Invité des 3es Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, tenues du 3 au 5 juillet, l’économiste Kako Nubukpo, ancien ministre togolais de la prospective, revient sur l’urgence de revoir l’arrimage à l’euro du franc CFA (Communauté financière africaine), la monnaie des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. Seize pays dont la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, le Togo et le Gabon utilisent cette monnaie créée en 1945. Le franc CFA a une parité fixe avec l’euro et les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français. Selon un rapport de la zone franc, la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale) et la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), les deux banques centrales de la zone franc, disposaient en 2005 de plus de 3 600 milliards de francs CFA (environ 72 milliards d’euros) auprès du Trésor français. Pour Kako Nubukpo, rien n’empêche les pays concernés d’en faire usage pour accompagner leur croissance.
Le franc CFA est-il un frein au développement des pays africains qui l’utilisent ?
La monnaie doit être au service de la croissance et du développement. Pour cela, il faut des crédits. Or le ratio crédit à l’économie sur PIB dans les pays de la zone franc est de 23 % quand il est de plus de 100 % dans la zone euro. [Si bien qu’il] est quasiment impossible pour nos pays de rattraper les économies émergentes si le franc CFA reste arrimé à l’euro. Ne faut-il pas envisager des régimes de change alternatifs un peu plus flexibles pour financer l’émergence ?
Si cet arrimage était une garantie de stabilité monétaire dans la zone franc et qu’en contrepartie, ces pays avaient des taux de croissance relativement faibles, on pourrait considérer que l’arbitrage fait à la création du franc CFA en 1945, confirmé à la création de l’euro en 1999, a son sens. Mais on voit bien avec le cas de la Grèce qu’une économie faible qui a une monnaie forte engendre des ajustements très difficiles à soutenir. Comment pouvons-nous avoir un discours crédible sur l’émergence si nous ne touchons pas aux outils dont nous disposons ? Il faut revoir l’arrimage fixe du franc CFA à l’euro, si nous voulons développer nos économies.
Quelle est votre solution, sortir de la zone franc ?
Nous pouvons au moins procéder par étapes. Il faut remettre sur la table les objectifs des deux banques centrales d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ainsi que leur capacité à financer la croissance économique et évaluer la qualité de leur gestion monétaire. Qu’est-ce qui empêche d’ouvrir ce débat ? La seconde étape consisterait à modifier le régime de change pour aller vers un régime plus flexible avec, par exemple, un arrimage du CFA à un panier de devises. Cela va supposer de revoir le dispositif institutionnel. Aujourd’hui, le franc CFA via son rattachement à l’euro est beaucoup plus déterminé par les événements au sein de la zone euro que par la conjoncture au sein de la zone franc. C’est une hérésie !
Mais les 16 pays de la zone franc ont-ils la capacité d’avoir une monnaie unique autre que le CFA ?
« Le franc CFA via son rattachement à l’euro est beaucoup plus déterminé par les événements au sein de la zone euro que par la conjoncture au sein de la zone franc. »
Il n’est même pas nécessaire d’aller jusque-là. Ce qu’il faut, c’est que les dirigeants africains fassent preuve de responsabilité et ouvrent le débat sur la gestion monétaire. C’est un exercice démocratique auquel nous devons tous participer. Les gouverneurs de nos banques centrales doivent expliquer les fondements de leur politique monétaire, comme le font tous les gouverneurs de banques centrales. Je n’ai jamais entendu le gouverneur de la BCEAO ou de la BEAC s’exprimer devant un parlement quelconque. Dans l’absolu, ce n’est pas impossible d’avoir une monnaie qui nous soit propre, puisqu’il s’agit d’un élément de la souveraineté nationale. Les autres pays africains ont leur propre monnaie, cela ne pose aucun problème.
Pourquoi ce débat sur le franc CFA et sa parité fixe à l’euro est tabou ?
« On ne peut pas en même temps revendiquer notre indépendance et attendre que ce soit l’ancien colonisateur qui nous donne l’autorisation d’agir. »
Les termes du débat sont parfois mal posés. Certains en parlent en termes de panafricanisme ou de revendication identitaire. C’est une approche contre-productive. Nous devons d’abord définir le modèle de société que nous voulons construire. Cela permettrait de dépassionner le sujet. A quoi cela rime-t-il de bomber le torse en prétendant avoir une nouvelle monnaie que nous serons incapables de gérer ? Tout n’est pas mauvais dans la situation actuelle : la centralisation des réserves de change, par exemple, est une forme de solidarité entre les Etats qu’il est important de préserver.
