Alors que les infrastructures du Sénégal s’étendent et que les ambitions de développement s’affichent avec fierté, les moyens de financement suscitent de vives interrogations. Eurobonds, crédits bilatéraux, emprunts multilatéraux… Derrière les projets du Plan Sénégal Émergent se cache une mécanique financière complexe. En 2025, la dette publique du pays avoisine les 100 % du PIB, avec un service de la dette qui absorbe près d’un tiers des recettes budgétaires de l’État. À l’heure où les échéances s’accumulent, une question s’impose : dans quelle mesure ces flux d’endettement servent-ils réellement l’économie productive et le bien-être collectif ?
Le recours aux marchés financiers internationaux a été l’une des voies privilégiées par l’État. Le Sénégal a émis plusieurs euro-obligations ces dernières années, notamment en 2021 (775 millions d’euros) et en 2024 (750 millions de dollars à un taux de 7,75 %). Ces emprunts, bien que nécessaires au refinancement de dettes anciennes ou à la réalisation de projets d’envergure, entraînent une lourde charge d’intérêts : plus de 20 millions de dollars à payer dès 2025, avec une échéance d’un milliard prévue pour 2028. Parallèlement, le pays sollicite des financements multilatéraux auprès du FMI, de la Banque mondiale ou encore de la Banque africaine de développement, souvent assortis de conditions de réforme. Du côté bilatéral, la Chine, la France et l’Arabie saoudite se distinguent comme créanciers majeurs, finançant routes, hôpitaux, ports ou centrales électriques. Ces prêts, parfois concessionnels, sont toutefois moins transparents dans leurs clauses contractuelles.
Si les investissements réalisés sont visibles ; TER, port de Ndayane, extension d’aéroports, centrales solaires ; leur rentabilité économique à long terme reste à démontrer. D’autant que le poids croissant de la dette bride de plus en plus les marges budgétaires : les dépenses sociales, éducatives ou de santé doivent se contenter de ressources limitées. Face à cette situation, les autorités évoquent des pistes de rationalisation : meilleure mobilisation fiscale, réduction des subventions énergétiques, et appel à des partenariats public-privé plus ciblés. Mais sans un suivi rigoureux des projets financés et une transparence accrue sur les conditions d’emprunt, le risque est grand de voir l’endettement devenir une spirale difficile à maîtriser. Car in fine, c’est à la population que revient la facture.
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