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DOMAINE PUBLIC MARITIME : Le Pouvoir dilapide les terres à Dakar

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DOMAINE PUBLIC MARITIME : Le Pouvoir dilapide les terres à Dakar

Amadou Bâ, Directeur des Domaines, Taïbou Ndiaye Directeur de Cadastre et leurs complices cachés dans les arcanes du pouvoir libéral devraient s’expliquer sur la gestion du patrimoine foncier de Dakar. Voici la suite du rapport d’Aid Transparency International.

Des occupations illégales

Une des particularités du Dpm est d’être peu extensible. C’est pour cette raison qu’il doit faire l’objet d’une utilisation pointilleuse. Son aménagement doit tenir compte de deux impératifs apparemment contradictoires : d’une part, une exploitation permettant une rentabilisation optimale des recettes publiques11, et, d’autre part, une protection qui garantit efficacement sa conservation contre la nature et contre l’homme, tout en le mettant au service des objectifs généraux de l’aménagement du territoire. Ces deux impératifs sont régulièrement chahutés par les classes aisées au sujet d’un espace où prévalent des occupations sans titre et une impunité récurrente des délinquants.

Occupations sans titre

L’occupant sans titre est d’abord celui qui n’a jamais bénéficié d’un titre de ce genre. Est également occupant sans titre, celui dont l’occupation a donné lieu à un titre qui, pour une raison quelconque a expiré12.

Titres d’occupation inexistants

Dans cette catégorie on classe des titres qui ne correspondent pas à la nature des occupations effectivement constatées sur le terrain. Les différentes sortes de titres d’occupations privatives du domaine public sont énumérées à l’article 11 du Code du domaine de l’Etat (Cde) qui stipule : « Le domaine public peut faire l’objet de permissions de voirie, d’autorisations d’occuper, de concessions et d’autorisations d’exploitation…. ». A Dakar, sur la Corniche Ouest (Fenêtre Mermoz sur Mer), beaucoup de constructions à usage d’habitation ont été édifiées à hauteur de « Atepa Technologies ». Sur une superficie de plus de 10 000 mètres carrés, des maisons dont on peine à croire qu’elles peuvent appartenir à des ressortissants de pays sous développés, sont construites par des hommes politiques de l’ancien et du nouveau régime et de riches hommes d’affaires sénégalais. Dans la même zone, figurent de grandes surfaces abritant des industries de plaisance (terrain de golf édifié au profit de puissantes communautés étrangères ; centre de thalassothérapie ; club athlétique ; etc). Ces édifices sont construits avec emprise sur le sol. Or, pour qu’il en soit ainsi, le titre d’occupation doit consister soit en une autorisation d’occuper, en une concession ou en une autorisation d’exploitation. En effet, l’autorisation d’occuper peut entraîner une modification de l’assiette du domaine, mais comme elle est accordée à titre précaire et révocable (article 13 du Code du domaine de l’Etat), il s’ensuit que le bénéficiaire ne peut y implanter des édifices avec emprise sur le sol. Par conséquent, on est bien en présence de la forme d’occupation sans titre évoquée plus haut. Quant aux concessions et autorisations d’exploitation, l’article 16 du même texte énonce qu’elles sont réservées aux installations ayant un caractère d’intérêt général, ce qui n’est pas le cas pour les édifices concernés qui ont, au contraire, un caractère d’intérêt particulier. Ici encore, on est en présence de cas d’occupation sans titre de la première catégorie. En définitive, que les bénéficiaires excipent d’une autorisation d’occuper, d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation, ils restent toujours des occupants sans titre au vu de la nature des constructions qu’ils ont implantées.

Titres d’occupations caducs

La seconde forme d’occupation sans titre est constituée d’occupations sur la base de titres caducs. Il s’agit d’occupations prolongées au-delà du délai de jouissance autorisé.

Sur les côtes des communes urbaines, des occupants sont installés sur les plages pendant des temps anormalement longs. Il en est ainsi des lieux de loisirs tels que les « casinos », restaurants et autres « auberges » que des particuliers gèrent en y tirant des profits personnels.

Or, selon les articles 12 à 14 du Cde, l’occupation du domaine public, quelle que soit sa forme, est toujours précaire et révocable. Par conséquent, nul ne peut, en principe, être propriétaire du domaine public ou l’occuper pendant un délai excédant celui prescrit par le titre d’occupation. Le temps de jouissance de ces biens est donc limité. Pour le cas particulier des concessions et autorisations d’exploitation, l’article 16 précité précise qu’elles peuvent être accordées pour une durée déterminée ou non. De telles occupations ne peuvent se justifier que par le biais de baux emphytéotiques dont la durée peut dépasser 25 ans, et selon le cas, le temps nécessaire pour amortir le coût des biens nécessités par l’exploitation. Or de tels baux ne sont prévus que pour des dépendances du domaine privé et ne sont pas encore admis pour le domaine public. Certes, les biens du domaine public artificiel ainsi que la zone des pas géométriques peuvent subir une mutation entraînant leur incorporation au domaine privé. Il suffit pour cela qu’ils soient déclassés. Mais s’agissant de biens domaniaux leur vente ne peut avoir lieu que par autorisation législative. De telles autorisations n’existent pas encore et les occupations sont ainsi prolongées au mépris des textes, notamment de l’article 12 du CDE.

