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Economie

PODOR : LES CHAMPS LIVRES AUX OISEAUX GRANIVORES

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PODOR : LES CHAMPS LIVRES AUX OISEAUX GRANIVORES

Le malaise paysan est grand dans la Vallée du fleuve. Plusieurs producteurs, de guerre lasses ont abandonné leur champ aux oiseaux granivores. De N’dieurba à Diaba, la bataille que les paysans ont livrée pour la sauvegarde de leur production vient de voir son acte définitif scellé ce weekend end par la reddition du paysan face à un petit moineau : le Quelea - quelea, un redoutable mange mil dont la capacité de nuisance n’a d’égale que le nombre. Conquérant, sa loi aura finalement prévalu sur l’ensemble des périmètres irrigués au grand dam de quelques producteurs qui ne peuvent que se rendre à l’évidence. La première évaluation faite sur les champs de riz, les donne déficitaires dans leur campagne hivernale.

Dans le département de Podor, la présence depuis 2003 des oiseaux granivores a atteint son sommet en 2006- 2007. L’alerte sonnée depuis l’an dernier est restée sans réponse. Consommateur de 10g de riz, le quelea - quelea aura été la cause directe du déficit constaté dans la culture de contre saison de Riz. Poursuivant en toute impunité son hégémonie dans les Champs, il vient de porter un coup décisif à la campagne hivernale de cette année dés son entame. Un retour à l’équilibre d’une bonne campagne s’en trouve désormais compromis, face à la démission de plusieurs producteurs devant l’ampleur du phénomène. Les résultats recueillis au sortir d’un reportage de (05) cinq jours dans les parcelles et périmètres des producteurs des arrondissements de Thillé-Boubacar et de Gamadji -Saré, confirment le malaise des paysans. Si certains, producteurs veulent sauver de leurs parcelles ce qui peut l’être, d’autres par contre ont rendu le tablier. Abdoulaye DIOM BA, président de l’union des GIE du NGallinka est sceptique « 800ha ajoutés à d’autres frais comme la semence, l’emprunt bancaire, l’engrais, l’offset, le Gasoil, ne peuvent être remboursés qu’avec un bon rendement cultural » se désole t-il. Il indique que dans les périmètres irrigués villageois de Fanaye, Thiangaye, Diagnoum, Dimat, Bakao, Wouro-Kelé, N’Dieurba « le scénario est le même indique t-il, nous avons cédé nos champs face aux Manges mil ». Dans le même arrondissement les habitants du village de N’Guendar sont eux aussi logés à la même enseigne. Dans ce village Abou SADIO souligne non sans amertume qu’ils ont abandonné les « 12A » une appellation des périmètres du N’gallinka- amont. C’est un périmètre d’une quinzaine d’hectares que notre guide des lieux nous a indiqué. Quelques animaux s’adonnaient à cœur joie sur l’herbe tendre des tiges de riz, au milieu d’une nuée d’oiseaux granivores.

Guédé - chantier, ce village est réputé dans toute la Vallée pour sa longue expérience du riz local. Les périmètres irrigués s’étendent à perte de vue. Là aussi, le spectacle se passe de commentaires, c’est par milliers que les oiseaux tournoient sur les tiges de riz qui émergent des surfaces d’eaux. Le spectacle est saisissant, captivant, des enfants à la criée essaient de parer à l’impossible, aidés dans leurs tâches par quelques adultes devenus aphones à force de hurlement. Abdoulaye BA dit BA Fati, souligne : « je suis paysan de l’union des producteurs de Guédé, qui est composée de 19 Gie. La campagne de contre saison est fichue, car la banque ne prête plus pour cette campagne ». Ce qui est vrai, car comme l’a souligné ce cadre de la CNCAS de Ndioum qui à requis l’anonymat « nous ne voulons plus financer de campagnes de contre Saison car les risques sont très grands, les producteurs ne remboursent que faiblement ». Devant ce dilemme certains paysans à l’image de Abdoulaye BA affirme avoir financé sa campagne de contre saison sur fond propre. « Il vous faut vendre un bœuf ou quelques chèvres et moutons pour l’entamer ». C’est ce qu’il avait fait. Aujourd’hui, c’est en homme résigné face à son champ envahi par une nuée d’oiseaux, qu’il décide de laisser tomber son périmètre de 40 ares ; c’était le 26 Août 2007, non sans avoir tout tenté pour sauvegarder sa production.

