Vendredi 19 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

Alex Segura, représentant du Fmi au Sénégal : « Bientôt les salaires des fonctionnaires pourraient ne pas être payés »

Single Post
Alex Segura, représentant du Fmi au Sénégal : « Bientôt les salaires des fonctionnaires pourraient ne pas être payés »

La situation économique et financière du pays l’inquiète au point qu’il a avalé sans difficulté la langue de bois diplomatique et craché des vérités toutes crues. Si le Sénégal ne se réajuste pas et compresse ses dépenses, on va en arriver à un point où le pays, qui connaît son taux de déficit budgétaire le plus élevé depuis la dévaluation du Franc Cfa en 1994, ne pourra pas assurer les salaires de ses fonctionnaires. La seule question qu’il a esquivée, est celle de l’avion présidentielle. Pour lui, elle n’est pas encore à l’ordre du jour.

Le gouvernement du Sénégal a pris des mesures pour combattre la hausse des prix, et faire face à la crise alimentaire mondiale. Comment analysez-vous ces mesures, qui ont poussé à la subvention des produits alimentaire et à la renonciation de taxes sur certains secteurs, tels que l’énergie ou le lait ?

D’abord, je pense qu’il faut séparer les mesures à long terme et à court terme. A long terme, il y a eu de bonnes mesures dans certains cas. Par exemple, les mesures qui vont dans le sens d’augmenter les investissements dans l’agriculture, comme le programme d’autosuffisance en riz. Ça me semble être des mesures qui vont dans la direction appropriée, étant donné la difficulté pour trouver ces denrées, en particulier le riz, sur le marché international. A court terme cependant, la situation est beaucoup plus préoccupante, parce que l’Etat a pris des mesures sur la fiscalité, sur la suspension des droits de douane et de la Tva sur certaines denrées de première nécessité. Elles ne sont pas efficaces et sont en train de déséquilibrer fortement les finances publiques. C’est d’ailleurs, des mesures qui n’ont pas eu un effet notable sur les prix, même le Premier ministre a avoué que l’effet a été assez mitigé, lors d’une réunion avec les partenaires au développement. L’efficacité de ces mesures n’a pas été bonne, les mesures n’ont pas non plus été bien ciblées sur les plus pauvres, parce qu’on s’est rendu compte que, sauf pour le riz, pour beaucoup d’autres produits, ce n’était pas les couches les plus défavorisées de la population qui bénéficiaient de la subvention, et cependant, c’est des mesures qui coûtent extrêmement cher au budget de l’Etat. Nous avions estimé, lors de la dernière mission du Fmi, que les subventions dans les denrées alimentaires et le secteur de l’énergie en 2008 allaient coûter à l’Etat plus de 170 milliards de francs Cfa. Avec les nouvelles mesures qui ont été annoncées sur le riz etc., ça pourrait tourner autour de 200 milliards de francs Cfa. C’est un coût énorme, qui pèse de façon insupportable sur le budget de l’Etat.

Et vous pensez que le budget de l’Etat n’est pas en mesure de le supporter ?

Le budget de l’Etat ne peut pas, aujourd’hui, soutenir ce niveau de subvention. D’ailleurs, ce niveau de subvention est en train de creuser, de dégrader la position budgétaire de l’Etat, avec un niveau de déficit budgetaire qui devient de plus en plus inquiétant. C’est cela qui nous inquiète fortement, parce qu’il y a aussi un effet très négatif d’accumulation des factures impayées au secteur privé. C’est la plus claire indication que l’Etat n’est pas capable de financer ce niveau de dépenses. Donc, nous avons estimé que les factures impayées au secteur privé tournent autour de 150 milliards de francs Cfa, ce qui représente plus de 10% du budget de l’Etat. C’est un niveau énorme de factures impayées.

Ce que vous êtes en train de dire là, c’est qu’au lieu de payer les factures du secteur privé, l’Etat prend l’argent pour le transférer aux subventions, car c’est le même taux de dépenses ?

