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Economie

Air Sénégal International : Pourquoi le Maroc a perdu le contrôle

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Air Sénégal International : Pourquoi le Maroc a perdu le contrôle
L’Economiste - Ce n’est pas fini, mais c’est tout comme. Le Sénégal reprend le contrôle d’Air Sénégal International (ASI). Et porte à 75% sa participation au capital, malgré le succès du plan de redressement engagé en 2006 par Royal Air Maroc, jusqu’alors actionnaire majoritaire de la compagnie. Avec 25%, il ne reste plus à RAM qu’à proposer son aide, selon ses moyens, et la place que son partenaire voudra bien lui octroyer.

· L’Economiste : Pourquoi ce désengagement ?

- Driss Benhima : Le désengagement n’est que partiel, le partenariat RAM-ASI continue sous de nouvelles formes qui donneront à l’Etat sénégalais le contrôle de la compagnie. Pour synthétiser les facteurs qui conduisent à ce changement dans la configuration du partenariat, il s’agit essentiellement de tensions de croissance. Le succès opérationnel initial d’ASI n’a pas été accompagné suffisamment au niveau des structures de management, ce qui a occasionné des dysfonctionnements qui n’ont paru au grand jour qu’en 2006. Royal Air Maroc a assumé ces dysfonctionnements et aujourd’hui la compagnie est remise sur pied. Elle va obtenir la fameuse certification IOSA (Ndlr : Iata Operational Safety Audit) avant la fin de l’année, le chiffre d’affaires est en progression permanente, le remplissage s’améliore, elle a remboursé ou rééchelonné ses dettes et s’est concentrée sur un réseau performant. L’exploitation est redevenue rentable depuis juin 2007. Il reste à apurer les comptes sociaux qui doivent régulariser des arriérés de charges et nous avons proposé d’injecter les fonds nécessaires mais l’Etat sénégalais préfère profiter de la recapitalisation indispensable pour devenir lui-même majoritaire. La poursuite de la gestion par RAM restait une option valable et le succès du plan de redressement le montre. L’Etat sénégalais a préféré une autre option, c’est son droit plus que légitime et sa responsabilité. Nous l’aiderons dans la mesure de nos moyens et de la place qu’il voudra bien nous octroyer.

· Quelle est la nouvelle configuration du capital ?

- Un comité mixte va faire des propositions qui seront soumises en toute responsabilité aux deux propriétaires de la compagnie sur la base d’une majorité du capital à l’Etat sénégalais et de la prise en main de la gestion par celui-ci. La compagnie ayant accumulé des pertes antérieures à 2006 et comptabilisées sur la seule année 2006, il devient indispensable d’augmenter le capital. Nous pouvons nous contenter de ne pas participer à cette augmentation de capital pour devenir actionnaire minoritaire.

· RAM perd donc les commandes de la compagnie au profit d’un management sénégalais…

- C’était une des propositions faites aux autorités sénégalaises en avril 2007 dans le cadre du plan de redressement. Et elles viennent d’accepter cette proposition dont l’origine venait des profondes divergences de vues sur le processus de redressement et de développement de la compagnie. Nous sommes respectueux des orientations de l’Etat sénégalais quant à sa compagnie nationale et il est normal qu’il s’implique plus sur son devenir dès lors qu’il le souhaite. Je rappelle, encore une fois, que c’était l’une de nos propres propositions.

· Quel sera le sort du personnel marocain et des avions mis à la disposition d’ASI ?

- Il n’y a pas d’avions de RAM chez ASI. Il n’y a que deux cadres, un pilote et sept mécaniciens. Ils seront très utiles dès leur retour pour notre compagnie qui a besoin de concentrer toutes ses ressources pour faire face à l’Open sky. Ils ont accompli un travail fantastique surtout dans les derniers mois où nous avons commencé à enregistrer les effets positifs du plan de redressement d’ASI. · Peut-on dire que le modèle ASI destiné pour RAM à tisser une toile aérienne en Afrique est un échec ?

