C’est en 1948 que les premiers jalons de ce qui est devenue la bande de filaos ont été posés par l’administration coloniale dans le but de lutter contre l’érosion côtière à travers la fixation du cordon dunaire le long de la façade maritime nord sénégalaise (de Dakar à Saint-Louis). Le choix du filao n’est pas fortuit puisque, lors des essais, le Casuarina equisetifolia (nom scientifique) a démontré toutes ses aptitudes à répondre aux attentes. A Guédiawaye -là où tout a commencé-, la déforestation de cette bande verte fait subir de plein fouet l’effet corrosif des embruns marins, au moment où les opérations de reboisement de l’autre côté de la Vdn3 (à moins de 100m de la mer) battent de l’aile.
Les équilibres écosystémiques sont complètement détraqués dans le littoral nord de Guédiawaye. Traversé par la Vdn3, le seul écrin de verdure bordé par l'océan -qui défiait encore le temps à Dakar où la tyrannie du béton a définitivement pris ses quartiers-, a finalement capitulé. Depuis que les bulldozers ont planté leurs dents acérées et dévastatrices au tréfonds des racines de ces dizaines de milliers de filaos vieux de plus d'un demi-siècle, la nature rumine sa colère. Et le moins que l'on puisse dire c'est que le retour de flamme est aussi silencieux que foudroyant.
Il a suffi d'un décret pour réduire à néant un pan entier (décret n°2021-701 du 4 juin 2021 portant déclassement de 150,58 hectares) de la bande protectrice de filaos, dont l’opération de plantation de Dakar à Saint-Louis a duré 44 ans (de 1948 en 1992). Les conséquences environnementales de cette décision politico-affairistes frappent tout le littoral à bas bruit. Et l'infrastructure routière, qui a servi de bouc-émissaire aux autorités et autres prédateurs fonciers, est la première servie. L’insécurité routière y est galopante avec des statistiques d’accidents qui font froid dans le dos (476 accidents, 698 victimes, 47 morts en 18 mois, selon les sapeurs-pompiers). Sans oublier l’ensablement de la chaussée, la dégradation des passerelles et garde-corps, ainsi que la réduction de la visibilité la nuit.
Une situation qui aurait pu être évitée si on avait gardé le tracé initial qui consistait à mettre l’infrastructure derrière les filaos afin qu’elle puisse profiter de cette bande dont les effets bénéfiques sur le littoral ont été confirmés par des études scientifiques qui retracent avec perfection son historique. Le Capitaine Daouda Bodian, Chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye en livre la quintessence. Sa direction appelée « Le Secteur » à Guédiawaye, est située à quelques dizaines de mètres du pont de Wakhinane Nimzatt sur la Vdn3. De Malibu à Malika, Le Secteur est la seule zone où trônent encore quelques filaos. L’endroit ressemble à une pépinière, une oasis en plein cœur d’un milieu -autrefois généreux- devenu hostile. Le capitaine reçoit Seneweb dans son bureau à ciel ouvert où notre discussion aux allures de cours de SVT (sciences de la vie et de la Terre) ponctuées par quelques digressions d’histoire-géographie, est bercée par le chant des oiseaux.
« C’est un patrimoine en ruine », se désole d’emblée le forestier meurtri par le déclassement et la déforestation de la bande de filaos à laquelle il a consacré quasiment toutes ses études à l’université de Dakar. « C’est en 1948 que le projet a été initié ici même à Guédiawaye, Malibu plus exactement. Il y a eu le décret de l’ancien gouverneur de l’Aof (Afrique occidentale française) qui institue la création de la bande de filaos de Dakar à Saint-Louis. La zone était sous protectorat français. Les autorités coloniales avaient mis en avant la démarche scientifique. On avait introduit à titre de recherche/expérimentation des espèces locales tout comme des espèces exotiques (d’Europe, de Polynésie, d’Indonésie, du Brésil, etc.). Parmi celles-ci, on peut citer le Neem (Azadirachta indica) qui vient de l’inde et le filao », raconte le spécialiste.