Oui, effectivement, c’est vrai. L’analyse est correcte. D’ailleurs, le Premier Ministre a annoncé que les subventions des denrées de première nécessité et les subventions énergétiques ont coûté à l’Etat autour de 150 milliards de francs Cfa. Je pense qu’il a mélangé deux exercices budgétaires là, une partie de 2007 et une partie de 2008, mais 150 milliards, c’est bien exactement le même chiffre de factures impayées que nous avons trouvé aujourd’hui, dans le système, après le recensement qu’on a demandé au ministère des Finances de faire. Le ministère des Finances a demandé à chaque ministre sectoriel de faire le point de la situation des factures impayées et on voit que c’est 150 milliards, ce qui est colossal. C’est énorme. Cela fragilise le tissu économique, et je l’ai dit depuis un an, si les factures impayées au secteur privé ne sont pas complètement éliminées, le système économique va s’effondrer. Et aujourd’hui, le secteur privé est en train d’être étranglé par cette dette due aux fournisseurs de l’Etat. Il faut que l’Etat honore ses factures immédiatement. Nous avons été très clairs sur ce point avec les autorités. Si les entreprises du secteur privé ne sont payées, finalement, elles vont mettre la clé sous le paillasson, les employés vont être licenciés, et la situation économique va se dégrader encore plus. Il est extrêmement urgent que le gouvernement fasse des économies sur les subventions, et d’autres dépenses publiques, et c’est faisable, si le gouvernement fait preuve de détermination et de courage. On pourrait trouver des mesures mieux ciblées sur les pauvres, telles un élargissement des cantines scolaires, où on donne aux enfants des écoles de la nourriture gratuite. Cela, on sait aussi que ça a un impact positif sur le taux de scolarisation des enfants, ça soulage le budget des ménages, puisque les enfants sont nourris à l’école. Donc, il y a des effets positifs très, très clairs, et personne ne peut dire que les mesures de soutien aux enfants ne sont pas bien ciblées. Parce que vous donnez de la nourriture aux enfants. Et ça coûte d’ailleurs moins cher que la politique actuelle. L’Etat du Sénégal dépense aujourd’hui 500 millions pour les cantines scolaires. Contre 150 milliards de subventions généralisées, qui ne sont pas dirigées vers les plus pauvres. Vous voyez, il faut trouver des mesures ciblées sur les plus nécessiteux. Ça peut être les cantines scolaires, ça peut être le transport public. On pourrait peut-être accepter qu’une denrée clé, comme le riz, soit parfois un peu subventionnée, parce qu’on s’est rendu compte que c’est assez important sur le budget des ménages les plus pauvres. Mais il y a d’autres denrées, comme le lait en poudre, le pain, ou le gaz butane, dont les enquêtes sur les ménages montrent très clairement que les ménages les plus pauvres de la population ne bénéficient pas de cette subvention, du moins pas autant que les riches.

Pensez-vous que l’Etat est en mesure de faire accepter ce genre de mesures à l’opinion publique ?

