ELEVAGE - Sécheresse dans le monde rural : La famine guette

Le retard pluviométrique perdure. Une sécheresse commence à s’installer dans le bassin arachidier et la zone sylvopastorale, menaçant les populations et le cheptel de famine.

La situation alimentaire est alarmante dans le bassin arachidier et la zone sylvopastorale. De Diourbel à Younéféré, village situé à 90 km de Linguère, en passant par Kaolack, Campement Latmingué, Mbadakhoune, Kahone, et Maka Kahone, le ciel tarde à ouvrir ses vannes. Le manque de pâturage a fini de plonger les éleveurs dans un désarroi profond. Aux abords des routes principales, des cadavres de chevaux, d’ânes, d’ovins ou de bovins jonchent le sol. Plusieurs animaux squelettiques divaguent à travers un paysage quasi-désertique.

“Si rien n’est fait d’ici quelques jours, tout le bétail risque de mourir. Car nous n’avons plus d’aliments pour le nourrir”, s’inquiète Mbar Sogui Fall, le secrétaire général de la maison des éleveurs  (Mde) de Diourbel qui, avec ses camarades, recevait lundi dernier, une délégation du Projet d’appui en élevage (Papel). Avant d’ajouter : “Les prix d’aliment de bétail notamment, la paille d’arachide, l’aliment industriel, ont connu une augmentation exponentielle”. A l’en croire, le sac de paille d’arachide qui coûtait 2 000 ou 2 500 francs Cfa est passé à 6 000 francs. Le prix d’un sac d’aliment de bétail “ripasse” avoisine aujourd’hui, les 8 000 francs Cfa.

A Ouadiour, commune situé à une trentaine de km de Diourbel, on retrouve une situation similaire. “J’avais réservé une importante quantité de fourrage. Mais, à cause du retard pluviométrique, tous mes stocks sont épuisés. Nous demandons au gouvernement de nous aider. On a beau attendre des vivres de soudure, jusqu’à présent on n’a rien vu”, se désole Matar Diba, membre de l”Association des agriculteurs et producteurs ovins (Agropov).

Dans la foulée, Mamadou Khady Niasse, ingénieur des travaux agricoles (Ita) à Kaolack, juge que dans une situation pareille, il serait très difficile pour les éleveurs de rentabiliser le secteur de l’élevage. Ainsi, il demande au gouvernement de subventionner l’aliment de bétail, afin de le rendre plus accessible. “L’élevage doit être subventionné au même titre que l’agriculture. Car, ce sont des secteurs qui vont de pair”, a-t-il déclaré.

A pareille époque, la magasin de la maison des éleveurs de Kaolack se remplissait de graines de coton ou de ripasse, à en croire le directeur technique de la Mde, Sokaro Diop. Mais, au passage de la délégation du Papel, les lieux étaient presque vides. Il n’y avait que trois sacs de graines de coton et quelques bidons de mélasse, liquide destiné à améliorer l’alimentation du bétail.

Le prix du coton a, également, connu une flambée. De 190 francs, le kg est passé à 225 Cfa.

Malgré les facilités d’accès à l’aliment de bétail mises sur pied par le Papel, notamment le Fonds de garantie de 50 millions de francs Cfa sécurisé à la Cncas, le développement de la pratique des réserves fourragères, la valorisation des fourrages grossiers, les éleveurs sont confrontés à d’énormes difficultés.

“Le Cncas m’a accordé un crédit pour prévenir les difficultés liées surtout à l’alimentation de mes bêtes. Malgré tout, je n’arrive plus à contenir le problème”, laisse entendre Fodé Fall, enseignant à la retraite reconverti en éleveur à Maka Kahone, village situé à 10 km de Kaolack.

M. Fall a mis en place une exploitation mixte intensifiée (Emi). Un type d’élevage visant à amener le producteur à intégrer les activités agricoles et pastorales en vue de mieux tirer profit de leur complémentarité.

Dans la zone sylvopastorale, les bêtes courent de nombreux km à la recherche de pâturage. Là également, c’est un calvaire. A Younéféré par exemple, il n’y a que des femmes et des vieux. Tous les hommes valides ont transhumé pour nourrir le bétail. “Le sac d’aliment industriel coûte 10 000 francs Cfa chez nous”, a dit Djiby Sow qui dénonce la politique du gouvernement.

“Nous avons des échos selon lesquels le gouvernement distribue des vivres de soudure. Mais, on n’a rien vu. Nous ne savons plus où aller. Nos bêtes meurent tous les jours. On dirait que nous ne faisons pas partie du Sénégal”, peste M. Sow.

Les populations de Younéféré s’attendaient à ce que le Papel prenne des mesures pour régler ce problème d’alimentation de bétail dans leur contrée. Mais, se désolent-elles, jusqu’ici rien n’a été fait. Ces éleveurs s’attendaient à ce que le Papel leur construise un magasin d’aliments.

Mais, le responsable de l’antenne du Papel, Kader Aka met l’accent sur la mauvaise gestion des unités construites dans le temps, et qui les a réfroidi. : “Aujourd’hui, si les unités pastorales s’organisent en conséquence, le Papel les appuiera”.

Cette pénurie d’aliments de bétail n’a pas manqué de faire des effets dans l’approvisionnement de viande dans les localités rurales. A l’instar de  Dakar, le prix de la viande a connu une flambée dans le monde rural. Le kg de viande grillée (dibi), qui coutait 3 000 francs Cfa est passé à 3 500 francs Cfa.

“L’augmentation du prix de la viande est due à la cherté du prix de l’aliment de bétail. Nous n’avons aucun intérêt à hausser les prix des animaux”, a indiqué Hamady Niass, du foirail de Kaolack.