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Economie

Intégration sociale: Quand les fourmis déplacent la montagne...

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Intégration sociale: Quand les fourmis déplacent la montagne...

Au Sénégal, une association nationale travaille sur le lien social entre les enfants. Pas de pitié, pas de charité, mais la conviction que l’enfant est capable de régler ses quotidiens et de préparer son avenir si on l’accompagne dans ses démarches. Au programme : causeries, épargne et activités commerciales. De Dakar, à Saint-Louis, Kaolack ou Ziguinchor en Casamance, le succès est extraordinaire et réunit déjà 6000 jeunes. Reportage réalisé par grands-reporters.com

Il a vingt ans, en paraît quinze à peine, flottant dans sa chemise blanche fatiguée, son pull rayé d’écolier. Un gosse. Voix douce, frêle, timide. Mais intelligent. Et parfaitement déterminé. Il est né à Saint-Louis au Sénégal dans cette belle endormie un brin décatie entre fleuve et océan, avec la mousse verte de ses quais, ses rues ocre et la poussière jaune du désert qui embue le ciel. Son père vite emporté par un AVC, la mère est restée seule avec ses cinq enfants les plus jeunes. Elle se lance dans le petit commerce, vend des parfums, des téléphones portables d’occasion, fait deux jours de bus jusqu’en Mauritanie pour en rapporter des vêtements qu’elle revend au détail, à crédit, aux voisins du quartier.
A peine de quoi nourrir la famille. Et les études d’Abdu­lazziz coûtent cher : 13 mille 500 F Cfa, (21 €) à trouver chaque année dès la rentrée, et les livres, le matériel scolaire, le transport. Le lycéen a une tutrice, une parente éloignée, technicienne du Wi Fi chez Orange. Elle l’habille, lui offre régulièrement un jean, un pull, des chaussures. Qu’il revend aussitôt à ses copains pour payer ses fournitures scolaires. «Quand la rentrée approche, je devais lui demander. J’avais honte.» Après le bac au Lycée Charles de Gaulle, l’inscription à l’université – 25 mille F Cfa d’un coup - apparaissait inaccessible. Et Abdoulazziz désespérait.
Il avait entendu parler d’un «groupe» mais ne savait pas ce qu’il faisait. Il a poussé la porte, timidement. On lui a expliqué : les causeries, l’épargne, les AGR, activités génératrices de revenus, l’entraide et la solidarité. Et surtout l’esprit. Pas de charité, pas de pitié. L’enfant est capable de régler ses problèmes, il suffit de l’accompagner dans sa démarche. Une semaine plus tard, il est revenu, serrant dans sa poche les 500 F Cfa (O, 75 Euro) obligatoires de l’adhésion.
Dans le groupe, il a appris à mieux investir, mieux et beaucoup parler d’épargne et de calendrier. Il a ouvert un livret, s’est fixé un objectif de 1200 F Cfa par mois et a déjà réussi à épargner le double. En cas de coup dur, il pourra demander un prêt à la collectivité et voit s’éloigner le cauchemar de l’abandon des études : «j’ai vu des amis qui ont quitté l’école pour aller travailler». Sa vie est tracée, le lycée dans la journée, ses ventes, les causeries, les cours de rattrapage entre 19H et 21H30 et, entre les deux, les leçons de mathématiques qu’ils donnent désormais gratuitement aux autres gosses de troisième en difficulté.
Le soir, Abdoulazziz rêve d’histoire et de philosophie. Il s’éclaire quand il évoque ses auteurs préférés, Hugo pour les lettres, Platon et Nietzche pour la philo. Nietzche ? «Il a dit «Dieu est mort»...mais il est vivant dans le cœur des hommes.» Abdoulazziz reste un bon musulman, fait «presque» ses cinq prières par jour, jeûne au ramadan mais ne parle jamais de Nietzche à l’imam de la mosquée ! «Comme tout bon salafiste, il est un peu borné... » Il rit, la main devant la bouche, en évoquant les caricatures de Charlie-Hebdo : «L’imam ne rit pas. Pour lui, tout est sacré !»
Dans les causeries, au-delà d’une méthode d’épargne, Ab­doulazziz, a découvert les jeunes de son quartier qu’ils con­nais­saient mal, parle de ses problèmes personnels, fraternise, échan­ge, s’organise : «Je regrette d’avoir connu le groupe si tard. Peut-être aurais-je pu payer moi-même mes études. Sans rien demander à ma mère.»

