Trouver du poisson à bon prix à Dakar devient de plus en plus difficile. Interpellés, les pêcheurs de Soumbédioune étalent leurs problèmes avant de décrier la pêche à l’explosif.
16h sur le tunnel de Soumbédioune. En face de nous, le quai de débarquement des pêcheurs. Un vent glacial souffle sur cette partie de Dakar. Pirogues, caisses à poissons, étales, frigos endommagés font partie du décor de ce marché aux poissons. Le marchandage bat son plein entre vendeuses et acheteurs. L’air pollué par l’odeur des produits maritimes en décomposition ne dérange nullement les travailleurs de Soumbédioune où les ordures ont fini par occuper la plage. Dix minutes après, nous assistons à l’arrivée des pêcheurs qui étaient partis depuis l’aube. Les mareyeuses qui n’arrêtaient pas de scruter l’horizon se lèvent pour aller à leur rencontre. Quelques poissons jonchent le fond de la barque. Apparemment, la pêche n’a pas été bonne. Interpellé, un pêcheur déclare : « En période de froid, les ressources halieutiques se font rares ».
D’après Alioune Thiam alias Alain puisque c’est de lui qu’il s’agit « les pêcheurs sont obligés d'aller en profondeur pour se procurer cette denrée rare ». A Soumbédioune, des poissons comme le " bande, le youfouf ou Diaye" sont mieux vendus. " Le prix du carton varie entre 15 .000 et 17 .000 Fcfa " révèle Alain. Toujours selon notre interlocuteur, " le poisson est rare même en période de chaleur et les dépenses à faire sont là aussi. Nous sommes obligés d'aller en mer à six heures du matin pour revenir l'après-midi vers 16h ". Malgré la baisse du prix du carburant, les pêcheurs de Soumbédioune ne cessent de se plaindre. Ils imputent cette rareté des ressources halieutiques aux Accords de partenariat économique (Ape) entre les Etats africains et l’Union Européenne. En effet, aujourd’hui les côtes africaines sont surexploitées pour alimenter l’Europe en produits de mer. Les méthodes de pêche varient selon les origines des pêcheurs.
Alain et ses amis n'ont pas manqué de s’attaquer à leurs frères qui utilisent l'explosif au détriment de l’environnement. Ameth est un jeune pêcheur de son état. Il déplore les obstacles que franchissent les pêcheurs pour satisfaire la demande des Dakarois. Aïssatou Sall, la cinquantaine franchie, est une détaillante de Soumbédioune. A l’en croire « les prix de poisson varient en fonction du prix de vente des pêcheurs ». « Nous achetons le carton de « char-blan » ou de bande (variétés de poisson) à 20.000 ou 25.000 francs donc nous ne pouvons les vendre qu'à 1500 ou 2000 francs le kilo pour tirer un bénéfice » confie Mme Sall. Elle poursuit, « le char-blan est une espèce prisée par les Européens ». Malgré la crise économique qui secoue le Sénégal, Soumbédioune refuse toujours du monde. La demande dépasse même l’offre. Les mareyeuses pour se tirer d’affaire en cette période de crise financière se cotisent ou font des prêts pour entretenir leur petit commerce. Entre ces femmes et les commerçants, c’est la totale complicité. Elles prennent parfois le produit à crédit pour le solder après écoulement. Parfois, elles font face au niet des pêcheurs qui sont eux aussi des victimes de la crise économique.
Sokhna DIOM et Kadiatou SANOGO
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