La question de la souveraineté qui sous-tend ce débat est plus que légitime. Car, il est inconcevable que 55 ans après les indépendances, les pays de la zone franc continuent d’avoir une monnaie physiquement fabriquée en France, d’avoir leurs réserves de change déposées auprès du Trésor public français. Mais il ne faut pas penser que la monnaie est l’alpha et l’oméga du processus de développement et de croissance de l’Afrique. Il y a des questions liées à la gouvernance et à la démocratie, à la productivité et à la compétitivité que nos pays doivent résoudre.
La France a-t-elle intérêt à faciliter l’ouverture de ce débat ?
Mais la France a officiellement ouvert le débat, si l’on s’en tient aux déclarations de François Hollande, en octobre 2012, à Dakar, où il encourageait les gouverneurs de nos banques centrales à utiliser de façon plus active les réserves de change dont les Etats de la zone franc disposent auprès du Trésor public français. Peut-on demander plus ? On ne peut pas en même temps revendiquer notre indépendance et attendre que ce soit l’ancien colonisateur qui nous donne l’autorisation d’agir. C’est à nous de demander à utiliser de ce qui nous revient. C’est seulement s’il y a blocage que nous pourrions faire un procès d’intention à la France.
Pourquoi, selon vous, les pays de la zone franc n’utilisent pas les quelque 3 600 milliards de francs CFA (rapport de 2005) dont ils disposent auprès du Trésor public à Paris ?
C’est ce que j’appelle la servitude volontaire. Personne n’interdit à nos pays d’utiliser le volet excédentaire des réserves de change pour financer la croissance. L’accord signé avec la France en 1945, dans le cadre du fonctionnement du compte d’opérations avec le Trésor, était qu’elle couvre l’émission monétaire des pays de la zone franc à hauteur de 20 %. Aujourd’hui, nous la couvrons quasiment à 100 %. Cela veut dire que nous n’avons plus besoin de l’« assureur » qu’est la France pour avoir la fixité entre le CFA et l’euro. Les dirigeants africains doivent prendre leurs responsabilités. C’est à nous d’assumer notre destin, ce n’est pas à la France de le faire pour nous.
35 Commentaires
Anonyme
En Juillet, 2015 (20:07 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (20:18 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (20:27 PM)Xeme
En Juillet, 2015 (20:30 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (20:35 PM)CHEIKH ANTA DIOP.
Voilà notre sort.
Voilà la raison pour laquelle nous refusons l'indépendance et la LIBERTÉ.
Anonyme
En Juillet, 2015 (20:43 PM)vivement que cela ne soit pas seulement un sujet comme les autres, condamne aux oubliettes dans une semaine., com d hab.
Atypico
En Juillet, 2015 (20:52 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (20:53 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (21:00 PM)Fallaye
En Juillet, 2015 (21:20 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (21:30 PM)apres tout ils ne veulent pas vraiment nous voir, nous , si nous avions la possibilite de vivre dignement chez nous,ils ne nous verraient pas.
nous avons de ce fait un but commun. la diaspora doit contourner nos presidents,pour faire comprendre au front national de tous les pays d europe que s ils cessent d interferer dans nos affaires, s ils arretent de nous racketter, si nous avons la possibilite de faire nos propres choix , nous ne nous verrions quasi plus .
et tout le monde sera content, personne ne menacera plus la culture de l autre, si l autre voyait en l autre une menace pour sa culture, ben le probleme serait regle.
Anonyme
En Juillet, 2015 (21:34 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (21:49 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (22:21 PM)Ou sont les milliards qu'ils nous ont sathe ? En Europe bien sur .Et c'est pour cela qu'ils ne vont jamais aborder ce sujet .
Wa Italy
En Juillet, 2015 (22:50 PM)Tant les piliers seront debout : la presence del armee francaiNous ne sommes libres qu en apparence a l interieure de la cage qu on nous a mis.
