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PROGRAMME ET GESTION NEBULEUSE DE L’ ANOCI: Le Parlement à l’écart

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PROGRAMME ET GESTION NEBULEUSE DE L’ ANOCI: Le Parlement à l’écart

L’Assemblée nationale qui ignorait tout du programme de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci) l’a encore moins approuvé, apprend-on de sources parlementaires. Question : Comment a-t-on pu engager ainsi la Nation pour près de 143 milliards de FCfa sans que la Représentation nationale n’avalise l’opération, s’interrogent plusieurs observateurs ? La caution de l’organe consultatif qu’est le Conseil des infrastructures a-t-elle suffi ?

Le onzième sommet de l’Organisation de la conférence islamique (Oci) abrité par le Sénégal du 8 au 14 mars 2008 a vécu. Les rois, sultans, princes, émirs, présidents et autres chefs de gouvernement membres de la Ummah sont venus, ils ont vu, ont délibéré et (re)adopté la charte de l’Oci. Ils sont repartis tranquillement chez eux. Le Sénégal a profité de l’occasion ainsi offerte pour la seconde fois de son histoire de pays membre de l’Oci, pour « s’équiper » en infrastructures routières « pour la mobilité urbaine » (près de 40Km de routes bitumées, des ponts, des tunnels et autres toboggans de dernière génération) et infrastructures hôtelières (non encore achevées) dans la capitale. Le tout pour un montant de près de 376 milliards de FCfa, si l’on en croit le site de l’Anoci, compte non tenir des terres aliénées au profit des « investisseuses » sur le domaine maritime. Des spécialistes annoncent le faramineux chiffre de 400 milliards de FCfa. Selon le directeur exécutif de l’Agence, par ailleurs Secrétaire général de la présidence de la République, Abdoulaye Baldé, moins de 50% des 143 milliards de FCfa nécessaires pour les infrastructures liées à la mobilité urbaine ont été effectivement « exécutés » pour l’heure.

« Pour l’instant, nous n’avons utilisé, pour le compte de l’Etat du Sénégal, que 70 sur les 143 milliards mobilisés. Ce qui représente un peu moins de 50 %. Ce montant a permis la réalisation de trois projets. Il s’agit de la première et la deuxième phase de la Corniche, de la Vdn, de l’assainissement et des aménagements du paysage », avait confié le directeur exécutif de l’Anoci dans un entretien accordé à nos confrères du Soleil le 21 mars 2008. Il reste donc, signifie-t-il dans le même entretien, « 73 milliards de FCfa non encore utilisés. De l’argent qui devra permettre de prendre en charge de nouveaux projets », a-t-il assuré aux confrères. Il s’agit de la route financée par le Fonds saoudien de développement, qui reliera la Gueule Tapée à Ouakam au moyen de deux fois deux voies dotées de plusieurs ouvrages. Il faut ajouter, dans ces projets de seconde génération, la route qui va des Mamelles à l’aéroport en passant par la Corniche des Almadies, la bretelle qui va du Virage jusqu’à l’aéroport. Ce projet est co-financé par le Fonds saoudien et le Fonds koweitien.

On a envie d’applaudir. Cependant il y a un hic. Ce « fantastique » programme n’a pas encore reçu l’aval de l’Assemblée nationale, aux dires de plusieurs députés interpellés. La législature passée, comme celle en cours, (l’agence a été créée en juin 2004) n’ont pas connu de l’établissement de l’Anoci. Est-ce la raison pour laquelle, soutiennent certains observateurs, la gestion de l’Anoci procède d’une véritable « hérésie » économique et financière ? Au plan financier, personne ne saura évaluer les milliards engloutis par l’Agence nationale, soutiennent-ils. Interrogé au téléphone sur ce point, le vendredi 11 avril dernier, l’un des conseillers en communication de l’Agence, Madior Sylla, a renvoyé sans être affirmatif à la loi des finances rectificative de 2007 pour une normalisation effectuée.