Le filao : un brise-vent au « bois de fer »
Ainsi, tout un ensemble d’espèces ont été testées pour, comparativement, mesurer leurs aptitudes et leur adaptabilité au climat et aux spécificités du terrain chaud, sec et sablonneux avec un sol gorgé d’eau salée ou saumâtre. Au terme des études, le filao a été retenu parce que, confie Capitaine Bodian, « on a constaté que c’est l’espèce qui présentait les meilleures aptitudes physiques et physiologiques ». En effet, plus connu sous le nom de Filao, le Casuarina equisetifolia est un nom donné à cet arbre en référence au Casoar, un oiseau dont le plumage est comparé au port retombant du filao. Arbre fixateur d'azote, le filao est originaire du domaine insulaire Pacifique (Australie, Malaisie, Indonésie). Son introduction dans le monde intertropical est sous-tendue par ses multiples usages qui vont de la réalisation de brise-vent, à la production de bois de chauffe, en passant par la fixation et la restauration de sols dégradés. Son bois, très résistant, est appelé « bois de fer ».
« Il y a un très grand phénomène naturel qu’on appelle les embruns marins qui constituent un grand facteur limitant les possibilités de croissances des espèces le long du littoral. Les embruns marins sont chargés de sel. Il s’agit de couches d’air qui viennent du littoral vers le continent. Quand ils viennent vers le continent sous forme de vapeur, ils se posent sur les arbres. C’est à ce moment qu’il y a ce qu’on appelle un phénomène d’osmose. C’est là où se trouve la clé de résistance des espèces à pouvoir supporter la charge de sel qui a tendance à aspirer l’eau de l’arbre et celui-ci s’assèche s’il n’y a pas un apport en eau (un arrosage). Le filao présente des aptitudes de résistance face à ces embruns marins. De plus, son feuillage est différent de celui des autres espèces », explique le Capitaine Bodian de manière plus détaillée.
La forte tolérance en sel et l’adaptation du filao aux sols pauvres, résultent en particulier au fait qu'il développe deux sortes de symbioses au niveau des racines : « en interaction avec des bactéries du genre Frankia d'une part, et, d'autre part, avec des champignons mycorhiziens », renseignent des chercheurs de l’IRD (Institut de recherche pour le développement).
À la suite de ces essais concluants, la plantation à grande échelle a débuté en 1950. Ainsi, selon les études de Yvon Dommergues (biologiste, ingénieur des eaux et forêts, ancien directeur de recherches au CNRS), le filao a été planté sur les dunes côtières pour empêcher leur progression vers l'intérieur où elles menacent la zone maraîchère des Niayes et le Eucalyptus camaldulensis sur les dunes intérieures. La bande protectrice est longue de 182 km sur 300 à 400 m de largeur. Il y a eu plusieurs phases de plantation et plusieurs projets qui se sont suppléés, nous apprend le chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye.
« Au total, renseigne-t-il, on a 120 blocs ou entité spécifique de reboisement. Ces blocs sont des paramètres d’études et permettent de différencier les générations de filaos. Les blocs n’ont pas les mêmes superficies. Ils permettent de faire un suivi sylvicole. Chaque bloc a un traitement qui lui est spécifique. Vous avez : la densité, le nombre de jours de plantation, le nombre d’agents qui sont intervenus. Sur 182 kilomètres. Ce sont des blocs de plusieurs hectares ». La première phase de plantation (1950-1959) a concerné plusieurs périmètres allant de Dakar jusqu’à Kayar. De 1969 à 1973 dans le cadre du plan national de développement, les périmètres des lacs de Mbeubeuss et Retba ont été réalisés. Enfin de 1976 en 1992, après 3 ans de stand-by, le projet a quitté Kayar pour toucher Kébémer puis Gandiol à Saint-Louis.
Les conséquences du déboisement
Arbre à courte durée de vie (30 à 40 ans), l’âge des sujets de la bande varient de 32 ans (pour ceux qui ont été plantés en 1992) et 74 ans (pour les premières plantations). Toutefois, s’empresse d’objecter le Capitaine Bodian : « quelque part on pourrait dire que le peuplement a vieilli, d’ailleurs il y a eu plusieurs cas de chablis. Il suffit qu’il y ait un petit vent pour qu’un arbre tombe. Malheureusement à Guédiawaye, tous ces sujets ont dépassé leur âge d’exploitabilité ou leur révolution. Mais cela ne saurait justifier leur enlèvement ». Si ce boisée en est à ce niveau de vieillissement c’est parce que les différents régimes qui se sont succédé depuis 1992 ont brillé par leur manque d’intérêt pour la protection de l’environnement.
