Tous les facteurs concourent à ce qu’une crise alimentaire sévère sévisse dans certaines zones du pays. Un document du Cilss tire la sonnette d’alarme et évoque la mauvaise pluviomètrie enregistrée, pour prévenir contre une éventuelle rupture de stocks en cérèales.
Les prévisions alimentaires concernant le Sénégal ne sont pas des plus optimistes. Ainsi, mil, maïs et sorgho risquent de se faire rares dans les menus des Sénégalais, au cours des prochains mois. A l’origine, un déficit de 31% dans la production céréalière de la saison 2006-2007 par rapport à celle enregistrée l’année d’avant, du fait de la faiblesse de la pluviométrie dans certaines zones du pays. Cette faiblesse des précipitations, directement responsable de la baisse des surfaces emblavées et par conséquent du volume de la production, entraînera selon le Réseau de prévention des crises alimentaires (Rpca), cité par le Cilss, une plus grande précarité dans la vie des populations rurales et des pauvres des milieux urbains.
Le réseau a publié hier les Perspectives sur la sécurité alimentaire au Sénégal, jusqu’au mois de juillet 2007, qui ne sont pas optimistes pour la situation du pays. Elles indiquent que les effets de cette crise céréalière se traduiront par «une tendance à la hausse des prix des céréales», allant jusqu’à «affecter les capacités d’accès alimentaires des ménages agricoles à faibles revenus». Les ménages urbains ne seront pas épargnés car, souligne le document, de réelles difficultés d’approvisionnement se poseront. Cette situation avait déjà été prévue par Le Quotidien. Dans son n°1261 du mardi 13 mars 2007, il avait attiré l’attention sur la situation de précarité dans laquelle la soudure précoce allait plonger les populations rurales, ainsi que les foyers urbains pauvres.
La saison 2006/2007, avec une production totale de 988 314 tonnes de céréales, accuse un déficit de 14% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. L’une des zones les plus touchées est la région de Matam où le déficit pluviométrique s’est accompagné d’une faible crue du fleuve, peu favorable au développement des cultures de décrue qui permettent chaque année aux populations, de traverser sans dommage la période de soudure. Et cette année, celle-ci risque de s’installer «de façon précoce pour une partie de la population» et ce, avec des conséquences sur la sécurité alimentaire dans les régions rurales, mais aussi dans les centres urbains.
De plus, signale l’alerte sur les perspectives alimentaires, la concentration d’oiseaux granivores dans les zones rizicoles du delta du fleuve Sénégal menace considérablement les récoltes de riz local dont, par ailleurs, la valeur marchande est inférieure à celle du riz importée. Mais, lesdites importations de riz pourraient malgré tout pallier au déficit vivrier, en jouant le rôle de régulateur des marchés. Autant de facteurs qui favoriseront une flambée des prix des céréales, fort prisées des populations. Même les éleveurs ne seront pas épargnés, car les effets néfastes de la pause pluviométrique se feront également sentir dans le secteur de l’élevage, avec une raréfaction annoncée des pâturages. Le document assure que «l’accès à l’eau et au pâturage va devenir plus difficile, entraînant une détérioration de la santé du bétail et des termes de l’échange pour les ménages éleveurs, les prix des céréales devenant très élevés, et ceux du bétail ayant tendance à baisser». On voit, d’ailleurs, que dans le Ferlo sénégalais, principale zone d’élevage, les conflits autour de la ressource sont déjà très importants du fait de la rareté des ressources en eau et en pâturages. Des conflits éclatent de plus en plus entre agriculteurs et éleveurs qui se disputent les maigres zones productives d’un terroir livré à la sécheresse.
Dans cette situation, les alternatives pour faire face à la crise entraîneront les paysans à revendre les semences de la prochaine campagne, ainsi que leurs matériels agricoles. Dans ces zones rurales, une baisse des revenus se traduit aussitôt par le développement de stratégies alternatives telles que l’exode rurale ou le grossissement des rangs des candidats à l’émigration.
Les pasteurs quant à eux, juge le document, descendront de plus en plus au sud à la recherche de pâturages vers les régions de Tamba et de la Casamance. De plus, ajoute l’Alerte, à cause de la baisse de la production de biomasse, les animaux seront plus vulnérables à la maladie, et on pourra assister à une baisse des prix de bétail sur les marchés, quand leurs propriétaires seront amenés à les brader pour survivre. Une telle perspective démontre toute la gravité de la situation. On sait, par exemple, que les Peuls sont viscéralement attachés à leurs bêtes et ne s’en séparent qu’en dernière extrémité.
Les zones qui seront les plus touchées par la crise alimentaire, outre la région de Matam, seront l’arrondissement de Goudiry, les départements de Kaffrine, Linguère, Podor et Bambey, juge l’étude du Comité inter Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel.
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