Gestion du programme : Une nébuleuse

L’un des problèmes est que la loi N° 27/2007 portant loi de finances rectificative pour l’année 2007, seule loi des finances rectificative votée jusqu’ici depuis lors, nous apprend le Soleil dans son édition du 1er octobre 2007, « vise à affecter les ressources additionnelles dont a bénéficié l’Etat après le vote de la loi de finances initiale. Il consacre également la mise à jour des allocations budgétaires des ministères, suite au réaménagement gouvernemental intervenu en juin dernier ». Elle a porté sur une enveloppe de 106, 3 milliards de FCfa et non sur une enveloppe supplémentaire de 126 milliards de FCfa obtenue des « amis » arabes et autres musulmans « donateurs », Baldé dixit. Les ressources qui ont fait l’objet de la loi des Finances n ° 27/2007 proviennent d’un appui budgétaire de pays partenaires, d’un emprunt obligataire et de ressources internes, avaient renseigné les argentiers du pays. Le ministre du Budget avait signifié à l’époque que cet argent était affecté à des dépenses prioritaires de l’Etat « suivant des critères d’efficacité, d’urgence et de conformité aux engagements contenus dans le DSRP ll, en mettant l’accent sur les dépenses d’investissement pour un montant de 99 milliards FCfa contre 7, 3 milliards FCfa affectés aux dépenses de fonctionnement ».

Selon Ibrahima Sarr, ministre délégué Chargé du Budget, le gouvernement a dû procéder à des réaménagements. Sur ces 99 milliards de FCfa, 65 milliards FCfa sont allés à la recapitalisation de la Senelec, avait encore souligné le ministre. Le compte-rendu, pourtant exhaustif de nos confrères du Soleil, ne dit pas si les 17 milliards de FCfa qui représentent la part de l’Etat du Sénégal dans les infrastructures routières réalisées par l’Anoci ont été ainsi « régularisés » ou non par la loi des finances rectificative sus citée.

Toujours est-il que l’on est loin du compte en termes de régularisation. Et même s’agissant du financement des grands travaux, si les commissaires députés s’étaient interrogés sur la nature de ceux consentis à notre pays (en dons ou prêts), -pensaient-ils pour autant à l’Anoci ?,- et sur leur montant à l’occasion, ils ne semblent pas pousser l’investigation outre mesure. Pis, ils ont paru renoncer à toute prérogative à ce niveau.

Est-ce parce que l’Assemblée nationale qui a voulu juste entendre le président du Conseil de surveillance de l’Anoci sur le fait qu’au-delà du dépassement budgétaire de plus de 8 milliards FCfa annoncé par la presse, il s’est agi de s’enquérir d’un programme qui interpelle toute la nation, que son président a subi les foudres du chef de l’Etat ? A-t-on oublié ou feint-on d’oublier qu’il s’agit-là de l’argent du contribuable sénégalais et que même avec les décaissements du Fonds koweïtien de développement et autres pays donateurs, ces prêts sont remboursables par le peuple sénégalais ?

La caution de l’organe consultatif qu’est le Conseil des infrastructures a-t-elle suffi pour avaliser le programme ? « Non », répondent plusieurs observateurs parmi lesquels Mohamadou Mbodj du Forum Civil, membre du conseil de surveillance de l’Anoci. Le partisan de la société civile qui s’exprimait même sur la question, sur les ondes de Sud Fm Sen radio, trouve « qu’il s’agit là de la plus grosse faute politique commise au Sénégal. Pour bien moins que ça, des personnes ont connu la prison, notamment dans l’affaire dite des chantiers de Thiès 2004 ». N’allez pas lui parler du Conseil des infrastructures, encore moins d’une régularisation par le biais d’une loi des finances rectificative. Il vous coupe net. « Le Conseil des infrastructures est une structure de l’Exécutif même si des députés y siègent parmi ses douze membres. Il s’y ajoute qu’il n’est qu’un organe consultatif. Il est question ici, d’un aval ou non de la Représentation du peuple. On ne peut pas y couper. C’est la loi. En ce qui concerne la loi des finances rectificative, elle vient régulariser une dépense ou prendre en compte des ressources additionnelles et leurs affectations. Là, il s’agit d’une autorisation pour emprunter, agir et gérer au nom et pour le compte du peuple sénégalais et de ses descendants sur plusieurs générations en plus ».

D’autres observateurs font remarquer que si « dans l’objectif de favoriser et de consolider le partenariat public-privé (Ppp), l’État du Sénégal a mis en place un organe consultatif dénommé Conseil des infrastructures, celui-ci n’a pour mission que de donner son avis sur la validité et la viabilité de la procédure sur tous les projets d’infrastructures au Sénégal ». Par conséquent, il n’est pas habilité à cautionner les financements et les emprunts nécessaires.

