PAYSAGE MUSICAL : Ces chanteurs effet de mode qui sont passés comme des météores

Ils ont été aimés, adulés, idolâtrés même par des foules de fans, mais ils ont aujourd’hui disparu de la scène musicale sénégalaise. Ils sont devenus quasi invisibles, ne font plus de spectacles et ne remplissent plus les boîtes. Ils, ce sont les musiciens qui ont été stars éphémères le temps d’une saison et qui sont presque oubliés aujourd’hui. Notamment parce qu’après un titre qui a fait fureur, ils n’ont plus mis de production musicale sur le marché. C’est le cas de Amy Collé Dieng, Abou Thioubalo, Lamine Signaté…

Où est-ce qu’ils sont ? Que sont-ils devenus ? Après une production sur le marché qui aura fait l’effet d’une bombe, certains chanteurs disparaissent comme par enchantement du paysage musical. Amy Collé Dieng, Abou Thioubalo, Lamine Signaté sont passés comme des météores. Malgré leurs belles voix, une musique agréable, ils n’ont pu durer ou faire durer leur présence sur la scène musicale. De quoi les faire passer pour des chanteurs «effet de mode».
Amy Collé qui a sorti «Défar ba mou bax» en 2006 a connu une gloire subite. Au firmament de son succès, son public lui prédisait le piédestal de chanteuses au top comme Coumba Gawlo, Viviane, Titi… Il y avait de quoi : elle était sur les plateaux de télévision, de radios, dans les journaux. Mais ce déchainement médiatico-musical s’arrête d’un coup. L’artiste s’était même retirée à l’étranger durant un bon moment. Un break qu’elle avait justifié par des tournées internationales. Mais même à son retour au Sénégal, sa carrière continuait à piquer du nez. Son répertoire ne s’arrêtait qu’à un seul album. Aujourd’hui, elle est complètement aux oubliettes.
Abou Thioubalo, a lui été l’artiste à la mode durant l’été 2009 avec son album «Solution» composé de six titres. Pour que ce tube fasse un tabac, tout avait été mis en œuvre par Prince Art qui l’avait produit. Le chanteur qui n’en était pourtant qu’à son premier album était accompagné par de grands musiciens comme Lamine Faye, Assane Seck, Bakane Seck, Assane Thiam au tama et Thierno Sarr. Les chœurs étaient assurés par Feue Ndèye Marie Ndiaye Gawlo et Aïda Samb. Partout, dans les cérémonies familiales, les discothèques, les soirées… on n’entendait que les titres de l’enfant de Pikine qu’on pressentait déjà l’héritier de feu Ndongo Lô.
Malheureusement, ses chansons ont commencé à être classées au passé ; même pour les spectacles, il n’arrivait plus à vendre beaucoup de tickets, encore mois à remplir une salle. Un malheur ne venant jamais seul, Thioubalo s’est séparé de son manager Ndiaga Samb qu’il a accusé de vivre sur son dos. Ce dont ce dernier ne veut pas parler. «La page Abou Thioubalo est tournée pour moi. Dieu connaît la vérité, je la connais et lui aussi. Peut-être qu’il est mieux placé pour parler de tout cela», a dit son ex-manage qui nous a affirmé que le chanteur, que nous avons essayé en vain de joindre durant plusieurs jours sur ses différents numéros de téléphone, était bel et bien au Sénégal.
Un cas parmi tant d’autres musiciens qui ont eu l’effet d’un feu de paille, Lamine Signaté. Il avait sorti «Goré», il y a de cela bientôt 6 ans. Le titre éponyme de l’album avait cartonné en son temps dans les radios et à travers tous le pays. Le vidéoclip était aussi diffusé à une cadence soutenue sur les différentes télévisions. Et même s’il n’a pas eu autant de succès que Amy Collé et Abdou Thioubalo, Lamine Signaté avait été propulsé au-devant de la scène durant un certain temps.
Lui aussi a connu le même sort que Amy Collé Dieng et Abou Thioubalo. Ils ont disparu comme ils étaient apparus. 

MICHAEL SOUMAH, ANIMATEUR RADIO : «Ce n’est pas possible d’être au-devant de la scène longtemps avec un répertoire de six titres» 

Dans le milieu de la musique, particulièrement dans l’animation depuis 1986, Michaël Soumah, qui reste un des acteurs culturels majeurs du paysage national, s’est tenté à une explication de ce phénomène de mode dont sont victimes certains chanteurs sénégalais. Estimant que le monde ne s’est pas fait en un seul jour, M. Soumah pense que ces chanteurs doivent prendre le temps de bien travailler leur produit, faire des albums de grande qualité avant de les sortir. Ceci, pour éviter la précipitation.
Une bonne production doit faire l’objet d’une bonne promotion pour ne pas disparaître quelque temps seulement après avoir été mis à la disposition du public, d’après M. Soumah. Il ne manque pas, non plus, de noter que le Sénégalais est connu pour aimer les choses à la mode. Les responsabilités, de son point de vue, sont donc partagées de part et d’autre, dans ce passage éphémère de certains artistes qui disparaissent de la scène au bout d’un album seulement. Pour lui, cela découle autant de la responsabilité de l’artiste en question, de son producteur que des animateurs.
S’agissant des chanteurs, l’initiateur du Festival de jazz de Dakar est critique : «Une fois le titre sorti, passé à la radio, à la télévision, l’artiste se prend pour une super star, alors qu’un album, cela se prépare. Il faut communiquer autour de cela, mettre les moyens pour la promotion. Ce sont deux aspects très importants». Egalement chanteur, Michaël Soumah affirme qu’il est impensable de faire des spectacles avec comme seul répertoire quelques chansons ou un album. «Ce n’est pas possible de faire des soirées, d’être au-devant de la scène longtemps alors qu’on ne dispose que d’un répertoire de six titres. C’est pour cela qu’au bout d’un an, l’artiste tombe dans l’oubli. Parce que le milieu du showbiz sénégalais est très complexe», lance l’animateur à Dakar Fm.
Selon lui, le producteur et l’animateur radio ont aussi leurs parts de responsabilité dans cette situation, même s’il précise qu’ils ne font qu’aider. «Le producteur a un rôle à jouer. C’est de mettre les moyens pour que le produit puisse durer dans le temps avec la promotion. Il doit aussi bien travailler l’album en termes de qualité», dit l’animateur radio qui relève que «les animateurs ne mettent que le single qui a un clip et qui cartonne. Ils ne prennent même pas la peine d’écouter tout l’album, de faire leurs critiques. Et ça aussi, c’est un problème».