Ce n’est pas du tout facile, et l’Etat doit mieux communiquer sur le coût et le bénéfice des mesuré, et présenter des alternatives crédibles. C’est pour cela que même si ces mesures n’ont pas eu d’effet sur les prix aujourd’hui, il est difficile de remettre les taxes sur les produits dans le contexte actuel. On le reconnaît. Nous n’avons pas imposé aux autorités sénégalaises de réduction de ces subventions. Parce que finalement, ce qui nous intéresse, c’est l’équilibre macro-économique général. Ce qui nous intéresse, c’est que les factures impayées au secteur privé soient éliminées. Et il y a plusieurs façons de faire cela. Nous avons dit aux autorités : «Nous pensons, d’un point de vue économique, que ces subventions coûtent très cher au budget de l’Etat et ne sont pas efficaces. Il faut trouver des alternatives.» Maintenant, c’est aux autorités, qui ont connaissance de la situation politique, de savoir si c’est faisable ou pas. Si elles décident de ne pas enlever certaines mesures qui coûtent très cher, de continuer avec cette politique de soutien des prix, il faudra que l’ajustement se fasse ailleurs. Le Premier Ministre s’est engagé à signer une circulaire qui va établir des nouveaux plafonds de dépenses pour tous les ministères sectoriels, sauf pour les départements de l’Education et de la Santé. Leur budget a été protégé, car ce sont des secteurs prioritaires. Eh bien, avec le niveau actuel de la subvention, il faudra une réduction de 15 à 20 milliards de frais de fonctionnement, de dépenses en biens et services au niveau de l’ensemble des ministères, et une réduction budgétaire d’un peu plus de 70 milliards pour l’investissement public. Vous voyez, c’est clair. Si vous voulez continuer avec les subventions, vous devez vous ajuster ailleurs, par exemple avec les dépenses de fonctionnement. Là, il y a quand même une certaine marge, parce qu’il y a beaucoup de dépenses de fonctionnement qui ne devraient pas être prioritaires. Il y a un peu de gaspillage dans le système.

Les dépenses de fonctionnement, c’est bien le train de vie de l’Etat ?

C’est bien ce que vous appelez le train de vie de l’Etat. Là, évidemment, il y a des économies qu’on peut faire. Et puis, si, malheureusement, les dépenses en subventions continuent au niveau que nous avons projeté, il faudra que le gouvernement s’ajuste encore ailleurs. Et couper les dépenses d’investissement, ce qui est un peu malheureux, parce que les dépenses d’investissement doivent être prioritaires.

Et là, vous pensez à quel secteur d’investissement, qui pourrait faire l’objet de coupes sans trop de dégât ?

Nous laissons complètement la liberté aux autorités de choisir où faire les différentes réductions. Finalement, ce n’est pas nous qui devons faire la gestion par ministère, de l’allocation budgétaire. Nous avons donné un plafond maximum de dépenses d’investissement qui ne peut pas être dépassé, parce que sinon, ces investissements ne pourront pas être financés ou payés. C’est un plafond des dépenses d’investissement qui doit être compatible avec le paiement de toutes les factures qui traînent encore dans le système. Parce que ça n’a pas de sens de demander à une entreprise de Btp de vous faire une route, par exemple, si une fois que l’entreprise a fini, vous prenez la facture et ne la payez pas. Nous avons donné un total de dépenses d’investissement qui tourne, je pense, autour de 430 milliards, et puis nous avons demandé d’ailleurs, que les factures impayées de l’année passée soient réglées en priorité. Il faut payer les factures de l’année passée avant d’engager de nouveaux projets d’investissement.

Je crois qu’il y a une des règles de l’Ispe qui dit que la limitation des montants de factures impayées, doit être autour de 30 milliards de cfa. Comment donc en est-on arrivé à ces 150 milliards ?

Parce qu’on s’est rendu compte que les factures impayées se trouvaient à différentes étapes de la chaîne de la dépense. Initialement, on pensait que les factures impayées, c’était les factures qui étaient au Trésor. Le Trésor ne les payait pas parce qu’il n’avait pas les moyens de les payer. Mais on s’est rendu compte qu’il y a aussi dans le système des factures qui se trouvent bloquées au niveau des ministères. Des ministères sectoriels qui ont engagé des dépenses, et qui ont gardé la facture et ne l’ont pas envoyée au Trésor. Ou bien le Trésor qui a rejeté la facture, et ne l’a pas enregistrée dans le système, parce qu’il n’avait pas les moyens de la régler. Donc aujourd’hui, nous avons changé notre critère, afin de pouvoir retracer l’ensemble de ces factures. Parce que finalement, les questions de définition ne vont pas conduire à la résolution des problèmes. Une facture impayée, c’est une facture impayée, peu importe si ça se trouve au Trésor ou dans un ministère sectoriel, peu importe. Ce qu’il faut aussi, et sur ça, on a été très clair, c’est que les règles de gestion pour les finances publiques doivent être mieux respectées. Parce qu’aujourd’hui, une partie de cette situation a été causée aussi par des ministères sectoriels qui ont engagé des dépenses même sans couverture budgétaire. C’est très grave. Je ne peux pas encore vous donner les chiffres, car on a demandé au ministère des Finances de faire un audit. L’Inspection générale des finances va faire un audit de la situation. Ce sera un critère de performance du programme, et lorsqu’on aura tous les éléments, on va savoir quel est le montant des dépenses engagées, quelles sont les mesures à prendre pour y faire face. Ça pourrait être des sanctions contre les gens qui ont violé les règles budgétaires, et aussi contre les entreprises qui sont responsables aussi, dans ces cas-là, de mauvaise gouvernance. Parce que quand une entreprise accepte de fournir un bien ou un service à l’Etat, en sachant que l’argent de l’Etat n’est pas habilité à couvrir la dépense, qu’il n’y a pas la couverture budgétaire etc., c’est grave. Et les entreprises vont aussi payer un coût.

