Le naufrage économique du Sénégal : les terribles vérités du directeur de la DPEE, Sogui Diarisso, éclaboussent les Wade

ASI24 – (Dakar) Sogue Diarisso, le directeur de la Prévision et des études économiques (DPEE), sur le départ, a sévèrement critiqué les options du gouvernement et en particulier du président de l’Anoci, ainsi que les nombreuses immixtions dans les affaires économique et financières du Sénégal, dans une interview parue jeudi dans le quotidien Kotch.

A la tête de la DPEE depuis 10 ans, M. Diarisso qui s’apprête à retourner à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans les prochaines heures ou prochains jours, a tenu des propos d’une rare violence vis-à-vis des gouvernants pour un si haut fonctionnaire. Il faut croire que le vase des récriminations et constats de l’impuissance des puristes de l’économie et des finances face à la dérive et l’implication des politiciens est plein et déborde.

Diarisso le dit d’ailleurs sur une question de la journaliste Ngoundji Dieng relative aux atouts inexploités au Sénégal. « C’est la qualité de ces hommes. Le Sénégal a les meilleurs cadres et les pires politiciens qui soient ». Jamais, un fonctionnaire n’a tenu en public et officiellement de tels propos, même si pratiquement tous le disent en catimini.

Parlant de l’état actuel de l’économie sénégalaise, M. Diarisso soutient : « C’est une question assez difficile, si vous me demandez qu’était l’état de l’économie en 2005, je serais beaucoup plus à l’aise pour le dire. En 2005, le Sénégal avait le meilleur cadre macroéconomique en Afrique subsaharienne. Et c’était dans les rapports officiels de la Banque mondiale ».

« Comme j’ai eu à le dire, à partir de 2005, avec l’allègement de la dette multilatérale, la quasi-totalité de la dette extérieure était annulée. On s’est lancé dans des plans dispendieux au moment où il ne fallait pas ». Une aberration économique que ne nomme pas le bientôt ex-directeur de la DPEE.

Pour l’économiste en chef, il fallait plutôt à ce moment « prendre le cap pour décoller vers l’émergence avec des plans toujours rigoureux ». « Maintenant la situation s’est dégradée avec la crise financière internationale, la crise alimentaire, la crise énergétique, l’économie n’avait plus les ressorts qu’il fallait ».

Selon Diarisso, « la situation aujourd’hui est un peu délicate ». Ce sont des « plans dispendieux » qui ont plombé, d’après lui, l’économie sénégalaise. Notamment l’ANOCI.

« Il y a les chantiers de l’ANOCI et toutes les subventions massives qui ont été accordées au secteur l’énergie. Figurez-vous que ce 500 milliards de Francs Cfa que l’Etat a mis dans ce secteur entre 2006 et 2009. A cela s’ajoute les sommes faramineuses dans le cadre des chantiers de l’ANOCI pour un petit pays comme le Sénégal. Que voulez-vous ? L’économie va s’en ressentir », a pesté Diarisso.

Concernant la croissance, il estime qu’elle est « très faible au Sénégal ». « Depuis 2005, la situation est un peu délicate. En 2009, nous avons revu la croissance à 1,5% et pour 2010, nous la projetons à 3,2% ».

Cet incroyable renversement de tendance qui a amené le Sénégal d’une posture de pays quasi-émergeant à celle d’un pays dont l’économie est dans le rouge, était pourtant invraisemblable, il y a10 ans.

Faisant la comparaison, M. Diarisso souligne qu’« il y a eu une excellente gestion macroéconomique après la dévaluation.

« Moi, quand je parle de ministres des Finances, je prends toujours comme modèles Mamadou Touré et Pape Ibrahima Sakho (sous le régime du PS). On ne sera jamais assez redevable à l’endroit de ces deux ministres des Finances. Ils ont tous les deux eu à gérer des périodes particulières ».

« Mamadou Touré a eu à gérer les plans d’ajustements structurels et Pape Ibrahima Sakho a géré la période d’après la dévaluation. C’est des gens qui ont fait un travail extraordinaire. Donc la gestion a été excellente jusqu’en 2000. A partir de cette date, il y a eu l’alternance qui a hérité d’un cadre macroéconomique très bon », a indique le directeur de la DPEE.

Martelant dans la foulée : « les tendances actuelles ne peuvent pas se maintenir. Ce n’est pas possible. Ce sont de très mauvaises tendances ». S’y ajoute, signale-t-il, une « tendance démographique de l’ordre de 3%. Il y a des millions de jeunes qui sont sur le marché de l’emploi. Il faut de l’activité pour que tous ces jeunes puissent trouver du travail, sinon on va vers des tensions sociales » prévient M. Diarisso.

S’agissant des freins au développement du Sénégal, il explique qu’ils sont liés aux options et aux handicaps structurels. « Il y a parfois les options qui ne sont pas nécessairement les bonnes, mais également, il y a certains handicaps structurels ». Mais les handicaps ne sont pas insurmontables, précise-t-il.

Pour Diarisso, les grandes difficultés relèvent de « l’élaboration des priorités ». « Il y trop d’immixtions dans la gestion des affaires économiques et financières dans ce pays, au regard des appuis que des partenaires au développement économique apporte aux pays et ça essentiellement en raison de la confiance qu’ils ont du ministre de l’Economie Abdoulaye Diop ».

Son retour annoncé à la BCEAO, Diarisso est à la DPEE. Il a été tour à tour de la Prévision des statistiques jusqu’à sa réforme institutionnelle qui a créé l’Agence nationale de la statistique et de la démographie et ensuite directeur de la DPEE. Il a aussi été pendant un an responsable à la direction de la plateforme de Diamniadio.