Ndèye, le Sida et les poussins.
Ndèye n’est jamais allée à l’école publique. Son père est chauffeur de taxi en brousse et elle ne connaît pas l’âge de ses parents. Sa mère s’occupe des huit enfants, le dernier né en décembre dernier. A huit ans, Ndèye était déjà l’aînée. Un petit bout de fille qui étouffait à l’école coranique de son quartier de banlieue de Saint-Louis où le maître lui parlait déjà des vertus du «Lahdari», le mariage musulman.
Mais la gamine, elle, rêvait en voyant les enfants d’un «groupe» faire des jolies broderies et apprendre l’art du Batik. Et puis elle tendait l’oreille quand elle entendait parler de «causeries» où des superviseurs racontaient ce qu’ils avaient appris dans les réunions à Dakar. Et puis elle aurait bien voulu apprendre le français, plutôt que l’arabe du Coran. Et puis...un jour, ce petit bout de femme de huit ans a poussé la porte du centre de Saint-Louis. Deux superviseurs et un animateur l’ont écoutée. Et adoptée.
Ses parents n’ont pas dit non. Et Ndèye n’a plus manqué les causeries où on parle librement du Sida, de la nouvelle maladie d’Ébola, des viols et violences aux enfants, des dangers de l’excision, du mariage forcé ou précoce. Elle a suivi des cours de français, le comprend bien, commence à le parler et apprend la teinture et la broderie. A dix ans, elle possédait un livret d’épargne au groupe et, grâce aux conseils des «aînés», elle s’est lancée dans le commerce... des poussins.
L’affaire est sérieuse et Ndèye l’explique avec application en comptant sur ses doigts. «Deux poussins valent 1000 F Cfa, donc 500 chacun ». Elle les élève dans la cour de sa maison, les nourrit pendant trois mois, - 100 F Cfa d’aliments - et revend les poulets, par deux, «6000 F Cfa, donc 3000 F Cfa pièce». Aujourd’hui, Ndèye possède 10 poussins et 6 poulets prêts à être croqués. Une partie des bénéfices sert à ses besoins, une autre est bien utile pour aider sa mère, une troisième s’en va garnir son carnet d’épargne. La gamine montre le résultat de ses économies : 55 mille F Cfa, (76 €), qu’elle n’a jamais retirés.
Et quand il a fallu financer son nouveau grand projet, le superviseur lui a conseillé de demander un microcrédit à la banque. Là, elle doit compter sur les doigts de ses deux mains. Un prêt de 50 mille F Cfa, l’achat de dix poussins d’un coup, des habits et des produits pour le corps à revendre. Gros investissement, gros pari.
La banque a dit oui. Ndèye commerce et a commencé à rembourser chaque mois. Aujour­d’hui, elle a six années de présence dans le groupe, ne rate jamais une causerie et a fixé ses objectifs pour ses vingt ans : arriver à cinquante poussins, voire plus, vendre des vêtements teintés, de la broderie et augmenter encore son capital. Soudain, elle cesse de compter sur ses doigts, se lève et se poste à la fenêtre comme pour mieux contempler sa rue, vide et désolée, dans cette banlieue de Saint-Louis : «Moi, j’aimerais bien ouvrir une jolie boutique, ici...».