Comment pouvez-vous les sanctionner ?

Ce n’est pas nous qui allons sanctionner les entreprises. Mais finalement, une dépense extrabudgétaire est une dépense illégale. Vous savez, c’est très simple dans les règles budgétaires. S’il n’y a pas un crédit ouvert dans le budget, qui a été voté par l’Assemblée nationale, la dépense est illégale. Et donc, si un ministre sectoriel a engagé une dépense sans couverture budgétaire, la dépense est illégale, et le contrat, s’il s’agit d’un contrat public, est illégal. Maintenant, il faudra voir quelle est la partie qui doit être payée, est-ce que ça sera 50%, 60%, je n’en sais rien. On va voir, et finalement, c’est la décision des autorités et de l’Assemblée nationale, qui devra juger si la dépense doit être payée ou pas, à travers une loi des finances rectificative. Mais les entreprises qui ont contribué à créer ce problème ne s’en sortiront pas indemnes. Parce que d’un côté, je pense qu’il faut être juste avec le secteur privé et demander à l’Etat de payer toute facture légale. Ce n’est pas juste, quand une entreprise de secteur privé a fourni un bien ou un service à l’Etat, que l’Etat se permette de ne pas payer. Cela, c’est inadmissible et nous allons continuer à le dénoncer. Mais en même temps, nous ne voulons pas non plus qu’il y ait une situation où une entreprise soit responsable des mauvaises dépenses et en reçoive facilement le paiement. Ça va être difficile pour les entreprises qui sont entrées dans cette démarche de recevoir leur paiement. Il faut être très clair sur ce point.

Cette nouvelle discipline budgétaire que vous voulez imposer, n’est-ce pas un retour au programme d’ajustement structurel ?

Ce n’est pas une imposition, mais l’Etat n’a pas le choix. Ce n’est pas parce que le Fmi le dit. Nous ne sommes que des conseillers économiques de l’Etat. Nous regardons la situation des finances publiques, les recettes, les emprunts obligataires, et les dépenses publiques. Et finalement, nous disons que le système ne tient plus. Si vous n’ajustez pas les dépenses, dans quelques mois, vous ne serez plus en mesure même de payer les salaires de la fonction publique. L’Etat pourrait se trouver en cessation de paiement. S’il n’y a pas d’ajustement, le système des finances publiques va s’effondrer. C’est clair. Il faut qu’il y ait des mesures d’ajustement, avec ou sans le Fmi. Mais si les autorités veulent que le Fmi apporte un soutien à leur politique économique, un soutien qui est d’ailleurs important pour les bailleurs de fonds, pour les marchés financiers et pour les investisseurs, elles devraient s’engager à exécuter cet ajustement. Mais il nous manque encore la circulaire du Premier ministre, qui va plafonner les dépenses publiques, pour être rassurés. Sans cette mesure, le Fmi ne pourra pas soutenir le programme économique du gouvernement.

Et pourtant, selon le discours officiel, ces mesures de subvention n’auraient presque pas eu d’impact sur les finances publiques, et tout semble rose dans l’économie du Sénégal.

