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CONTRÔLE DES APPELS INTERNATIONAUX ENTRANTS - NDONGO DIAW, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ARTP : « Un gisement pour financer le développement socio-économique du Sénégal »

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CONTRÔLE DES APPELS INTERNATIONAUX ENTRANTS - NDONGO DIAW, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ARTP : « Un gisement pour financer le développement socio-économique du Sénégal »

Reconnue comme la 10 ème société de télécommunications à travers le monde, Global voice dont le siège se trouve à Miami (Usa) et le point focal africain à Cape Town (Afrique du sud), ambitionne d’être un partenaire technique fiable de l’Artp avec des solutions de pointe, clés en main, pour mieux superviser et contrôler en temps réel le trafic international entrant au Sénégal. Sur les 5 ans que va durer le contrat liant ce grand groupe à l’Artp, l’Etat sénégalais devrait engranger quelque 295 milliards de francs Cfa en termes de redevances.

NDONGO DIAW, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ARTP : « Un gisement pour financer le développement socio-économique du Sénégal »

Depuis l’arrivée de Global voice, la propagande a quelque peu réussi à dénaturer la situation, mais pas le problème. En réalité, il s’agit d’une nouvelle tarification des terminaisons d’appels ou du trafic international entrant consacré par un décret présidentiel. C’est le décret 2010-632 du 28 mai 2010 fixant la nouvelle tarification des appels internationaux entrant en République du Sénégal et donnant en même temps une directive et une mission à l’Artp pour l’application de cette mesure tout en luttant contre la fraude. Je précise que Global voice est un consultant qui est armé de deux choses : la technologie matérielle et la technologie immatérielle. C’est le savoir-faire qu’il doit faire savoir, pour reprendre les termes de Mademda Sock lorsque nous étions au Conseil économique et social. Global voice nous apporte son assistance dans cette dynamique. Mais, le projet est celui de l’Etat du Sénégal qui a simplement osé s’inscrire dans une dynamique pour dire non à un ordre international dans le domaine des télécommunications. L’enjeu c’est quoi ? Il y a plusieurs dimensions : technique,Juridique, économique, financière et pratique.

LA PROBLÉMATIQUE DES TERMINAISONS D’APPELS DANS LE MARCHE DEREGULE

Le problème, c’est que l’Etat ne bénéficie d’aucun franc dans le cadre des appels internationaux entrants au Sénégal. Pour expliquer d’abord ce qu’est une terminaison d’appel, prenons un exemple très simple : une entreprise étrangère qui appelle au Soleil qui est basé au Sénégal. Cet appel est transporté avant d’atteindre sa destination, c’est-à-dire qu’il passe par un transporteur (carrier). C’est pourquoi, dans le marché des télécoms, il y a ceux qu’on appelle les « transporteurs de flux téléphoniques » qui roulent à une vitesse extraordinaire et instantanée, supérieure à la vitesse du son. Le transporteur peut être France télécom ou Sfr. Ils sont nombreux, mais on peut les identifier. Ce dernier facture le passage. L’appel arrive au Sénégal, mais ne va pas directement chez le destinataire. Il passe d’abord par un réseau. Ce que l’Etat demande, c’est un « droit d’atterrissage », si je puis m’exprimer ainsi. Par exemple, il facture pour le mobile 0,14 euros la minute. Quant au transporteur, France télécom par exemple, il facture au départ de l’appel à l’étranger vers le Sénégal 0,56 euros et il paye à la Sonatel le droit l’atterrissage, soit 0,14 euros. Ce qui fait une marge de 300%. D’autres transportent vers le Sénégal en facturant au départ 1,5 euro et paient 0,14 euro sur le mobile. Ce qui fait une marge de 1100%. Maintenant, le marché des télécommunications est un marché qu’il faut connaitre pour voir là où il y a une dérégulation et cerner les opportunités. Or, aujourd’hui, il y a justement dérégulation. Car il y a des entreprises étrangères qui, sur la destination du Sénégal, gagnent entre 300 jusqu’à 1100 %. Il y a un problème. Beaucoup d’argent est en jeu. Il est donc normal que Sénégal aussi réfléchisse pour grignoter sur cette masse financière. Ce premier aspect interventionniste de l’Etat est un aspect économique. L’Etat a le droit d’intervenir, notamment les secteurs aussi stratégiques comme l’énergie et les télécommunications. Dans la science économique, c’est normal. L’Etat a le droit de dire, « je veux réguler ce marché des télécoms parce que la destination du Sénégal est prisée. Il y a beaucoup d’argent mobilisé. Je veux réguler à mon profit pour y gagner quelque chose ». Dans le cas d’espèce, ce que l’Etat a dit est simple : les tarifs sont actuellement de 0, 10 et 0,14 euro la minute, respectivement et 0,14 le fixe et sur le mobile. Je vais uniformiser, c’est-à-dire passer de 0,10 euro à 0,215 euro sur le fixe et de 0,14 à 0,215 euro sur le mobile aussi.