Cette situation est d’autant plus illégale que les autorisations d’occuper et les concessions ou autorisations d’exploitation du domaine public ne sont accordées que lorsqu’elles revêtent un caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt économique et social (art.18 du Cde). Au cas contraire, elles ne peuvent être octroyées à titre gratuit. Or, il est possible de constater que si pour les occupations telles que les concessions de plages privées et les restaurants, des redevances sont perçues, il n’en est pas de même pour les maisons à usage d’habitation (qui constituent l’exemple type d’occupation prolongée du domaine public maritime) et des clubs sportifs tels que ceux édifiés par des étrangers anglo-saxons sur la Corniche ouest, à hauteur de l’Ecole nationale d’économie appliquée. Enfin, ces installations offrent le plus souvent le spectacle de véritables ruptures d’urbanisme, car érigées sans tenir compte des documents d’urbanisme des zones occupées. En période de crise de l’habitat cette situation aurait dû inciter les pouvoirs publics à insérer dans les éventuelles clauses ou conditions d’autorisation d’occuper le domaine public maritime, l’obligation non seulement de protéger les biens contre les dégradations, mais aussi, de respecter les plans d’urbanisme existants. Dans les pays dotés d’un système de Gouvernance respectable, de telles conditions sont prévues et strictement contrôlées et leur violation sanctionnée.13. Une autre manifestation des occupations illégales se trouve dans l’usage abusif des titres par leurs titulaires.

Un usage abusif des titres consentis

Les droits que l’Etat consent aux titulaires de titre d’occupation privative sur le Dpm étant précaires et révocables, les édifices qui y sont installés doivent être légers et facilement démontables. Or, non seulement les installations qu’on y trouve sont loin d’être démontables, mais les bénéficiaires se méprennent sur la nature de leurs titres et s’adonnent parfois à des cessions de ceux-ci. Parfois encore, on découvre des bénéficiaires qui occupent des surfaces plus « étendues » que celles qui leur ont été consenties.