Cela semble être le discours du ministère du Commerce. Ce n’est pas l’avis du ministère des Finances qui partage complètement notre analyse. Parce que finalement, les données budgétaires sortent du ministère des Finances et sont analysées avec nous. Donc, je ne pense pas que le ministère du Commerce devrait faire des déclarations sur le poids de ces mesures sur le budget de l’Etat. Ces gens n’ont d’ailleurs pas d’éléments pour faire ce type de réflexion.

Le directeur du Commerce intérieur (Voir Le Quotidien n° 1603 du 14 mai 2008) a dit aussi que les prix au Sénégal sont 5 à 6 fois moins élevés que dans les autres pays de la sous-région. Il devrait nous donner ses statistiques, parce que les analyses de la Banque mondiale montrent que ça c’est faux. Les prix au Sénégal sont en moyenne 25% plus élevés que dans l’Afrique subsaharienne. Moi, je viens de rentrer de la Gambie, l’huile végétale ou le sucre coûtent en Gambie presque la moitié d’ici. Donc, je ne sais pas d’où vient cette analyse. Est-ce que c’est qu’on essaie de donner l’impression que cette politique est efficace et de dire que cette politique ne coûte pas trop cher ? Parce que j’ai aussi entendu dans des déclarations de hauts fonctionnaires du ministère du Commerce, qu’il n’y a pas eu d’effet financier pour l’Etat. Et moi je me demande, si ils savent que l’Etat doit 150 milliards aux entreprises du secteur privé.

Maintenant, l’alternative que vous proposez au gouvernement, c’est de payer les factures. Mais est-ce que le gouvernement ne va pas se dire qu’en payant ces factures au secteur privé, il va priver les populations ?

Je ne crois pas, car on ne peut pas faire l’analyse en opposant les uns aux autres. Les entreprises de secteur privé sont à la base de toute performance économique, de la croissance et de l’emploi, et elles ont des employés. Et ces employés, ce sont des consommateurs et des citoyens. Ce sont des travailleurs. Eh bien ! Si l’Etat ne paie pas les factures dues au secteur privé, les entreprises vont avoir des difficultés. Elles sont déjà en difficulté. Elles souffrent déjà à cause de cette situation. Elles peuvent être bientôt forcées à fermer, et donc leurs travailleurs vont souffrir. Ils n’auront plus de salaires pour continuer à acheter de la nourriture. Donc, on ne peut pas opposer aujourd’hui la politique budgétaire, qui nous semble prioritaire, qui consiste à régler les factures impayées de l’Etat, avec la politique de subvention. On ne peut pas. Il faut régler les factures aux entreprises du secteur privé, elles ont fourni un bien ou un service à l’Etat, elles sont prioritaires.

Vous allez créer un vrai dilemme à l’Etat

Ce que l’Etat devrait faire je pense, c’est un conseil, c’est de voir : «On va dépenser presque 200 milliards. Est-ce que ces mesures ont été efficaces, est-ce que ces mesures sont en train d’aider les populations ? Est-ce que ces mesures sont soutenables, même à court terme ?» J’ai entendu des déclarations qui sortaient du ministère du Commerce, sur l’efficacité de ces mesures, et qui me font froid dans le dos. Je sais, parce que j’ai des statistiques de la Direction générale des impôts (Dgi), qui montrent quel est l’effet maximum sur le prix qu’une mesure de défiscalisation peut avoir, et que ces mesures n’ont pas eu beaucoup d’effet. Quelle a été l’effet de la baisse de prix ? Très modeste, c’est entre 1 et 5%, peut-être un peu plus ici ou là. Mais on n’a pas senti d’effet, parce que le cours mondial a continué à grimper. Et puis, il n’y a pas vraiment beaucoup d’effets positifs sur les prix pour les consommateurs, mais il y a un effet colossal négatif sur le budget de l’Etat. Nous pensons que l’Etat pourrait dégager une enveloppe très importante de ressources, parce que l’Etat peut se le permettre grâce à la performance extraordinaire du système fiscal sénégalais. Il peut monter un plan d’action pour les populations les plus pauvres, avec des mesures mieux ciblées, plus efficaces. On peut élargir, comme je vous l’ai dit avant, le programme des cantines scolaires. On peut subventionner les transports publics parce que finalement, ce ne sont pas les riches qui prennent les cars rapides, et le bus bleu, (les Tata, Ndlr)… Eux, ils ont des grosses voitures. Quand vous subventionnez l’essence à la pompe, ce sont ces gens avec leurs grosses voitures qui gardent leur subvention. Ça, c’est grave. On peut mettre en place des mesures concrètes pour aider les populations. On peut limiter les subventions à une denrée, comme le riz par exemple.