Ceci étant, il y a une différence de 7,5 points sur le trafic entrant au Sénégal. Le trafic moyen minimum venant de tous les pays du monde étant estimé au moins à 100 millions de minutes, si vous multipliez par 7,5 euros, cela fait presque 8 millions d’euros par mois, c’est-à-dire 5 milliards de FCfa par mois. Ce sont les ressources nouvelles que peut générer une régulation du marché des télécommunications à destination du Sénégal. Dans cette affaire, seuls l’Etat et le consultant vont en profiter. Le format de ce partenariat public-privé avec Global voice consiste à dire, on découvre ensemble le gisement de télécom, je prends 50%, vous prenez 50%. Vous n’investissez rien du tout. Global voice a un matériel qui coûte près de 7 millions de dollars qu’il met à la disposition de l’Etat pendant 5 ans pour capter ces fonds à travers les appels entrants. Au Sénégal, la discussion a été très dure. L’Etat a obtenu 51%, cédant à Global voice 49%. Au pire des cas, il n’y aura que la réduction de la marge des grands transporteurs par rapport aux appels entrants au Sénégal. Et l’ajustement tarifaire entrera en vigueur à partir du 1ère août.

LA DESTINATION SENEGAL ÉTAIT SOUS-FACTURÉE

Un autre aspect économique, c’est l’équilibre du marché. Le marché des télécommunications est un marché financier caché. Ce que l’Etat a fait est génial au sens où il a fixé un prix plancher à 0,215. Les opérateurs ne peuvent pas facturer moins de 0, 215 euros pour les terminaisons d’appels internationaux entrant au Sénégal. Il n’est pas plafond, c’est-à-dire que les opérateurs peuvent facturer plus de 0,215 et prendre la différence par rapport à la marge qu’ils avaient l’habitude de gagner. L’Etat du Sénégal n’est pas regardant. Ce que je dis là est important. Il y a huit mois, la Sonatel nous a adressé une lettre d’information pour dire, « je vais augmenter mes tarifs », alors l’opinion n’était pas même au courant. Depuis huit mois, la Sonatel, en plus des milliards qu’elle gagne, empoche aujourd’hui 4 millions d’euro supplémentaires par mois. J’ai convoqué le Directeur général Cheikh Tidiane Mbaye, en présence de mes collaborateurs pour lui dire « n’oubliez pas que vous avez augmenté vos tarifs ». Il a rétorqué, « j’ai le droit de le faire » et ajoute : « parce que la destination Sénégal est sous-facturée. Ce n’est pas cher, il faut qu’on s’ajuste par rapport au marché ». Alors pourquoi y a-t-il du bruit aujourd’hui ? Expresso a croisé les bras et a collaboré parce qu’il y a une opportunité à saisir dans ce projet. Ils ont même donné des disques magnétiques pour contrôler leurs trafics. Si la Sonatel fait des problèmes, nous considérons tout simplement que c’est parce qu’il y a des intérêts étrangers qui seront touchés. Parce que l’Etat va bouffer un peu sur leur marge substantielle pour financer son développement économique et social. A ce niveau aussi, les opérateurs peuvent minimiser le coût du transport. Il y a aussi un aspect important sur le plan financier. Les transporteurs, en réglant leurs factures mensuelles, ne font pas des virements à la Sonatel qui vont atterrir dans nos banques locales. Les virements restent en Europe, plus précisément au Crédit Lyonnais de Monaco. Avec cette nouvelle facturation qui entre en vigueur le 1ère août, la Sonatel sera facturée par l’Artp et elle sera obligée de puiser sur ce compte basé à Monaco pour rapatrier les fonds au Sénégal au profit des Sénégalais. Ces milliards du trafic pourront être investis par les banques pour faire des affaires supplémentaires et donc créer de nouveaux emplois. Bref, c’est la croissance économique qui gagne à tout point de vue. Les opérateurs ne seront pas lésés.

LA VOLUMÉTRIQUE POURRAIT OUVRIR LA VOIE À UN REDRESSEMENT FISCAL

De plus, le système mis en place luttera contre la fraude. Savez-vous qu’il y a des Sénégalais dont le travail consiste à utiliser des « Sim boxes » avec des cartes Sim multiples et qui font du trafic international facturé et masqué sous un appel local. Ces fraudeurs gagnent jusqu’à 100 millions Cfa par mois. Le Système permettra de les identifier et de les détruire. L’objectif, c’est de lutter efficacement contre toute forme de fraude. Une manière de créer du business. De sorte que dans cette affaire, même la Sonatel y gagne. Mais, il y a aussi un risque pour elle. Car, le matériel qui sera installé va mesurer le volume exact de trafic qui entre au Sénégal. C’est la volumétrique. Aujourd’hui, nous ne connaissons pas le trafic qui entre au Sénégal. La Sonatel nous dit simplement que c’est 85 millions de minutes, sur la base d’une simple déclaration, parce que l’Artp n’avait pas les moyens de vérifier. Désormais, il y aura un compteur. Si on constate que le chiffre est supérieur à 85 millions de minutes, le fisc peut intervenir pour un redressement fiscal. C’est la crainte de la Sonatel. Mais, ce qui intéresse l’Artp, c’est ce que l’Etat gagne dans cette réglementation. La preuve, Cheikh Tidiane Mbaye m’a dit un jour devant mes collaborateurs : « Ndongo, vous soupçonnez que nous trichons ». Je lui ai dit que non, que nous voulons de la transparence dans le secteur des télécommunications au Sénégal. C’est une recommandation de l’Uit qui veut que les Etats mesurent avec précision les trafics internationaux qui entrent chez eux, afin de régler les problèmes d’interconnexion.