Rama, la «petite bonne» qui rêve d’une vie parfumée
Tout s’est joué un soir en rentrant de l’école. Rama avait onze ans et elle a posé son cartable bourré de livres de CM2. Son père, un mécanicien, dont elle ne connaît pas l’âge n’était toujours pas rentré. Il restait souvent très tard à l’atelier et Rama le voyait peu. Sa mère faisait et refaisait les comptes de la maison en lâchant de gros soupirs. Les sept gosses de la famille lui réclamaient un fruit ou une sucrerie. Rama a contemplé la misère et a annoncé à sa mère qu’elle allait abandonner l’école pour gagner de l’argent. Ses parents n’étaient pas d’accord mais l’enfant était décidée. Un mois plus tard, Rama déposait fièrement 15 mille F Cfa - 23 euros - sur la toile cirée de la table devant sa mère qui pleurait en l’embrassant.
Rama avait trouvé un emploi de «petite bonne», du nom que l’on donne aux gamines qui travaillent chez les particuliers. Beaucoup, venues de la campagne, dorment sur leur lieu de travail, certaines sont maltraitées voire violentées par les hommes de la maison. Rama a eu de la chance. La dame qui l’emploie, une célibataire, a toujours été «gentille» avec elle. La patronne loue des appartements sur la corniche de Saint Louis.
Ménage, lavage, vaisselle... Rama travaille de dix heures à seize heures chaque jour, sauf le lundi, samedi et dimanche compris. Aujourd’hui, a dix sept ans, Rama travaille chez elle depuis six ans et son salaire vient d’être augment de 5000 F Cfa, 7,5 euros. La vie avait changé. Enfin, Rama ne se sentait plus coupable. Elle gagnait bien sa vie, aidait ses parents et offrait des sucreries à ses petits frères. Mais elle avait perdu sa légèreté d’enfant et découvert une tristesse inconnue quand elle croisait ses anciennes camarades de classe.
Un jour, une voisine a parlé à sa mère d’un centre de formation sociale privé dépendant du Majt (Mouvement africain des jeunes travailleurs), une organisation qui «défendait les droits des enfants». Pour une petite participation, on y apprenait la couture, la teinture, le perlage, et les superviseurs donnaient même des cours d’alphabétisation en français. En poussant la porte, Rama a découvert les groupes de discussion où on débattait avec passion des «douze droits de l’enfant».
Chaque jour, en quittant sa patronne et son balai, Rama court rejoindre les «causeries» pour discuter de la prophylaxie du paludisme, du sida, d’Ébola et de la meilleure façon d’accroître ses revenus, sans rupture, en gardant son droit d’enfant à rêver de l’avenir. Rama la fourmi s’est mise à épargner, - d’abord 200 F Cfa puis 1000 F Cfa par mois - jusqu’à garnir son livret d’épargne de 27 mille 900 F Cfa. Parfois, elle demande à retirer une petite somme pour acheter des vêtements ou des parfums à revendre.
A chaque fois, le groupe se réunit et discute avec elle de l’opportunité de son retrait, de la dépense ou de l’investissement. Récemment, Rama a décidé de se lancer dans une opération ambitieuse, l’achat d’une belle quantité de ce poisson frais que les pêcheurs de Saint Louis vendent sur les quais. Par chance, un oncle possède un congélateur. Il suffit de bien acheter, de congeler, de revendre aux voisins, au détail, voire à crédit. Bénéfice escompté : 25 mille F Cfa.
La demande de prêt a été déposée devant tout le groupe réuni. Les superviseurs et les «ainés» ont examiné le dossier. Et le verdict vient de tomber. C’est oui. Reste maintenant le temps de débloquer la somme, un peu long, vu la liste des demandes à satisfaire au sein du groupe. Rama a bondi en apprenant la nouvelle mais son but ultime n’est pas de vivre dans l’odeur du poisson mais des parfums. L’investissement réalisé et le bénéfice empoché, Rama s’est donné trois ans pour amasser le capital nécessaire à l’achat d’abord d’un mini-atelier de couture qui lui permettrait d’ouvrir enfin la boutique de ses rêves, celle où elle vendrait des produits cosmétiques et les parfums les plus fins.
Voilà, Rama rêve d’une vie parfumée. Et il lui suffit d’en parler pour que ses yeux perdent leur habituelle tristesse. On regarde cette adolescente en jeans de dix sept ans à peine, jolie, son papillon de strass bleu piqué dans ses cheveux, un piercing à la lèvre supérieure, les deux grands anneaux ronds comme boucles d’oreilles et le portable clouté d’or en toc qu’elle serre contre elle comme un doudou.
Seule, sans aide, la «petite bonne» aurait du devenir une vieille femme usée par les travaux domestiques de toute une vie. Mal entourée, dans une grande ville, elle aurait pu finir en poupée trop maquillée dans un bar glauque livrée aux hommes mûrs. Mais petite fourmi serrée contre les autres, elle se sent prête à déplacer la montagne de la misère. Un groupe chaleureux, quelques conseils, un prêt, et la voilà rendue à son âge, jeune fille qui rêve d’un avenir parfumé.