En combattant la taxe de protection sur le sucre et les huiles végétales, ce sont des pans de l’industrie que vous menacez.

Il faut réfléchir sur une question importante. Pourquoi des produits comme l’huile végétale ou le sucre sont beaucoup plus chers au Sénégal que dans d’autres pays ? Parce qu’il y a des surtaxes qui protègent certaines entreprises locales. Bon, aujourd’hui, nous savons que c’est compliqué d’enlever ces taxes-là. La Compagnie sucrière du Sénégal risque de disparaître si vous enlevez la protection d’un seul coup. Le Sénégal ne peut pas être aussi efficace que le Brésil dans la production de sucre. Mais aussi, je le sais parce que le directeur général de la Css est venu me voir pour m’expliquer, que cette entreprise a fait des actions sociales importantes, elle a construit des écoles dans toute la région de Richard Toll... Mais la réflexion, et c’est là que le ministère du Commerce pourrait faire une contribution plutôt que de dire que ces subventions n’ont déstabilisé aucun équilibre financier. Le ministère du Commerce pourrait dire dans quelle mesure certaines surtaxes peuvent être progressivement réduites et en même temps, prendre des mesures structurelles permettant à ces entreprises locales d’être plus performantes. Je vous donne un exemple très clair. La Compagnie sucrière du Sénégal m’expliquait : «Nous, nous ne sommes pas trop compétitifs parce que l’Etat n’a pas mis à notre disposition des infrastructures performantes pour transporter nos produits.» Une voie ferrée performante entre Dakar et Saint-Louis, et puis Richard-Toll, pourrait réduire énormément le coût de transport. Parce que si vous devez faire 4 000 voyages de camion, avec le coût du carburant, votre coût de production est plus élevé. Donc, il faut générer des initiatives pour pousser ces entreprises à être plus performantes, en leur donnant accès à des infrastructures plus performantes, et en les poussant aussi à faire face à la concurrence. Car, finalement, ça n’a pas de sens que le consommateur sénégalais paye le sucre ou l’huile végétale beaucoup plus cher que dans d’autres pays. Et même, ce qui est inadmissible à notre avis, c’est que ce débat n’est même pas posé. Avez-vous quelque part entendu le ministre du Commerce parler de ça ? Jamais ! Et on ne peut pas nous accuser nous, le Fmi et la Banque mondiale, d’avoir mis des conditions qui vont conduire à l’effondrement de ces industries. C’est faux ! On n’a pas de conditions sur le retour de ces taxes-là. On ne le fait pas, car on sait qu’il y a des travailleurs au sein de ces entreprises, et on sait aussi qu’il faut mettre en place des mesures d’ajustement graduelles pour améliorer la performance de ces entreprises. Mais que la question ne soit même pas posée, c’est aberrant ! il faut que la question soit posée et qu’une analyse correcte soit faite, pour voir ce que l’Etat doit faire pour que ces entreprises, que ce soit la Suneor, que ce soit la Css, soient des entreprises performantes. C’est la même question qui va se poser pour la production de riz.