En 1993 déjà, des études avaient sonné l’alerte sur le devenir problématique de ces plantations étant donné qu’il n’existe aucune régénération naturelle du filao. Il a donc été proposé aux autorités la rotation successives de casuarina « comme cela se pratique par exemple en Inde (KONDAS 1981) ou l’introduction d'autres espèces pour obtenir un écosystème plus stable, s'auto régénérant au moins en partie ». Aucune action de pérennisation n’a été posée dans ce sens par les autorités. Pire, celles-ci ont fini de prononcer le déboisement de 150 hectares et plus de 800 autres hectares de filaos sont en sursis, accélérant ainsi les effets de la corrosion marine sur les quartiers situés le long du littoral de Guédiawaye.
Depuis le début de la déforestation de la bande en juillet 2021, les effets des embruns marins qui ne sont hélas pas perceptibles, sont ressentis directement par les riverains. Comme on pouvait s’y attendre, les habitations sur le littoral sont exposées à un gradient élevé de la menace des embruns notamment sur les matériels électro-ménagers. « C’est parce que l’incidence des embruns marins a augmenté avec la déforestation de la bande de filaos. Et cette incidence évolue de manière décroissante. Les maisons les plus proches de la mer sont les plus exposées. Les ménages qui vivent le long du littoral de Guédiawaye auront changé au minimum deux ou trois fois leurs appareils entre 2021 et 2024 », souligne le Chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye.
Des propos confirmés par Mme Ndiaye. Enseignante à la retraite résidant aux cités Hamo, la septuagénaire confie, preuve photo à l’appui : « entre juin 2021 et octobre 2024, j’ai changé de téléviseur deux fois. Certes nos matériels étaient exposés aux effets de la brise maritime mais jamais ils n’ont eu une aussi courte durée de vie ». Les embruns marins ont également des effets néfastes sur les bâtiments. Les propriétaires de logements sur le long du littoral sont, aujourd’hui plus que jamais, contraints de rénover constamment leurs maisons (rafraichissement de peinture, carrelage mural, réfection de dalle…), pour éviter qu’elles ne tombent en ruine.
Un reboisement compliqué à moins de 100m de la mer
Pris par un sursaut de conscience après coup, le président Sall avait ordonné des actions de reboisement de l’autre côté de la Vdn3, à moins de 100m de la mer. Le Capitaine Bodian et ses équipes s’y activent depuis plusieurs avec des résultats pas fameux du tout. A cette distance, le filao ne donne plus satisfaction à l’en croire. « Pour protéger ce qui reste des dunes de sable, on a initié des opérations de reboisement. Mais on se rend compte que même le filao a de sérieux problèmes pour résister à cet endroit », avoue-t-il. Certains pointent le taux de salinité trop élevé à moins de 100m de la mer. Cependant, indique le Capitaine Bodian, « seule une étude peut déterminer la distance minimale de plantation et de succès (Dmps) ». Toutefois, ce qui reste pour le moins constant, c’est que les équipes d’eaux et forêts éprouvent d’énormes difficultés sur le terrain.
A part le filao, une autre espèce est en train de tester : le Coccoloba uvifera. Communément appelé le raisinier bord de mer en raison de ses fruits ressemblant à des grappes de raisin, le Coccoloba est une plante arbustive extrêmement résistante au sel et aux embruns, poussant en bordure de mer dans les caraïbes. « Le coccoloba est en train de réussir là où le filao ne réussit pas/ou plus », signale d’ailleurs le capitaine Bodian avant de d’ajouter : « de l’autre côté de la Vdn on est en train d’expérimenter un îlot de coccoloba. On avait testé sur la même parcelle des filaos mais au bout de 4 à 5 jours tous les filaos étaient morts. On a remplacé trou par trou avec des coccolobas et aujourd’hui les coccolobas se portent très bien ».
Une bonne nouvelle certes, mais la question c’est : est-ce que le coccoloba peut remplir la mission de fixation des dunes et de protection des habitations riveraines contre l’effet des embruns marins ? « En matière de fixation des dunes, le coccoloba est plus efficace que le filao, confie le Capitaine. La différence est que le filao est plus efficace en hauteur car il dévie les vents forts et protège contre les embruns marins. Cela veut dire que les deux espèces peuvent aller de façon combinée. Mais tout semble indiquer qu’à 100 mètres de l’eau le filao ne réussit pas alors que le coccoloba réussit à moins de 100 mètres de l’eau ».
