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Culture

"Le théâtre permet de dire directement les choses"

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"Le théâtre permet de dire directement les choses"

Marie NDiaye a une drôle de relation avec le théâtre. L'auteure de Trois femmes puissantes écrit des pièces - sept à ce jour - depuis plus de dix ans. Elle a été la première femme à entrer de son vivant au répertoire de la Comédie-Française, en 2003, à l'âge de 35 ans, avec Papa doit manger. Son rapport à cet art a longtemps semblé purement littéraire, tant elle se tient à distance de la "cuisine" théâtrale - les questions de représentation, de jeu, d'incarnation. Mais le 31 mars, elle montait sur scène, au Théâtre national de Bordeaux, pour une magnifique performance-spectacle, Die Dichte, aujourd'hui présentée, pour un seul soir, au Théâtre du Rond-Point, à Paris - où se joue aussi, jusqu'au 28 mai, une pièce coécrite avec son mari, Jean-Yves Cendrey : Toute vérité. Entretien à Bordeaux, au lendemain de cette grande première.

Qu'est-ce qui a motivé chez vous le désir de théâtre quand, en 1999, après plusieurs romans, vous avez écrit votre première pièce, Hilda ?

En fait, chacune de mes pièces est née d'une commande, passée par France Culture ou par des metteurs en scène. Sans cela, je ne sais pas si j'aurais écrit du théâtre. La commande m'aide, surtout si elle s'accompagne de contraintes : pour Les Grandes Personnes, par exemple, Christophe Perton voulait une pièce à sept ou huit personnages, avec tant d'hommes, tant de femmes, et des âges précis. La contrainte entraîne l'imagination d'une situation.

Le théâtre est-il pour vous un terrain d'expérimentation formelle, qui vous permet d'aller plus loin que dans le roman ?

Oui. Un peu comme les livres pour enfants, que j'aime également beaucoup écrire, le théâtre permet de dire plus directement les choses. C'est une forme plus libre, plus ouverte que le roman, qui doit forcément faire un certain nombre de pages. C'est plus simple de se glisser dans cette forme-là.

Qu'est-ce qui est plus simple, le fait de faire l'économie de la narration ?

Oui, et l'économie de toutes sortes de choses dont parfois j'aimerais bien me passer, qui sont seulement utiles, mais qu'il est difficile d'éliminer : cela me plaît que le roman ait une unité, qu'il y ait des liens. Dans le théâtre, on peut se passer de ces liens informatifs.

Il n'y a aucune indication, aucune didascalie dans vos pièces. Vous ne vous projetez jamais dans la représentation ?

Non, ça se joue uniquement dans l'écriture, pour moi. Je ne visualise aucune scène, aucun comédien. J'aime bien l'idée que le metteur en scène en fasse ce qu'il veut. Je ne me vois pas imposer des images trop précises.

Est-ce que le théâtre vous permet d'aller plus nettement vers une forme d'abstraction dans la mise à nu des relations entre les personnages ?

Oui, c'est ce qui m'intéresse. Un certain type de relations entre les personnages semblerait faux, exagéré, excessif dans un roman, mais passe au théâtre, où on peut se permettre cette crudité parce qu'on y accepte de ne pas être dans la vraie vie. Alors que dans le roman ou au cinéma, on a besoin d'y croire. Au théâtre, on sait qu'on est dans un faux qui dit la vérité d'une autre manière, pas du tout réaliste.

Vous êtes une grande lectrice. Lisez-vous aussi beaucoup de théâtre ?

Oui, surtout du théâtre contemporain. J'aime beaucoup Jean-Luc Lagarce, ses histoires de famille, de relations compliquées, vues du point de vue d'un fils, le fils différent, instruit, qui revient dans sa province. Ces situations très concrètes, très réalistes, sont transcendées par une langue d'une beauté et d'une étrangeté incroyables. J'aime aussi certaines pièces de Lars Noren, et Partage de midi, de Claudel, que j'ai lue et relue. Je n'aime que cette pièce de Claudel, les autres, je ne peux pas les lire. Et Les Bonnes, de Genet. Ce qui m'intéresse, c'est le rapport entre ce qui est dit et la langue.

Que ressentez-vous à l'incarnation de vos textes ?

Un sentiment très étrange... Mais justement, c'est intéressant de voir comment l'oralité éprouve un texte, pour moi qui écris de manière totalement intérieure.

Vous n'êtes pas de ces auteurs qui écrivent de manière assez théâtrale, en se mettant dans la peau de leurs personnages...

Non ! je ne suis vraiment en rien actrice.

Comment passe-t-on de ce rapport à la théâtralité au fait de se retrouver en chair et en os sur une scène devant des spectateurs, même si ce n'est pas pour incarner un personnage ?

Dans mon esprit, cela reste une lecture...

C'est quand même très différent : vous êtes dans un théâtre, debout sur une scène, avec un costume, et votre texte et votre voix qui dialoguent avec la musique et les images... Vous avez travaillé votre voix et votre diction, ou non, au contraire, pour être au plus près de votre voix écrite ?

Je ne veux surtout pas incarner ce texte : il faut que ce soit le plus distant, le plus neutre possible. Depuis toujours, ces lectures dans lesquelles on "met le ton" me glacent. Ce n'est plus la voix de l'écriture que l'on y entend.

Le texte de "Die Dichte" est très différent de ce que vous avez écrit jusque-là, qu'il s'agisse des romans ou des pièces. Est-ce lié au fait de vivre à Berlin depuis plusieurs années ?

Je pense que c'est plus lié au projet de spectacle de Denis Cointe, de mêler texte, musique et images comme trois matières. Un texte narratif n'aurait pas convenu, et j'ai imaginé cette forme éclatée.

Berlin est arrivé comment ?

Comme une évidence, et de manière très concrète : pendant deux ans, nous avons habité un immeuble devant lequel se trouvent ces Stolpersteine, ces pierres imaginées par un artiste allemand : on enlève un pavé du trottoir, et on le remplace par un morceau de cuivre sur lequel sont inscrits le nom et les dates de naissance et de mort des habitants de l'immeuble qui ont été déportés. Comme c'est du cuivre, plus on marche dessus, et plus le pavé brille et réactive la mémoire. Je trouvais que c'était une très belle idée. 



4 Commentaires

  1. Auteur

    Undefined

    En Avril, 2011 (17:33 PM)
     :-D  :-D  :-D  thiey fassou seneweb yi :-D  :-D  :-D  :-D 
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  2. Auteur

    Boygalsene

    En Avril, 2011 (21:54 PM)
    Vive le Theatre

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    Auteur

    Yahman

    En Avril, 2011 (23:41 PM)
    C EST UN PEU MON STYLE
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    Auteur

    Dim

    En Juillet, 2011 (10:17 AM)
    oui
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