Modou, l’enfant talibé, religieux et mendiant.
Modou avec sa tablette d’écriture de l’école coranique.
Sa planche d’écriture est plus grande que lui. Neuf ans, le crâne rasé, un tee-shirt jaune et des chaussettes propres, Modou pince les lèvres en élève appliqué en calligraphiant le texte sacré du coran, une encre de suie qu’il applique au pinceau sur sa planche de bois avant, l’exercice terminé, de tout effacer à grande eau. Un an qu’il est pensionnaire dans cette école coranique de Ziguinchor, une «Daara», en­voyée ici par son père, cultivateur d’arachides et lui-même maître coranique, pour parfaire son éducation religieuse sous l’auspice du savant Serigne Babacar Sy.
Les élèves talibés dorment à quarante à même le sol de la salle d’études, à quelques mètres à peine de la mosquée où ils font leurs cinq prières quotidiennes. Le programme est strict. Lever à quatre heures du matin, prière et étude avant le petit déjeuner, la kinkiliva, mélange de farine bouillie et de sucre. Puis ils partent par groupes de quatre demander l’aumône dans les rues du quartier. Les gens leur donnent du riz ou des pièces de 25 FCfa qu’ils serrent dans leurs poches pour les rapporter au maître. Déjeuner à midi, riz et mafé de poisson à l’arachide.
Retour à l’étude du coran jusqu’à 17H et prière de l’Asar. Mendicité, pause, séance de foot, dîner, dernière prière et coucher vers 22H. La vie d’un enfant talibé est immuable et toute consacrée à l’apprentissage du coran et à la «Zakat», l’aumône pour la Daara. «Ici, c’est bien, les études ne sont pas difficiles», dit Modou qui aime bien son école, ses camarades, son maître. Même si ses parents lui manquent et que le rythme quotidien est éprouvant : «Parfois, j’ai sommeil et mal à la tête...et mendier deux fois par jour, c’est embêtant.»
Un jour, en tournant dans le quartier sa sébile à la main, Modou s’est arrêté net devant un groupe de l’association en pleine causerie. Fasciné, il les a écoutés parler d’épargne, de protection des enfants vulnérables, de violences et de droits. Du haut de ses neuf ans, Modou s’est approché du superviseur, lui-même un ancien talibé. Le jour suivant, l’animateur est allé discuter avec le maître de l’école coranique, très ouvert, qui a accepté la création d’un groupe de parole au sein même de la Daara.
Depuis, une fois par semaine, les quarante enfants talibés se réunissent dans la cour devant la mosquée, parlent d’épargne, de société ou déchiffrent un tableau noir avec un alphabet en français, lors des cours de rattrapage donné par les jeunes de l’association du quartier. Sous l’œil bienveillant du maître coranique qui explique volontiers qu’il a «toute confiance dans l’association, que le coran tout seul ne suffit pas et qu’il est bon que ses élèves soient sensibilisés aux problèmes de la société d’aujourd’hui».
Tout ceci n’a en rien entamé la foi du petit Modou qui voudrait bien devenir plus tard maître d’une école coranique, comme son père. En pratiquant deux rituels supplémentaires, l’Acti­vité Génératrice de Revenus et la religion de l’Épargne. Comme le veut l’esprit de son nouveau groupe.