Un Véhicule pour tout un département

La direction de la Protection des Végétaux (DPV) a montré ses limites dans la lutte à mener contre ce fléau des champs. C’est en effet un seul véhicule qui assure la lutte sur l’ensemble du département de Podor. Un camion de traitement qui ne peut hélas pas s’aventurer a l’intérieur des périmètres où les oiseaux sévissent. Force est de constater que son apport et son intervention tardive n’ont pas réussi à sauver la campagne de riz déjà hypothéquée aux trois quart souligne Amadou Sy, Président de la Fédération des Associations du Fouta pour le Développement (FAFD), rencontré à Guédé -Chantier. L’homme reconnaît qu’il faut sensibiliser davantage les producteurs qui s’adonnent à la culture de cette céréale tant prisée par le sénégalais, « les producteurs sont livrés à eux-mêmes, certains ont perdu à hauteur de 75 %, d’autres à 80% et d’autres à hauteur de 100% de leur récolte, c’est un sinistre, il nous faut affiner une stratégie de lutte, ce péril aviaire doit être combattu dans le long terme...Les oiseaux sont présents dans les champs depuis 2003, c’est un constat qui fait foi ». Le président de la FAFD a souligné que le pire est à craindre avec la culture de décrue, « nous avons bien applaudi en entendant les propos du Ministre, mais un véhicule pour traiter tout un département, c’est une goutte dans un océan ». C’est donc des périmètres fragilisés par une invasion sans nulle pareille, qui ont fini par rendre l’âme malgré tous les plans de sauvetage.

Dans l’arrondissement de Gamadji-Saré, le village du même nom a abandonné 69 hectares de riz aux oiseaux granivores, A Alwar la ville sainte qui a vu naître El Hadji Omar Tall, c’est 20 hectares qui sont laissés à la merci du péril ailé. A Serpoli c’est 18 hectares et à Dembé « on a préféré récolter en vert notre riz que de le laisser à la merci des oiseaux ». Comme certains champs dans le Guédé, les 20 hectares de ce village ont simplement été fauchés avant épiaison par des producteurs pris par la force des choses et dans l’impossibilité de faire face.

Diomandou, c’est à une douzaine de kilomètres derrière Ndioum. C’est dans ce village que le Fonds Européen de Développement -FED- a en 1990 établi sa première cuvette rizicole. Hamédine Wade président des producteurs du secteur explique qu’en 2006, ils n’ont pu faire de campagne « faute de moyens ». « Cette année c’est grâce à la SAED et à la CNCAS que nous avons aménagé nos 375 hectares, ils sont aujourd’hui détruits au ? par les oiseaux granivores » a-t-il affirmé. A Diomandou, comme du reste dans plusieurs cuvettes, la DP « Vide » (comme l’appellent les paysans) est encore inscrite aux abonnés absents.

Le PINORD

Le programme d’Appui aux Initiatives du Nord, est né aux lendemains des pluies hors saison de 2003, il occupe aujourd’hui une place prépondérante dans le vécu du monde paysan de la vallée. Il a pour objectif global « un programme de stratégie alimentaire des populations par la promotion de la place du riz local dans le système alimentaire national ». IL est composé de plusieurs organisations partenaires comme l’Amicale Socio-économique Sportive et Culturelle des Agriculteurs du Walo -ASESCAW-, la Fédération des Périmètres Autogérés -FRA-, l’Association pour le Développement de Namarel et des villages environnants -ADENA-, de la Fédération des Associations du Fouta pour le Développement -FAFD-, de la Fédération du Lao -FDL- et de l’Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé -UJAK-. Le PINORD a pour partenaire l’OXFAM GB, une ONG britannique connue dans le nord pour son appui constant aux unions des producteurs et éleveurs. Ce programme est venu en appui à un monde paysan en désarroi. Le PINORD qui soutient la filière riz se sent interpellé et son coordinateur Ibrahima LY souligne que « les temps ont changé, le riz est aujourd’hui la denrée la plus consommée » .Même s’il reconnaît que la production locale actuelle aux Sénégal est en deçà de nos besoins. « Le Sénégal importe à hauteur de 600.000 tonnes de riz à raison de 110 milliards par an, une tendance qu’il faut inverse. La production nationale est de 100.000 tonnes, la vallée en produit 80.000, suivi du bassin de l’Anambé et de la basse Casamance ». M. Ibrahima Ly, reconnaît que le potentiel de production de la vallée qui est de l’ordre de 250.000 hectares sur plus de 600 kilomètres d’eau douce, n’est que faiblement valorisé. « Il faut arriver à produire beaucoup, amener les organisations paysannes à produire la qualité depuis les semences certifiées jusqu’à la commercialisation ». Dans une perspective plus large, le Programme d’Appui aux Initiatives du Nord (PINORD) se veut le symbole d’une plus grande intégration régionale, car en plus de l’amélioration de la production locale, qu’il prône, il compte amortir nos dépenses extérieures en riz. Imaginez si on pouvait économiser notre perte de devise en achat de riz ?

Pourvu que les oiseaux granivores y consentent.



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