Le Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba (CEDRAB) de Tombouctou au Mali, incendié lundi par des Islamistes, a été fondé en 1970 par le Gouvernement malien avec l'aide de l'UNESCO. Officiellement inauguré en 1973, il recueillait certains manuscrits à des fins de restauration et de numérisation.
En avril dernier, après la prise de la
partie nord du Mali par divers groupes salafistes, le Directeur du
Patrimoine culturel sénégalais, Hamady Bocoum, avait senti la menace que
représentait la situation pour les sites historiques de Gao et de
Tombouctou.
Partant de là, il avait invité l'UNESCO à prendre des "mesures
conservatoires", mais devant l'avancée victorieuse des armées française
et malienne, les Islamistes ont dans leur fuite brûlé les manuscrits
conservés au Centre Ahmed Baba.
"Si jamais il devait y avoir une reconquête, on peut s'attendre à ce que
ces villes deviennent des boucliers au sens patrimonial du terme",
avait averti M. Bocoum, par ailleurs Directeur de l'Institut fondamental
d'Afrique noire (IFAN), dans un entretien au quotidien Le Soleil.
Le Directeur du patrimoine culturel avait rappelé que des "manuscrits
uniques" sont conservés depuis plusieurs siècles dans ces villes du Nord
du Mali. Aussi bien à "Tombouctou, "ville savante, ville des 333
saints, où, pratiquement, chaque concession est un patrimoine, une
bibliothèque, qu'à Gao".
Certains des manuscrits, que recueille le Centre Ahmed Baba, datent de
l'époque préislamique remontant au XIIème siècle. Ecrits pour la plupart
en arabe et en peul par des savants originaires de l'ancien Empire du
Mali, ils sont conservés depuis des siècles comme des secrets de
famille.
Les écrits portent sur des domaines aussi variés que la botanique,
l'astronomie, la musique, la généalogie, l'anatomie humaine, etc. Le
seul Centre Ahmed Baba a collecté plus de 18.000 manuscrits, selon
l'UNESCO, mais de nombreux chercheurs estiment à environ 300.000
manuscrits dans l'ensemble de la zone où le nombre de bibliothèques
privées varie entre 60 et 80.
Des manuscrits plus récents couvrent les domaines du droit, des
sciences, de l'histoire (avec d'inestimables documents comme le Tarikh
el-Fettash (Chronique du chercheur) de Mahmoud Kati sur l'histoire du
Soudan au XVème siècle et le Tarikh es-Sudan (Chronique du Soudan)
d'Abderrahmane Es Saâdi au 17ème siècle), de la religion, du commerce...
Les responsables du Centre menaient un travail de sensibilisation auprès
des familles, pour les amener à leur transférer les écrits dont la
plupart sont menacés par les mauvaises conditions de conservation dans
les maisons et le trafic qu'entretiennent des collectionneurs venus de
l'étranger.
En janvier 2009, le président malien, Amadou Toumani Touré, son
homologue sud-africain, Kgalema Motlanthe, et le prédécesseur de
celui-ci, Thabo Mbeki, ont inauguré l'Institut des hautes études et de
recherche islamique Ahmed Baba.
Le coût des travaux, entièrement supporté par l'Afrique du Sud,
s'élevait à 2,5 milliards de francs CFA. L'institut comprend notamment
un amphithéâtre de 500 places, une salle de conférence de 300 places et
une bibliothèque.
Dans son élan de protection et de sauvegarde du trésor de Tombouctou, un
patrimoine universel constitué de près de cent mille manuscrits datant
de la période impériale ouest-africaine (au temps de l'Empire du Ghana,
de l'Empire du Mali et de l'Empire songhaï), le président Mbeki avait
aussi lancé le "Timbuktu Project" qui a fait l'objet d'un film réalisé
par Zola Maseko.
Parmi les textes conservés à Tombouctou, il y a notamment le
dictionnaire d'Ahmed Baba –un érudit ayant vécu entre le 16ème et le
17ème siècle - daté de 1596. Ce document présente le fonctionnement des
écoles et universités qui réunissaient 25.000 élèves et étudiants dans
la ville de Tombouctou.
Il y a aussi un recueil sur "les bons principes de gouvernement" d'Abdul
Karim Al Maguly, remontant au règne de l'empereur Askia Mohammed
(1493-1528), qui atteste de l'existence d'Etats et d'une pensée
politique dans la zone. Voici quelques uns de ces "principes" :
"L'impartialité du souverain doit être faite dans le cas notamment du
jugement à rendre entre deux personnes opposées par un différend : Il
faut être juste dans chacun des actes, allant de la façon de recevoir
les personnes opposées jusqu'au moment de trancher. Même si l'un des
protagonistes tentait un rapprochement avec le souverain-juge, il
faudrait éviter toute amitié".
--"Le temps de plaidoirie doit être également équitable. L'équité veut
qu'il n'admette pour témoins que des personnes à la moralité avérée".
--"Les hommes de droit qui entourent le Roi ne doivent accepter de
pots-de-vin ni avant ni après le procès. Aucun cadeau des plaignants ne
doit non plus être accepté''.
5 Commentaires
Ceddo Baye Fall
En Janvier, 2013 (18:55 PM)Kalamazoo
En Janvier, 2013 (04:58 AM)Ben Voyons
En Janvier, 2013 (07:39 AM)Pauvre Afrique...
Un Passant
En Janvier, 2013 (10:09 AM)Tiit
En Janvier, 2013 (13:36 PM)Participer à la Discussion