Il préconise, dès lors, d’introduire d’autres espèces. D’ailleurs, pense-t-il, « une reforestation du littoral devrait porter les principes de l’agroforesterie mais surtout de l’agroécologie ». Une proposition que le Capitaine Bodian soumet à l’appréciation de son ancien professeur à l’Université de Dakar, le Pr Daouda Ngom, nouveau ministre de l’environnement.
Lors du lancement (hier lundi 14 octobre 2024) de son nouveau référentiel de politiques publiques Sénégal2050, le nouveau régime a listé parmi ses priorités le renforcement de la protection du littoral sénégalais. Des actions concrètes sont attendues dans le sens de la restauration de cette protection naturelle.
Thiebeu NDIAYE
Les équilibres écosystémiques sont complètement détraqués dans le littoral nord de Guédiawaye. Traversé par la Vdn3, le seul écrin de verdure bordé par l'océan -qui défiait encore le temps à Dakar où la tyrannie du béton a définitivement pris ses quartiers-, a finalement capitulé. Depuis que les bulldozers ont planté leurs dents acérées et dévastatrices au tréfonds des racines de ces dizaines de milliers de filaos vieux de plus d'un demi-siècle, la nature rumine sa colère. Et le moins que l'on puisse dire c'est que le retour de flamme est aussi silencieux que foudroyant.
Il a suffi d'un décret pour réduire à néant un pan entier (décret n°2021-701 du 4 juin 2021 portant déclassement de 150,58 hectares) de la bande protectrice de filaos, dont l’opération de plantation de Dakar à Saint-Louis a duré 44 ans (de 1948 en 1992). Les conséquences environnementales de cette décision politico-affairistes frappent tout le littoral à bas bruit. Et l'infrastructure routière, qui a servi de bouc-émissaire aux autorités et autres prédateurs fonciers, est la première servie. L’insécurité routière y est galopante avec des statistiques d’accidents qui font froid dans le dos (476 accidents, 698 victimes, 47 morts en 18 mois, selon les sapeurs-pompiers). Sans oublier l’ensablement de la chaussée, la dégradation des passerelles et garde-corps, ainsi que la réduction de la visibilité la nuit.
Une situation qui aurait pu être évitée si on avait gardé le tracé initial qui consistait à mettre l’infrastructure derrière les filaos afin qu’elle puisse profiter de cette bande dont les effets bénéfiques sur le littoral ont été confirmés par des études scientifiques qui retracent avec perfection son historique. Le Capitaine Daouda Bodian, Chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye en livre la quintessence. Sa direction appelée « Le Secteur » à Guédiawaye, est située à quelques dizaines de mètres du pont de Wakhinane Nimzatt sur la Vdn3. De Malibu à Malika, Le Secteur est la seule zone où trônent encore quelques filaos. L’endroit ressemble à une pépinière, une oasis en plein cœur d’un milieu -autrefois généreux- devenu hostile. Le capitaine reçoit Seneweb dans son bureau à ciel ouvert où notre discussion aux allures de cours de SVT (sciences de la vie et de la Terre) ponctuées par quelques digressions d’histoire-géographie, est bercée par le chant des oiseaux.
« C’est un patrimoine en ruine », se désole d’emblée le forestier meurtri par le déclassement et la déforestation de la bande de filaos à laquelle il a consacré quasiment toutes ses études à l’université de Dakar. « C’est en 1948 que le projet a été initié ici même à Guédiawaye, Malibu plus exactement. Il y a eu le décret de l’ancien gouverneur de l’Aof (Afrique occidentale française) qui institue la création de la bande de filaos de Dakar à Saint-Louis. La zone était sous protectorat français. Les autorités coloniales avaient mis en avant la démarche scientifique. On avait introduit à titre de recherche/expérimentation des espèces locales tout comme des espèces exotiques (d’Europe, de Polynésie, d’Indonésie, du Brésil, etc.). Parmi celles-ci, on peut citer le Neem (Azadirachta indica) qui vient de l’inde et le filao », raconte le spécialiste.