LA SONATEL A DÉCIDÉ DE RESPECTER LE DÉCRET, MAIS AGITE LES SYNDICATS

Les consommateurs sont pris en compte. Car nous avons la possibilité de mesurer la qualité du service en appréciant aussi la facturation faite aux consommateurs. Et il y a un autre avantage que la Sonatel saisira. Tout le monde sait qu’un opérateur de ce pays trichait. Au sens où il n’a pas la licence pour faire des terminaisons d’appels. C’est-à-dire que pour la gestion des appels internationaux, il était obligé d’utiliser la passerelle de la Sonatel. Quelque part vers Saly, on a découvert un papillon en fer pour capter par voie satellitaire les appels internationaux et gagner des milliards illégalement au Sénégal. Personne n’a osé dénoncer ça avant nous. A partir du 1ère août, ces pratiques vont cesser.

Les syndicats de la Sonatel s’agitent depuis quelques temps. Mais, dans mon bureau, leur Dg, Cheikh Tidiane Mbaye, a dit qu’il va respecter le décret. Nous avons un devoir d’explication pour ces gens là et, au-delà, pour l’opinion. Nous sommes au courant que la Sonatel a déjà informé ses transporteurs sur les droits d’atterrissage sur sa passerelle à partir du 1er août Elle a facturé 0, 220 euro, plus que ce qui est fixé par l’Etat. C’est-à-dire qu’elle a augmenté pour grignoter davantage et gagner des milliards. On peut dès lors se poser la question de savoir à quel jeu joue la Sonatel ? Après avoir avisé le marché, elle veut l’annulation du décret. C’est un jeu machiavélique et dangereux. Si elle obtient l’annulation du décret alors que le marché est déjà informé, il est évident que pour au moins un mois, elle va prendre sa marge et celle de l’Etat (au minimum 10 milliards FCfa) avant de revenir à la tarification normale. Voila l’enjeu. La Sonatel se bat pour avoir le beurre, l’argent du beurre et la part de l’Etat. Aujourd’hui, il s’agit de dire toute la vérité aux Sénégalais dans cette affaire sans la contrainte du devoir de réserve. Ce qui est sûr, c’est que le marché des télécoms se porte bien. Et le Sénégal n’est pas pionnier en la matière. La même chose se passe en Guinée, au Ghana, en République Centrafricaine, au Togo, au Congo. Pour désinformer et créer la confusion, la Sonatel soutient que l’expérience se passe mal dans plusieurs pays, ce qui est faux. Je prends l’exemple de la Guinée. J’ai des statistiques qui révèlent que le meilleur payeur est Orange Guinée qui dépend de Sonatel. J’ai dit à Cheikh Tidiane Mbaye, « félicitations, car je ne savais pas que vous êtes un bon payeur ». Il m’a répondu : « oui, oui, on a respecté simplement la loi ». Il s’y ajoute que le chiffre d’affaires d’Orange a augmenté. Au Ghana, il y a une loi pour réglementer ce secteur avec l’intervention de Global voice. Lorsqu’il y a eu la résistance de Vodafone, l’équivalent de la Sonatel ici, son directeur a été déclaré persona non grata. En Centrafrique, l’Etat gagne 3 milliards par mois. Et pourtant, c’est avec un arrêté que l’autorité de régulation est en train d’appliquer cette mesure. Nous avons une richesse au Sénégal : c’est la parole. Le Sénégal fait plus en parlote que le Ghana qui fait 22 millions d’habitants. Vous ne verrez jamais Cheikh Tidiane Mbaye dénoncer publiquement l’arrivée de Global voice. Mais, il se sert des syndicalistes pour manipuler l’opinion. La vérité finit toujours par triompher. Global voice ne mérite pas cette diabolisation. Il est classé dixième société de télécommunication au niveau mondial. Ces gens ont du mérite. J’ai visité leur siège à Miami. On m’a montré un téléphone portable sans puce. Il y en avait 200 mille à l’époque. Cela fait huit mois maintenant. Ce sont des gens de la diaspora, des Haïtiens d’origine américaine comme nous qui ont mis en place cette technologie. C’est une fierté. Alors que le vice-président est un Sénégalais.


Propos recueillis par Maké DANGNOKHO ET SOULEYMANE DIAM SY (Avec la rédaction)



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