- Une aventure comme celle d’ASI, les succès opérationnels de cette compagnie qui est devenue en quelques années une des premières d’Afrique occidentale, ne peuvent pas être considérées malgré les vicissitudes, comme un échec. C’est un succès qui a connu des obstacles parfaitement surmontables. RAM intègre les leçons de cette expérience. Royal Air Maroc a de l’expertise à apporter en matière de construction de compagnies nationales, elle ne peut, pour autant, se substituer en matière de gestion, à un Etat, pour lequel les enjeux de service public sont une priorité.

· Les interférences politiques ont-elles pesé sur la gestion de la compagnie ?

- Il y a eu des divergences de fond dans la stratégie. Il est vrai que ces divergences sont apparues à l’occasion de la crise financière de 2005-2006. Nous avons une vision pragmatique et prudente du développement d’ASI, auquel nous croyons au demeurant, et nous ne partageons pas certaines analyses de certains représentants de nos partenaires. Je crois que les positions de chacun doivent être respectées. Il y a d’un côté des ambitions étatiques légitimes liées à des responsabilités politiques et de l’autre une vision plus strictement économique. Il est probable par ailleurs que le fait que la gestion d’ASI soit transférée à l’Etat sénégalais s’accompagne d’un soutien administratif plus fort qui donne plus de chances au développement de la compagnie. ·

 Avec le recul, était-ce finalement un bon investissement sachant que la dernière facture a atteint 16 millions d’euros ?

- L’investissement annuel de RAM est compris entre 150 et 250 millions d’euros. L’enjeu d’ASI en valait et en vaut toujours ce que cette compagnie nous a coûté.

· Est-ce le début de la fin, le Sénégal lorgne déjà du côté des pays du Golfe ?

- Quand l’aventure a commencé, aucun autre investisseur que Royal Air Maroc n’a osé se lancer dans le développement du transport aérien au Sénégal. C’est un hommage à nos deux pays et à leurs dirigeants que de nouveaux investisseurs puissent s’intéresser aujourd’hui à ce domaine. Depuis que je suis à la tête de RAM, c’est-à-dire dix-huit mois, au moins quatre pays africains ont entamé l’étude d’un partenariat avec nous sur la création d’une compagnie aérienne. L’Afrique a besoin de transport aérien, Royal Air Maroc y joue son rôle.

Atterrissage forcé

La décision est tombée mardi 30 octobre dans l’après-midi. Le Sénégal a repris les commandes de Air Sénégal International au détriment de Royal Air Maroc. A compter du 1er janvier 2008, l’Etat sénégalais reprendra à la fois la gestion financière de la compagnie et entièrement ou partiellement les parts de participation au capital détenues par RAM.  Un plan de recapitalisation sera assuré par le Sénégal, a laissé entendre son ministre des Transports. A l’origine de ce « divorce » annoncé, « la gestion de Air Sénégal par la partie marocaine a enregistré une perte cumulée de plus de 12 milliards de francs CFA fin 2005, et plus de 11 milliards pour 2006 », environ 354 millions de DH entre 2005 et 2006, accuse le ministre. Et tout s’enchaîne. Une commission mixte a déjà démarré ses travaux lundi dernier « pour étudier les modalités de recomposition du capital de la société et du transfert de la gestion de la RAM vers l’Etat du Sénégal ». Une source proche du dossier a déclaré à L’Economiste que le mandat est déjà donné au cabinet Mc Kinsey pour examiner l’opportunité de la création d’une nouvelle compagnie dont le tour de table sera composé des capitaux du Golfe associés à des privés sénégalais (Voir L’Economiste d’hier). En 2000, au lendemain de la première visite de SM le Roi au Sénégal (cf. www.leconomiste.com), l’annonce en grande pompe de la création d’une compagnie maroco-sénégalaise où RAM détenait 51% du capital était promise à un bel avenir. Sept ans après, le fruit de cette coopération Sud-Sud, a connu beaucoup de moments de tumultes, avec des performances plus ou moins à la taille de la compagnie. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 156 millions de dollars en 2006, soit 1,22 milliard de DH.



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