Le filao : un brise-vent au « bois de fer »
Ainsi, tout un ensemble d’espèces ont été testées pour, comparativement, mesurer leurs aptitudes et leur adaptabilité au climat et aux spécificités du terrain chaud, sec et sablonneux avec un sol gorgé d’eau salée ou saumâtre. Au terme des études, le filao a été retenu parce que, confie Capitaine Bodian, « on a constaté que c’est l’espèce qui présentait les meilleures aptitudes physiques et physiologiques ». En effet, plus connu sous le nom de Filao, le Casuarina equisetifolia est un nom donné à cet arbre en référence au Casoar, un oiseau dont le plumage est comparé au port retombant du filao. Arbre fixateur d'azote, le filao est originaire du domaine insulaire Pacifique (Australie, Malaisie, Indonésie). Son introduction dans le monde intertropical est sous-tendue par ses multiples usages qui vont de la réalisation de brise-vent, à la production de bois de chauffe, en passant par la fixation et la restauration de sols dégradés. Son bois, très résistant, est appelé « bois de fer ».
« Il y a un très grand phénomène naturel qu’on appelle les embruns marins qui constituent un grand facteur limitant les possibilités de croissances des espèces le long du littoral. Les embruns marins sont chargés de sel. Il s’agit de couches d’air qui viennent du littoral vers le continent. Quand ils viennent vers le continent sous forme de vapeur, ils se posent sur les arbres. C’est à ce moment qu’il y a ce qu’on appelle un phénomène d’osmose. C’est là où se trouve la clé de résistance des espèces à pouvoir supporter la charge de sel qui a tendance à aspirer l’eau de l’arbre et celui-ci s’assèche s’il n’y a pas un apport en eau (un arrosage). Le filao présente des aptitudes de résistance face à ces embruns marins. De plus, son feuillage est différent de celui des autres espèces », explique le Capitaine Bodian de manière plus détaillée.
La forte tolérance en sel et l’adaptation du filao aux sols pauvres, résultent en particulier au fait qu'il développe deux sortes de symbioses au niveau des racines : « en interaction avec des bactéries du genre Frankia d'une part, et, d'autre part, avec des champignons mycorhiziens », renseignent des chercheurs de l’IRD (Institut de recherche pour le développement).
À la suite de ces essais concluants, la plantation à grande échelle a débuté en 1950. Ainsi, selon les études de Yvon Dommergues (biologiste, ingénieur des eaux et forêts, ancien directeur de recherches au CNRS), le filao a été planté sur les dunes côtières pour empêcher leur progression vers l'intérieur où elles menacent la zone maraîchère des Niayes et le Eucalyptus camaldulensis sur les dunes intérieures. La bande protectrice est longue de 182 km sur 300 à 400 m de largeur. Il y a eu plusieurs phases de plantation et plusieurs projets qui se sont suppléés, nous apprend le chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye.
« Au total, renseigne-t-il, on a 120 blocs ou entité spécifique de reboisement. Ces blocs sont des paramètres d’études et permettent de différencier les générations de filaos. Les blocs n’ont pas les mêmes superficies. Ils permettent de faire un suivi sylvicole. Chaque bloc a un traitement qui lui est spécifique. Vous avez : la densité, le nombre de jours de plantation, le nombre d’agents qui sont intervenus. Sur 182 kilomètres. Ce sont des blocs de plusieurs hectares ». La première phase de plantation (1950-1959) a concerné plusieurs périmètres allant de Dakar jusqu’à Kayar. De 1969 à 1973 dans le cadre du plan national de développement, les périmètres des lacs de Mbeubeuss et Retba ont été réalisés. Enfin de 1976 en 1992, après 3 ans de stand-by, le projet a quitté Kayar pour toucher Kébémer puis Gandiol à Saint-Louis.
Les conséquences du déboisement
Arbre à courte durée de vie (30 à 40 ans), l’âge des sujets de la bande varient de 32 ans (pour ceux qui ont été plantés en 1992) et 74 ans (pour les premières plantations). Toutefois, s’empresse d’objecter le Capitaine Bodian : « quelque part on pourrait dire que le peuplement a vieilli, d’ailleurs il y a eu plusieurs cas de chablis. Il suffit qu’il y ait un petit vent pour qu’un arbre tombe. Malheureusement à Guédiawaye, tous ces sujets ont dépassé leur âge d’exploitabilité ou leur révolution. Mais cela ne saurait justifier leur enlèvement ». Si ce boisée en est à ce niveau de vieillissement c’est parce que les différents régimes qui se sont succédé depuis 1992 ont brillé par leur manque d’intérêt pour la protection de l’environnement.