Tant que les piliers seront debouts: la presence de l armee francaise , le franc cfa , et le choix des presidents (ouattara, paul biya....).la souverainete des pays d afrique ne sera qu un leurre , et la françafrique , la realite
Les mouvements ( y en a mariste) il est temps de reclamer notre independance a cette france qui detient 85 % de l economie de notre pays(sonatel, autoroute, bollore ....).
Il est temps qu ont manifeste devant les les ambassades francais pour denoncer leur politique monnetaire , financier et militaire qu elle mene en afrique.on doit pas attendre nos dirigents c est la population civile qui entamer cette lutte.
Sauvons l afrique et sauvons nous.
Dsk
En Juillet, 2015 (23:20 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (23:28 PM)Tierno Fal
En Juillet, 2015 (23:31 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (23:39 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (23:47 PM)Lucidité
En Juillet, 2015 (23:59 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (01:36 AM)n essayer pas de nous decourager. on veut sortir du franc cfa.
White Powder
En Juillet, 2015 (03:01 AM)Le franc CFA en fonctionnant comme un pot commun de devises, la zone permet un équilibre global des réserves monétaires. Cependant, si ce sont toujours les mêmes pays qui sont créditeurs, la tentation peut s'avérer forte, pour ces pays, de quitter le système. Devenus crédibles par leur appartenance à la zone franc, certains pays comme le Gabon et le Cameroun ont su amorcer une diversification de leurs échanges et fortifier leur économie, ce qui a incité la France à s'interroger sur l'opportunité de continuer à délivrer sa garantie monétaire, mais en fait, le même problème se pose pour l'euro.
Les planches à billets étant sous contrôle de la Banque de France, aucun pays n'est en mesure de créer de la monnaie selon ses besoins, ce qui peut ralentir l'économie ou au contraire favoriser une inflation relativement basse, à comparer avec les taux nettement supérieurs de leurs proches voisins.
La maîtrise de la création monétaire a comme corollaire l'obligation de maîtriser la dépense publique. Le Trésor français consent des avances mais, en aucun cas, elles ne peuvent dépasser 20 % des recettes budgétaires, pays par pays. Tout dérapage se traduit immédiatement par des fins de mois difficiles pour la trésorerie du pays en cause — les retards dans le paiement des factures de l'État et dans le versement des salaires des fonctionnaires constituent ainsi un indicateur de solvabilité des pays de la zone franc.
Cependant, lorsqu'ils sont privés de trésorerie, ces pays ont dans une certaine mesure la possibilité de s'endetter à l'extérieur de la zone franc, auprès de bailleurs de fonds (comme l'agence française de développement) qui jamais n'auraient consenti de crédits s'ils n'avaient pas eu la garantie que la gestion de leurs finances publiques n'était pas aussi rigoureuse
Dsc
En Juillet, 2015 (05:34 AM)LA ON EST AU COEUR DE LA PROBLEMATIQUE , On n'y parle pas D 'AGRICULTURE NI DE TRACTEURS ET DE CHARETTE COMME LE FAIT APR VIA RTS.
FAUT VRAIMENT QUE MACKY ET SON EQUIPE DEGAAAGE .....ET QUE DES GENS COMPETANTS S'OCCUPENT DU PAYS
KOU MEUNOUL BAWOO LOU YAKOU YAWLA.......
Anonyme
En Juillet, 2015 (06:43 AM)Aucun parti politique n'a à ce jour pose le débat sur la place publique. Quel usage ces hommes politiques feront du pouvoir qu'ils convoitent?
Zerohedge
En Juillet, 2015 (08:01 AM)Anonyme
En Juillet, 2015 (08:21 AM)Acheté tes pets ://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/2015/03/15/frankreich-kann-seinen-status-nur-mit-ausbeutung-der-ehemaligen-kolonien-halten
Anonyme
En Juillet, 2015 (09:47 AM)Pekin
En Juillet, 2015 (10:18 AM)Bercy
En Juillet, 2015 (10:24 AM)Anonyme
En Juillet, 2015 (11:37 AM)Vu que nos dirigeants font rien pour trouver des solutions . Lancer des petitions ? avoir des groupes de discussion sur le sujet.
Suggerrez des solutions si certains en ont pour changer les choses.
Anonyme
En Juillet, 2015 (12:37 PM)Nany Fall
En Juillet, 2015 (14:49 PM)on est pitoyable
African
En Juillet, 2015 (15:42 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (19:23 PM)Participer à la Discussion