Oui, mais dans toute votre analyse, dans toutes vos grilles de dépenses, vous n’avez pas dit un mot sur l’intention du chef de l’Etat d’acheter un nouvel avion

Franchement, la question de l’avion n’est pas aujourd’hui sur la table. Car, l’avion, d’après nos informations, n’a pas été acheté. Finalement, moi, la réponse que j’apporte à ça, car c’est une question qu’on m’a posée à plusieurs reprises, c’est que ce n’est pas au Fmi de dire quelles sont les priorités de l’Etat. Si le chef de l’Etat veut acheter un avion et que le projet d’achat de l’avion est dans le budget de l’Etat, et que c’est approuvé par l’Assemblée Nationale, c’est à la population, aux citoyens sénégalais, de critiquer ça ou pas. Mais pas nous. Nous on dit, par exemple par rapport à certaines choses, comme les investissements dans l’infrastructure ou dans l’éducation, ou la santé, ça doit être une priorité. Pour l’avion, je ne sais pas. Je ne veux pas me prononcer, parce que c’est une action politique. Mais si ça se fait un jour, la seule chose que nous pouvons demander, c’est que ça soit fait en toute transparence et que ça ne conduise pas à une nouvelle dégradation du déficit budgétaire. Parce que ça serait, quand même, difficile de comprendre qu’on fasse des dépenses, pas seulement pour l’avion, mais toute dépense nouvelle, sur n’importe quel projet, ne devrait pas être prioritaire avant de payer toutes les factures qui traînent sur le système. Nous ne pouvons pas en tant qu’institution, dire que telle ou telle dépense est appropriée ou pas. Parce que finalement, imaginez-vous, si un jour le Président prend l’avion et que l’avion s’écrase. Après, on dira c’est telle ou telle personne qui ne voulait pas acheter un nouvel avion. Vous savez, c’est des questions compliquées et nous ne pouvons pas entrer dans ces détails de souveraineté nationale. Mais là où nous devons dire aux autorités et à la population que la situation est grave et que le système ne tient plus, c’est lorsque l’équilibre global recettes-dépenses est en danger. Ce qui est le cas, aujourd’hui.

Vous tirez la sonnette d’alarme. Quel délai pensez-vous que nous ayons pour que les mesures soient prises ?

Il y a une mesure concrète qui est très claire, qui consiste à signer une circulaire, pour donner de nouveaux plafonds de dépenses de fonctionnement et d’investissements aux différents ministres sectoriels. Cette mesure doit être appliquée même cette semaine. Il s’agit d’une circulaire du Premier ministre. Nous avons indiqué aux autorités sénégalaises que si cette mesure n’était pas prise, nous n’allons pas pouvoir recommander la revue de l’Ispe au conseil d’administration du Fmi. Nous n’allons pas envoyer notre rapport au conseil d’administration si cette mesure n’est pas prise. Et ça, pour une raison très simple, c’est parce que l’Ispe c’est un programme pour les pays en phase de stabilisation macroéconomique avancée. Et quand un pays a un déficit budgétaire élevé et un niveau de factures impayées énorme, comme le niveau de factures impayées que nous observons aujourd’hui, si l’Etat ne prend pas des mesures urgentes et courageuses, nous ne pouvons plus dire que la situation macroéconomique est stable. Et si nous ne pouvons pas dire ça, le programme économique du Sénégal, ne peut plus être soutenu par le Fmi. Donc, pour le soutenir, il faut que nous soyons rassurés, en tant qu’experts macroéconomiques, que la situation macroéconomique liée à ce programme va être redressée. Et bien, si ces mesures d’ajustement budgétaire ne sont pas appliquées, la situation économique ne sera plus stable, parce que le système des finances publiques va se paralyser complètement. Et nous ne pouvons pas donner notre avis favorable par rapport à ça. Mais je pense que le Sénégal peut encore s’en sortir. Il suffit de donner au Ministre de Finances l’autorité pour faire respecter l’ajustement. Car ce n’est pas lui qui a créé cette situation, et il continue à avoir tout notre soutien et notre confiance. C’est d’ailleurs une opinion partagée par tous les bailleurs de fonds.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email