En 1993 déjà, des études avaient sonné l’alerte sur le devenir problématique de ces plantations étant donné qu’il n’existe aucune régénération naturelle du filao. Il a donc été proposé aux autorités la rotation successives de casuarina « comme cela se pratique par exemple en Inde (KONDAS 1981) ou l’introduction d'autres espèces pour obtenir un écosystème plus stable, s'auto régénérant au moins en partie ». Aucune action de pérennisation n’a été posée dans ce sens par les autorités. Pire, celles-ci ont fini de prononcer le déboisement de 150 hectares et plus de 800 autres hectares de filaos sont en sursis, accélérant ainsi les effets de la corrosion marine sur les quartiers situés le long du littoral de Guédiawaye.
Depuis le début de la déforestation de la bande en juillet 2021, les effets des embruns marins qui ne sont hélas pas perceptibles, sont ressentis directement par les riverains. Comme on pouvait s’y attendre, les habitations sur le littoral sont exposées à un gradient élevé de la menace des embruns notamment sur les matériels électro-ménagers. « C’est parce que l’incidence des embruns marins a augmenté avec la déforestation de la bande de filaos. Et cette incidence évolue de manière décroissante. Les maisons les plus proches de la mer sont les plus exposées. Les ménages qui vivent le long du littoral de Guédiawaye auront changé au minimum deux ou trois fois leurs appareils entre 2021 et 2024 », souligne le Chef du service départemental des eaux et forêts de Guédiawaye.
Des propos confirmés par Mme Ndiaye. Enseignante à la retraite résidant aux cités Hamo, la septuagénaire confie, preuve photo à l’appui : « entre juin 2021 et octobre 2024, j’ai changé de téléviseur deux fois. Certes nos matériels étaient exposés aux effets de la brise maritime mais jamais ils n’ont eu une aussi courte durée de vie ». Les embruns marins ont également des effets néfastes sur les bâtiments. Les propriétaires de logements sur le long du littoral sont, aujourd’hui plus que jamais, contraints de rénover constamment leurs maisons (rafraichissement de peinture, carrelage mural, réfection de dalle…), pour éviter qu’elles ne tombent en ruine.
Un reboisement compliqué à moins de 100m de la mer
Pris par un sursaut de conscience après coup, le président Sall avait ordonné des actions de reboisement de l’autre côté de la Vdn3, à moins de 100m de la mer. Le Capitaine Bodian et ses équipes s’y activent depuis plusieurs avec des résultats pas fameux du tout. A cette distance, le filao ne donne plus satisfaction à l’en croire. « Pour protéger ce qui reste des dunes de sable, on a initié des opérations de reboisement. Mais on se rend compte que même le filao a de sérieux problèmes pour résister à cet endroit », avoue-t-il. Certains pointent le taux de salinité trop élevé à moins de 100m de la mer. Cependant, indique le Capitaine Bodian, « seule une étude peut déterminer la distance minimale de plantation et de succès (Dmps) ». Toutefois, ce qui reste pour le moins constant, c’est que les équipes d’eaux et forêts éprouvent d’énormes difficultés sur le terrain.
A part le filao, une autre espèce est en train de tester : le Coccoloba uvifera. Communément appelé le raisinier bord de mer en raison de ses fruits ressemblant à des grappes de raisin, le Coccoloba est une plante arbustive extrêmement résistante au sel et aux embruns, poussant en bordure de mer dans les caraïbes. « Le coccoloba est en train de réussir là où le filao ne réussit pas/ou plus », signale d’ailleurs le capitaine Bodian avant de d’ajouter : « de l’autre côté de la Vdn on est en train d’expérimenter un îlot de coccoloba. On avait testé sur la même parcelle des filaos mais au bout de 4 à 5 jours tous les filaos étaient morts. On a remplacé trou par trou avec des coccolobas et aujourd’hui les coccolobas se portent très bien ».