Le Fmi nie tout audit de l’Anoci

Après un passage dans le cadre de la première revue du programme sans décaissement portant Instrument de soutien à la politique économique (Ispe) du Sénégal du Fonds monétaire international (Fmi) à l’Anoci, d’aucuns avaient vite fait d’annoncer que l’Institution de Brettons Wood avait « audité positivement » l’agence pilotée par Abdoulaye Baldé et supervisée par M. Karim Wade. Si la mission du Fmi s’est voulue « diplomatiquement » réservée sur la question, (à Washington, les déclarations d’autorités sénégalaises affirmant que le Fmi avait félicité l’Anoci pour sa bonne gestion, avaient suscité une gêne certaine), le représentant résident de l’Institution au Sénégal, M. Alex Ségura, joint au téléphone le vendredi 11 avril dernier, a clairement nié, lui, tout audit réalisé par son organisme. « Il ne revient pas au Fmi d’auditer les Etats encore moins des Agences. Nous procédons à une revue d’information simplement si d’aventure nous avons un programme avec un pays quel qu’il soit. Nous n’avons aucune prérogative pour auditer qui que ce soit. C’est-là, me semble-t-il, le rôle des Cours des comptes et des institutions parlementaires et non celui du Fmi », a signifié M. Ségura qui voudrait mettre sur le compte d’un simple lapsus, une telle information. Simple lapsus ou tentative d’une communication-propagande dans le souci de rassurer ? En tout cas, on semble soutenir au siège du Fmi que l’on ne dispose pas encore de suffisamment d’éléments d’appréciation pour juger de la fiabilité ou non de la gestion de l’Anoci, quand bien même il ne revient pas au Fmi d’arbitrer en la matière.

Musica : y’a-t-il eu tromperie sur la marchandise ?

Les membres du Conseil de surveillance de l’Anoci qui avaient relevé "avec satisfaction que 98% des marchés de l’Anoci avaient été passés par appel à la concurrence » (la précision est de taille), lors de leur séance d’octobre 2007, avait renseigné l’Agence de presse sénégalaise (Aps), avaient-ils oublié de s’inquiéter du choix sans appel d’offres porté sur le paquebot italien Msc Musica, en guise de navire-hôtel ? Le paquebot italien qui fut construit par les chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire (France) et livré le 13 juin 2006, navire-jumeau du navire amiral de la flotte, le MSC Orchestra, fait partie certes des navires de la dernière génération. Il mesure 294 mètres de long, dispose de 13 ponts et d’une capacité d’accueil de 3013 passagers et 987 membres d’équipage.

N’empêche, les membres du Conseil de surveillance de l’Anoci s’étaient-ils seulement contentés du fait « qu’en vue de répondre à la forte demande et à l’instar de ce qui se fait à l’occasion de l’organisation des grandes rencontres internationales comme le G8, le Sénégal mettra également à la disposition de ses hôtes un bateau de croisières de 1275 chambres », pour donner leur onction ? Le communiqué de la séance exploité par l’Aps n’y répond point. Toujours est-il que le choix porté sur le Msc Musica n’a fait l’objet d’aucun appel d’offres encore moins d’un quelconque appel à concurrence. Madior Sylla, interrogé sur la question, ne se souvient point d’un appel d’offres à ce sujet.

Dès lors, y-a-t-il eu tromperie sur la marchandise ? Le directeur exécutif Abdoulaye Baldé, s’exprimant à la télévision nationale à l’issue de la visite qu’il avait fini d’effectuer en Italie où le bateau était en rade, indiquait que celui-ci avait été loué pour la somme de 8 milliards de FCfa, avait rapporté notre confrère Mohamed Guèye du journal le Quotidien. Le confrère s’interrogeait non sans raison sur les « libéralités » des autorités de l’Anoci. Par la suite, le directeur exécutif de l’Anoci, quant à lui, avait revu à la baisse ladite location en annonçant la « modique » somme de 5 milliards de FCfa.

L’autre hic est qu’il suffit, notent plusieurs observateurs, de « cliquer » sur le site www.croisierenet.com/comp_5/msc-msc-musica/mai-2008/pid/47745—fr/fiche_promo.html, pour se rendre compte des prix pratiqués par les exploitants du navire-hôtel. Ces prix sont mêmes ceux adoptés en période d’exploitation, or le sommet de l’Oci a eu lieu pendant la période de relâche du bateau. Il n’y a pas de croisière en cette période de l’année. Ce qui devrait induire une location beaucoup moins chère que les tarifs proposés en pleine saison, selon eux. Qu’à cela ne tienne. En prenant le tarif moyen supérieur au tarif appliqué en période de creuse, soit 729 euros par personne, selon le barème affiché et en le multipliant par le nombre de places du bateau, on obtient pour une semaine de « mobilisation » la somme de 609 735 600 CFA. Avouons que cela est très loin du montant annoncé.

Du bon compte.



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