on pourra vivre dans un cadre décent? On a non seulement mal, mais on a honte de notre cadre qui est plus proche de la porcherie que d'autre chose.....Wa salam.
[email protected]
En Juin, 2015 (15:47 PM)Participer à la Discussion