Souleymane, petit talibé deviendra grand.
Souleymane est un phénomène. Vingt ans, grand, musclé, un corps d’athlète, un sourire d’enfant, une énergie contagieuse. Le sort aurait voulu qu’il terminât courbé dans les champs d’arachide et de légumes que cultive sa mère. Douze enfants à la maison, de trois à vingt ans. Un père maître d’une école coranique, - la Daara Baldé -, qui ne plaisante pas avec l’éducation religieuse. Et une enfance submergée par le labeur et l’étude.
Lever à l’aube, prière et lecture du coran, départ pour l’école publique, retour en fin d’après-midi, relecture du coran, cavalcade dans la forêt pour aller «chercher les bâtons», ramasser le bois de chauffage, qui permet aussi l’éclairage : «A la maison, on n’a pas l’électricité.»
Aujourd’hui, le petit talibé devenu jeune adulte parle et écrit l’arabe, connaît par cœur plusieurs chapitres du livre sacré et approfondit sa connaissance de la Charia, la loi de Dieu. Cela ne l’empêche pas de s’accrocher à son lycée en terminale S2 où il prépare son bac. Le week-end, ses prières et devoirs faits, il se retrouve aux champs avec sa mère à creuser des puits pour mieux irriguer les cultures : «Chez nous en Casamance, on manque souvent d’eau.» Et comme il lui restait quelques heures de libre en semaine, il pratique assidument un art martial vietnamien dans une salle de sports de Ziguinchor.
Seydou, le superviseur d’un groupe de l’association se rappelle ce gamin talibé qui lorgnait les séances d’alphabétisation. Un premier contact timide, une discussion avec le père à l’école coranique et quelques semaines plus tard, c’est toute la Daara qui ânonnait devant un tableau noir.
Surprise : au dernier rang des élèves se tenait le père de Souleymane, maître de l’école coranique qui, à 55 ans, avait décidé d’apprendre lui-aussi le français ! «Aujourd’hui, il a 67 ans et le comprend très bien», dit Souleymane, fier de son père. «Il disait : «Le prophète(PSL) a dit qu’aucun savoir n’est mauvais. Il faut chercher la connaissance, même en Chine !»
Le «vieux» a toujours été un homme énergique, dur à la tâche et intraitable pour l’éducation de ses enfants. Quitte à manier le bâton. Et Souleymane garde un souvenir cuisant de quelques sévères corrections. Dès l’âge de huit ans, sous l’aile de Seydou le superviseur, le gamin participe aux activités des 47 membres du groupe de son quartier de Kandilang à Ziguinchor. Et il est particulièrement attentif aux causeries sur les violences contre les enfants : «j’ai analysé ma vie, mon éducation et compris qu’on devait donner aux enfants la possibilité de s’exprimer. Avec le moins de bâton possible !»
Les meilleurs élèves en alphabétisation de la Daara sont poussés vers l’école publique. Dans un premier temps, Souleymane exprimera la violence paternelle dans la cour de l’école en se battant comme un chiffonnier avec tous les autres gosses. Puis les causeries, la parole, les conseils du superviseur et la pratique d’un art martial feront tout rentrer dans l’ordre.
Souleymane s’est senti devenir aussi un homme quand il a pu être débarrassé du fardeau de la mendicité pour l’école coranique : «J’avais honte d’affronter les autres en tendant la main. Moi, je gagnerais assez d’argent. Je ne veux pas que mes gosses soient obligés de mendier.» Quant à la charia, elle reste la loi de Dieu, intangible.
Quand on lui demande s’il est partisan du voile et des sanctions - lapidation, amputation, flagellation - prévues dans le texte sacré, il commence par confirmer : «le voile, oui, bien sûr !» mais il ajoute «pour celles qui le souhaitent». Quant aux punitions... «c’est bien prévu dans la charia». Puis avec un grand sourire : «mais si on peut trouver une autre solution, c’est beaucoup mieux !»
Le rêve de Souleymane est ailleurs. Lui qui adore la géographie, la physique et les mathématiques a décidé de devenir météorologue. L’école est à Niamey au Niger et il lui faut réunir son épargne et réussir un concours pour obtenir une bourse de l’Etat. L’âge limite est de vingt-cinq ans, Souleymane en a vingt et il se fait fort de réussir l’examen. En attendant, actif au sein du groupe, il a décidé de lancer une activité théâtrale pour sensibiliser les autorités, les familles et la société à la maltraitance des enfants : «Notre théâtre ne sera pas esthétique mais social, engagé, pour faire passer le message.» Lycée, charia, école de météo, champs, art martial, théâtre... Souleymane éclate d’un joli rire : «Tu sais, ma vie, c’est trop occupé !»

Par Jean François MARI



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