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Economie

[ Opinion ] Autoroute à péage Dakar- Diamniadio : Analyse d’un choix public difficile, mais appréciable

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[ Opinion ] Autoroute à péage Dakar- Diamniadio : Analyse d’un choix public difficile, mais appréciable
La conscience du rôle des infrastructures dans une économie en émergence représente le côté positif de la gestion wadienne du pouvoir. Ce qui est regrettable, c’est que ces dépenses publiques d’infrastructures sont souvent entachées de grandes malversations et certaines d’entre elles ne sont vraiment pas opportunes relativement aux autres charges publiques (éducation, sécurité, santé, subventions). En outre, pour respecter le critère d’économicité des choix publics, il fallait limiter les dépenses d’infrastructures faisant appel à des importations importantes de matériaux, parce qu’il s’en suit une accentuation du déficit extérieur du pays. Ce phénomène s’aggrave si, en plus, les marchés sont octroyés à des opérateurs étrangers. Le gouvernement de l’alternance préfère de loin l’expertise et les œuvres étrangères et la récente sortie de Bara Tall en est suffisamment révélatrice.

Un autre défaut de taille est que l’intérieur du pays est littéralement exclu de ces projets de construction. Les programmes d’investissements publics communément appelés programmes-indépendance, initiés par le président de la République et amorcés avec la région de Thiès en 2004, ont été étouffés sur fond de querelles politiciennes. Sérieusement poursuivis, ils pouvaient pourtant être l’adossement impeccable d’une remise à niveau appréciable des autres régions du pays en termes d’infrastructures.

Cependant, il faut réaliser que la campagne de construction d’infrastructures sera évidemment d’une grande utilité publique. Elle s’inscrit en prépondérance dans les stratégies d’attraction des investissements privés. Au Sénégal, les infrastructures routières sont prioritaires puisque le pays est stable, les ressources humaines sont présentes et il ne reste qu’à faciliter la circulation des personnes et des biens, à part les efforts importants qu’il reste à consentir pour la crédibilisation des institutions de la République. L’erreur commise par le gouvernement sur ce plan routier a été, tout de même, de consacrer plus de 500 milliards de francs Cfa à la seule ville de Dakar sans daigner réfectionner plusieurs autres routes défectueuses à l’intérieur du pays comme la route Louga - Linguère. Plusieurs des routes reliant les départements du pays sont en très mauvais état, laissant certaines villes du pays dans un état de quasi-enclavement et causant beaucoup d’accidents. Ces défaillances des voies de transport n’encouragent point l’investissement privé dans ces diverses zones. On peut comprendre alors l’absence d’industries d’exportations à l’intérieur du pays dès l’instant où l’absence de voies de transport adéquates et la difficulté d’accès à Dakar compliquent l’acheminement des produits vers l’étranger.

Il importe de signaler, quand même, que la réalisation d’un autre ouvrage portuaire d’une capacité similaire à celui de Dakar est certainement indispensable. Un tel projet peut être associé à celui de la nouvelle capitale.

Pour la ville de Dakar, le jeu des investissements en vaudra la chandelle si et seulement si les problèmes de la circulation auront été bien éradiqués. Dakar représente près de 5 millions d’habitants et abrite plus de 80 % de l’économie sénégalaise. Ce sera un exploit très honorable si l’on parvient à rendre fluide la circulation à l’intérieur de Dakar et surtout à en rendre l’accès facile à partir de l’intérieur du pays. Actuellement, pour quelqu’un qui vient de Louga en taxi sept places, il ne faut pas moins de cinq heures de temps pour rallier le centre-ville de Dakar. Rien que la portion de trajet Rufisque - Dakar peut valoir trois à cinq heures de route à cause des embouteillages. Or l’accès à Dakar influence quotidiennement l’activité économique du pays du fait notamment de la circulation des biens de consommation sortants comme entrants. Et pour un pays qui dépend à 80 % d’importations de nourriture passant essentiellement par le port de Dakar, en même temps que d’autres produits à destination du Mali et de la Gambie, on peut comprendre comment les bouchons sur la seule nationale 1 peuvent être préjudiciables au bon déroulement de l’activité commerciale dans le pays. C’est sous cet angle qu’il faut analyser la pertinence de l’autoroute à péage Dakar - Diamniadio qui sera d’une nécessité incompressible quand l’aéroport de Ndiass sera inauguré.

Par ailleurs, le seul fait de pouvoir quitter Pikine (ou plus loin) et rallier Dakar-ville en quelques minutes permettra de désengorger la capitale parce que certains travailleurs verront l’utilité d’aller se loger en banlieues (ou plus loin) où le loyer et la construction sont encore beaucoup moins chers. Il ne faut pas oublier aussi que la facilité de l’accès à Dakar va beaucoup encourager les investissements à l’intérieur du pays où, comme nous l’avons dit plus haut, l’inadéquation des voies de transport constitue un obstacle de taille aux investissements privés.

Cependant, comment justifier l’utilisation de 320 milliards de francs Cfa pour construire une seule autoroute avec une participation directe de l’Etat à hauteur de 78 milliards de francs Cfa dans ce contexte de crise économique généralisée où les produits financiers se font de plus en plus rares ? La Banque mondiale a participé à hauteur de 45 milliards de francs Cfa et Eiffage-Sénégal vient de signer avec l’Etat une prise en charge du reliquat qui s’élève à 58 milliards de francs Cfa au titre d’un contrat Bot (Build Operateand Transfer). Ainsi, le risque pesant que le projet soit bloqué à Pikine ou à Rufisque faute de financements complémentaires vient d’être dissipé.

Parallèlement, on peut considérer que l’Etat dispose maintenant des moyens nécessaires pour faire face à tout nouveau gap financier imprévu suite à la levée de plusieurs subventions sur les denrées alimentaires qu’il faut maintenant défalquer des charges de l’Etat et dont une partie peut être redéployée en faveur du fonds routier. La levée des subventions sur le riz et sur le gaz butane concerne respectivement environ 59 milliards de francs Cfa et 30 milliards de francs Cfa annuels. Dès lors, en supposant que la levée de la subvention sur le gaz butane va concerner uniquement 15 milliards de francs Cfa en 2009 puisqu’elle vient juste d’entrer en vigueur, l’Etat va disposer d’une décharge financière de 74 milliards de francs Cfa en 2009 et de 89 milliards de francs Cfa en 2010, soit au bout de ces deux années, une marge publique de 163 milliards de francs Cfa à remobiliser. Dès lors, on peut affirmer que les suppressions de subventions et la rallonge accordée par le Fmi portant son apport à 48 milliards de francs Cfa en 2009 sont largement suffisantes pour faire face aux baisses de recettes publiques évaluées cette année à 135 milliards de francs Cfa. Il n’est donc pas anormal de considérer que la solvabilité de l’Etat sénégalais est dorénavant réhabilitée.

Par ailleurs, on peut toujours espérer que la vente des 9,72 % d’actions de l’Etat à la Sonatel vont rapporter les 200 milliards de francs Cfa escomptés qui viendront alors renforcer les disponibilités financières supplémentaires nécessaires pour :

- achever le remboursement de la dette publique intérieure,

- assurer une implication publique vigoureuse dans la résolution du cas Air Sénégal,

- surmonter les effets feedback des dépassements budgétaires de 2008,

- arrêter les emprunts obligataires qui ont un effet d’éviction sur les initiatives privées,

- mieux faire face aux revendications syndicales pécuniaires,

- et parachever les projets d’infrastructure (autoroute à péage et aéroport de Ndiass).

 

Dr Elhadji Mounirou NDIAYE

Economiste Consultant ([email protected])



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