Edifices lourds et difficilement démontables dans des zones non aedificandi

L’article 12 du Cde stipule : « les permissions de voirie sont délivrées à titre personnel essentiellement précaire et révocable. Elles n’autorisent que des installations légères, démontables, ou mobiles n’emportant pas emprise importante du domaine public ou modification de son assiette ... ». Ainsi lorsque le titre n’octroie à son titulaire que le droit de réaliser des « installations légères », l’étendue du droit ainsi reconnu est précisément limité. Ces installations ne peuvent avoir d’emprise sur le sous-sol, sans constituer un abus répréhensible de droit. Or il est facile de constater sur nos côtes, des installations sur la bande des « pas géométriques », avec emprise. Il s’agit d’abord d’installations à usage d’habitation qui dans certaines zones constituent de véritables mitages. Il en est ainsi dans la Baie de Hann Yaraax, où les règles d’urbanisme sont ignorées. Aux abords de la Corniche Ouest et le long du littoral de Yoff et des Almadies, ce sont des projets immobiliers, initiés par des sociétés privées dont les préoccupations de rente immédiate sont en contradiction flagrante avec les exigences d’équilibre social et environnemental qui servent d’alibi pour construire des hôtels sur les plages ou dans des zones d’habitation offertes à la vente. A ce titre, on peut citer le récent complexe immobilier de « Water Front » ou les édifices anciens de l’hôtel « Océan », du « Casino du Cap Vert », du Restaurant du « Virage » et des installations à usage d’habitation de Yoff Waraar. Ces installations sont le fait d’hommes d’affaires proches de la classe politique dominante (ancienne et actuelle) et de lobbys libanais dont la particularité est de s’allier à toute majorité au pouvoir afin de préserver des intérêts acquis par des procédés obscurs. Quant aux concessions récemment accordées dans la zone des Almadies à des hommes politiques d’envergure, à des marabouts et à des hommes d’affaires Libanais (encore eux), leur pertinence se pose pour deux raisons essentielles. D’abord leur conformité à la destination du domaine public (à savoir la satisfaction de l’intérêt général) est manifestement sujette à caution, car elles procurent plutôt des profits à cette catégorie de citoyens à part dans des conditions compromettant l’usage que chacun est en droit de s’attendre sur cette partie du domaine. Ensuite, leur affectation à l’utilité publique est contestable, car le montant des recettes publiques que l’Etat en tire est dérisoire, voire ridicule (moins de 20 millions de francs Cfa dans le budget de 2007). Dans cette même catégorie de violations flagrantes du CDE, on classe également des villas construites par la famille d’anciennes autorités politiques au sommet de l’Etat telles que celles qui trônent majestueusement aux abords de l’Ambassade du Luxembourg ou encore de la « propriété » d’environ 6 000 mètres carrés à Yoff, propriété qui appartiendrait au Président de la République qui avait promis d’en faire don à l’Etat. Malgré nos investigations persistantes dans le Journal officiel de la République du Sénégal, nous n’avons eu aucune confirmation que ces terres ont été versées au domaine public. Il convient de noter qu’en dehors du statut légal de ce terrain, le Chef de l’Etat a violé les dispositions pertinentes relatives au Dpm en érigeant un mur de clôture qui rend difficile la circulation dans cette partie de la baie océane. En dehors du Chef de l’Etat, il y a le cas préoccupant d’un building massif de plusieurs étages planté à quelques mètres seulement de la mer au pied des Mamelles. Ce complexe architectural qui appartiendrait, selon des rumeurs persistantes, au Président du Sénat et Maire de Dakar, M. Pape Diop, comporte plusieurs bâtiments qui ont été loués à des organismes des Nations Unies. Ces deux cas particuliers de violation du Dpm sont préoccupants car ils impliqueraient, s’ils sont avérés, les deux plus hautes autorités de ce pays. La caractéristique commune à toutes ces occupations, est que bien que les autorisations stipulent clairement le caractère précaire et révocable des occupations, les projets présentés pour le bénéfice de titres d’exploitation privative contiennent l’édification d’installations durables sur les pas géométriques. Dans un passé récent, ces projets étaient le plus souvent relatifs à l’installation de tentes, chaises de plages dont certains prennent l’allure, le plus souvent, de véritables sites hôteliers avec emprise sur le sol. Il en était ainsi dans l’île de Ngor et dans le littoral de Yoff. De nos jours, ce sont véritablement des maisons qui sont construites. On peut également noter le cas du domaine privé en construction sur la plage de l’ile de Ngor. Les NGorois pointent du doigt le ministre de l’Economie et des finances, Abdoulaye Diop, et seraient sur le point d’intenter une action pour protester contre cette violation du Dpm et exiger de l’Etat qu’il arrête de spolier ainsi des espaces qui appartiennent à la collectivité nationale. De telles occupations nécessitent une procédure spéciale d’autorisation (article16 du Cde) qui est souvent occultée ou vidée de son sens. En effet, elles nécessitent l’intervention du service des domaines qui doit préciser le lotissement de la parcelle allouée, la superficie du domaine occupé, la durée de l’occupation, la nature des installations et des activités à y exercer, le nom du bénéficiaire et le montant de la redevance. L’autorisation, la plupart du temps, rappelle également certains principes de l’occupation, notamment sa précarité, son caractère personnel, l’obligation d’assumer les frais accessoires de timbre et d’enregistrement et celle de payer l’impôt foncier correspondant à la surface occupée. Enfin, selon le cas, elle peut préciser que telle autorisation ne dispense pas le bénéficiaire de formuler les demandes d’autorisation préalables et d’obtenir le permis de construire, ou que les constructions doivent présenter du point de vue esthétique, un aspect satisfaisant.

Il s’agit donc pratiquement d’un permis de stationnement (au lieu de permission de voirie comme le stipule l’article 12 du Cde) ayant un caractère essentiellement révocable et pouvant, en France, par exemple, être retiré par l’administration pour la sauvegarde d’autres intérêts de caractère général14. Le retrait de l’autorisation peut obliger le bénéficiaire évincé à enlever les installations qu’il avait précédemment édifiées15. Cependant si l’administration n’exige pas cette démolition, elle conserve ces installations qui deviennent une dépendance du domaine public16. Le permis de stationnement est, en outre, précaire en ce sens que le domaine public ne doit pas être grevé de droits dont l’exercice serait de nature à entraver l’administration dans ses pouvoirs de gestion et d’aménagement. A cet effet, il peut toujours être retiré par l’administration et le permissionnaire ne peut évoquer un droit à son maintien17. Au Sénégal bien que la procédure d’octroi de permis de stationnement existe et coexiste avec celle des permissions de voirie, leur application fait très souvent défaut. Ce qui explique en partie, l’absence de sanctions des violations du Cde qui reste en fait inappliqué. Mais ces violations ne sont pas les seules à expliquer les remises en cause du principe de l’inaliénabilité du domaine public maritime : il en subsiste d’autres qui sont relatives au caractère personnel des autorisations d’occuper et des permissions de voirie.

(Suite et fin du rapport d’Aid Transparency International)



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