Une bonne nouvelle certes, mais la question c’est : est-ce que le coccoloba peut remplir la mission de fixation des dunes et de protection des habitations riveraines contre l’effet des embruns marins ? « En matière de fixation des dunes, le coccoloba est plus efficace que le filao, confie le Capitaine. La différence est que le filao est plus efficace en hauteur car il dévie les vents forts et protège contre les embruns marins. Cela veut dire que les deux espèces peuvent aller de façon combinée. Mais tout semble indiquer qu’à 100 mètres de l’eau le filao ne réussit pas alors que le coccoloba réussit à moins de 100 mètres de l’eau ».
Il préconise, dès lors, d’introduire d’autres espèces. D’ailleurs, pense-t-il, « une reforestation du littoral devrait porter les principes de l’agroforesterie mais surtout de l’agroécologie ». Une proposition que le Capitaine Bodian soumet à l’appréciation de son ancien professeur à l’Université de Dakar, le Pr Daouda Ngom, nouveau ministre de l’environnement.
Lors du lancement (hier lundi 14 octobre 2024) de son nouveau référentiel de politiques publiques Sénégal2050, le nouveau régime a listé parmi ses priorités le renforcement de la protection du littoral sénégalais. Des actions concrètes sont attendues dans le sens de la restauration de cette protection naturelle.
Thiebeu NDIAYE
33 Commentaires
Reply_author
En Octobre, 2024 (15:17 PM)Reply_author
En Octobre, 2024 (16:28 PM)Reply_author
En Octobre, 2024 (19:07 PM)Reply_author
il y a 1 semaine (10:14 AM)Reply_author
En Octobre, 2024 (19:38 PM)Devenus indépendants,nous sommes incapables de préserver tout ce qui nous a été légué en 1960 :
- le chemin de fer (des lignes régulières Dakar - Bamako, Thiès, Saint Louis et Niamey) .
- les plages et les côtes propres
- des forêts classés
- l'école de qualité
- l'Administration.
... Certains veulent maintenant détruire le FCFA.
Reply_author
En Octobre, 2024 (21:09 PM)Reply_author
En Octobre, 2024 (19:09 PM)Moussa
En Octobre, 2024 (11:35 AM)Vu Hui Weed
En Octobre, 2024 (11:38 AM)Macky Sall et sa clique ont detruit trop de choses dans ce pays
Ces genres d'articles sont vraiment à encourager.
pourquoi pas nous parler de la fluorose (dégradation des dents causé par l'excès de fluore dans l'eau) qui est entrain de faire des ravages chez les habitants du Saloum et du Baol. Je pense qu'un article de ce genre , avec des personnes de métier comme M. BODIAN peut attirer l'attentions des autorités et des personnes concernées. peut être quand trouvant une solutions adéquate les saloum-saloum et baol-baol retrouveront leurs sourires éclatants
Crime Impardonnable
En Octobre, 2024 (12:04 PM)Reply_author
En Octobre, 2024 (13:18 PM)C'est en effet un crime puisque cette déforestation va exposer les populations aux dangers et aux risques d'érosion et d'inondations côtières.
Vous ne pouvez pas imaginer tout le mal que les régimes libéraux de Wade, Macky et keurs alternoceurs ont fait aux sénégalais.
Ils ont détruit nos valeurs, notre économie, notre cadre de vie et toute notre société en y encourageant les détournements, la corruption et l'avidité. Ils ont sacrifié tout un peuple et toute sa jeunesse qui est aujourd'hui livré à l'émigration clandestine.
Ces gens là sont des criminels et doivent payer pour tous les maux qu'ils nous ont fait ces 24 dernières années.
Le décret qui déclassifie 150 Ha sur le littoral de Guédiawaye doit être abrogé. La boulimie foncière est la seule raison de cette déclassification et morcellement.
Ces prédateurs fonciers ne pensent pas à l'avenir.
Cette catastrophe écologique doit être dénoncée devant les instances internationales de protection de l'environnement.
Mame
En Octobre, 2024 (12:18 PM)Cocotiers à La Place Des Filao
En Octobre, 2024 (12:23 PM)Citoyen
En Octobre, 2024 (12:36 PM)Nous proposons les diligences suivantes :
_ annuler le décret de déclassement de la bande des Filaos,
_ revoir le tracé de la VDN 3 qui doit absolument épargner la bande des Filaos pour sauver les dunes et assurer notre protection contre le dérèglement climatique outre le fait que les ouvrages déjà réalisés peuvent du fait de leur proximité avec la mer, etre d un moment à l autre être engloutis ou emportés par les flots de l océan,
_ renforcer les moyens de la direction des eaux et forêts et leur assigner des objectifs smart,
_ sanctionner sévèrement les délits d atteintes à l environnement,
_ sanctuariser les terres agricoles, la zone des niayes et les zones maraîchères à travers le pays,
_ rétablir et protéger les cours d eaux à partir du technopole, lac Rose etc..
_ mettre en place un dispositif d alerte contre les
agressions des prédateurs fonciers,
_ restituer a l agriculture famiale son lustre d antan.
_ redonner à Dakar sa verdure qui lui valait son nom d e région du Cap Vert
Entre autres propositions
Militant pour un Sénégal Vert
.. Entre autres propositions
Jomaay
En Octobre, 2024 (12:57 PM)Adieu Ma Ville Natale!
En Octobre, 2024 (13:08 PM)Demba
En Octobre, 2024 (13:14 PM).
.
Terrain de 400m² entièrement clôturé a diass en 2eme position de la route nationale prix 5 500 000 FCFA tel 773778145
Kourou Roof
En Octobre, 2024 (15:41 PM)Bathie
En Octobre, 2024 (17:59 PM)Bathie
En Octobre, 2024 (17:59 PM)Ce décret n°2021-701 du 4 juin 2021 portant déclassement de 151 hectares dans la bande protectrice de filaos DOIT ÊTRE ANNULÉ.
C'est scandaleux !
J'en pleure, tout le temps !
Ils sont mal placés pour parler de foncier. Le jour où ils vont raser des bâtiments, leurs familles risqueraient de dormir dehors. Ils ne sont pas clean pour jouer aux gendarmes du foncier.
Leur toton Atépa est le premier à construire des habitations sur le littoral de Guediawaye. Le maire de Guediawaye,les conseillers municipaux, les activistes de Guediawaye , les lutteurs, griots et filles de joie ont été bien servis par Mame Boye Diao.
Leuz
En Octobre, 2024 (17:12 PM)Enfin Un Journaliste !
En Octobre, 2024 (18:03 PM)Et.reveiller.la.population..qui.dors.depuis.60.ans
Cne. Bodian
En Octobre, 2024 (17:11 PM)Oui nous devons tous faire face à la menace réelle d'une probable catastrophe écologique dans la zone des Niayes si l'on en prend garde.
L'histoire peut paraître têtue, d'autres disent simplement que c'est "l'histoire qui bégaye". C'était à Dakar/Guédiawaye que le futuriste et réaliste Projet de plantation de la bande avait débuté, malheureusement c'est encore c'est à Dakar que la disparition de ladite bande verte commence avec sa kyrielle de dégâts. Il faudra mettre un terme à ce carnage écologique!!
Notre rôle n'est pas d'être en spectateur, ou en alarmiste; c'est d'être ACTEUR.
Oui nous sommes un produit de l'UCAD, à la faculté des Sciences et Techniques, Département Biologie Végétale, Master : Agroforesterie, Ecologie Adaptation (AFECA).
Cette spécialisation nous a permis de dominer les limites linéaires mais aussi analytiques et scientifiques qui pouvaient frapper tout agent de mon département (probablement), pour mieux cerner les questions d'adaptation des agrosystèmes et des écosystèmes forestiers à l'image de la bande des filao ou encore dans le Saloum où nous sommes présentement avec de nouveaux enjeux et défis.
Oui nous avons testé le C. uvifera, qui dans les mêmes conditions (édaphiques et climatiques) comparait au filao avec les mêmes traitements (linéaires simples et protection (ouverte/fermée)) présente des avantages significatifs sur tous les paramètres.
Face à la menace climatique, ou encore à une probable catastrophe écologique en vue, le vrai échec est de rester sans agir, alors que le vrai succès est de commencer; peu importe le résultat mais au mieux s'il s'avère être satisfaisant! Mais ce commencement obéit à un protocole rigoureux et scientifique comme se fut le temps du lancement de la bande de filao. Une fois de plus, merci Monsieur NDIAYE.
CNE BODIAN.
Cheikh
il y a 2 jours (20:57 PM)C'est inadmissible.
Je ne comprends pas cette justice qui ne défend pas les populations
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