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Révélations de son directeur général : Air Sénégal International a échappé au dépôt de bilan

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Révélations de son directeur général : Air Sénégal International a échappé au dépôt de bilan
Les 48 heures de grève déclenchées, les 26 et 27 mars dernier, ont provoqué un trou d'air à Air Sénégal International. Le préjudice financier est estimé à un demi-milliard de francs Cfa. La révélation est de son directeur général qui déclare que la compagnie a frôlé la cessation de paiement, voire le dépôt de bilan. Dans la première partie de l'entretien qui suit, M. Mohamed El Yaalaoui revient sur les déficits enregistrés sur la desserte Dakar-Milan, et le domestique.

Wal Fadjri : Quels sont les enseignements que vous avez tirés de la grève de 48 h (les 26 et 27 mars derniers) déclenchée par les travailleurs d'Air Sénégal International ?

Mohamed El Yaalaoui : Un enseignement malheureux parce que nous avons subi un préjudice financier, et nous avons fait subir un préjudice moral énorme à notre clientèle. Et n'oublions pas que la clientèle est notre fonds de commerce. Maintenant que le mal est déjà fait, ce que j'espère, c'est qu'une situation comme celle-ci ne se reproduise plus.

Wal Fadjri : A combien avez-vous évalué le préjudice financier des deux jours de grève ?

Mohamed El Yaalaoui : Le préjudice financier est estimé à près de 200 millions de francs Cfa par jour. La perte avoisine les 500 millions de francs Cfa pendant les deux jours et demi de grève (les travailleurs ont repris hier vers midi, Ndlr).

Wal Fadjri : Pourquoi avez-vous tiré la sonnette d'alarme en déclarant qu'au cas où la grève allait au-delà des 48 heures, l'arrêt définitif des activités de la compagnie serait inévitable ?

Mohamed El Yaalaoui : Il était de mon devoir d'évaluer et d'indiquer le risque que nous courions. Si les dépenses continuaient à être endossées sans aucune recette en contrepartie, la compagnie aurait été en cessation de paiement. Vous savez que le transport aérien est très fragile. Les compagnies aériennes n'ont pas assez de réserves financières. Lorsqu'on arrive à l'épuisement du matelas financier, du découvert bancaire alors qu'on a des créances à honorer auprès des fournisseurs et qu'on n'a pas de quoi les payer, c'est la cessation de paiement. C'est pourquoi j'ai fait cette alerte à laquelle vous faites allusion.

Wal Fadjri : Depuis la création de la compagnie, en février 2001, c'est la première fois que le personnel cloue au sol les avions. Quel sentiment vous anime en tant que directeur général depuis seulement 2006 ?

Mohamed El Yaalaoui : Cela me chagrine beaucoup. Je ressens cela comme une frustration, personnellement. Parce que depuis que je suis là, je déploie tous les moyens possibles, tout mon temps pour le redressement de la compagnie, la mise en place des outils de travail et de tout ce dont elle a besoin pour son développement. Et malgré ce que le partenaire stratégique (Royal Air Maroc ou Ram) a apporté comme aide financière, en septembre 2006, soit un montant de 13 millions de dollars (6,5 milliards de francs environ), c'est moi qui subit une grève ! Ne pensez-vous que c'est un peu paradoxal ?

Wal Fadjri : Pourquoi, lors du dernier Conseil d'administration de la compagnie du 12 mars dernier, la plate-forme revendicative des travailleurs n'a pas connu une suite favorable ?

Mohamed El Yaalaoui : Les points majeurs de la plate-forme sont la revalorisation salariale et l'intégration des intérimaires. Le Conseil d'administration ne pouvait pas les autoriser, parce que ces revendications sont, pour le moment, incompatibles avec l'état financier de la compagnie. La compagnie a encore des difficultés financières. Elle bénéficie de découverts bancaires estimés à près de 4 milliards de francs Cfa. Elle a un effectif qui n'est pas conforme aux ratios de l'industrie aéronautique. Le Conseil d'administration ne peut qu'exhorter le directeur général à corriger tout ça. Cette situation va à l'encontre de l'augmentation de la masse salariale et des charges de la compagnie.

Wal Fadjri : Les travailleurs sont-ils conscients de cette situation à laquelle le Conseil a fait allusion pour donner suite aux revendications des travailleurs ?

Mohamed El Yaalaoui : Ils sont censés l'être. Tout est transparent à Air Sénégal International. Nous communiquons toujours sur l'état de santé de l'entreprise. Je vous affirme qu'ils sont au courant de la situation financière de la compagnie.

Wal Fadjri : Le plan de redressement adopté, en septembre 2006, par le Ca ne semble pas agréer les travailleurs, surtout la suppression de certaines lignes dites déficitaires.

Mohamed El Yaalaoui : En général, le Ca approuve un plan, mais le personnel est impliqué dans son exécution. Maintenant, l'approbation de ce plan par le personnel, c'est autre chose. Je fais approuver un plan par le Conseil. On n'a pas envisagé l'approbation de ce plan par le personnel.

Wal Fadjri : Ne devez-vous pas adopter une démarche participative en informant d'abord le personnel de ce plan de redressement ?

Mohamed El Yaalaoui : Le personnel était le premier à être informé. En août 2006, lorsqu'on a constaté les insuffisances sur lesquelles il fallait agir, le personnel a été le premier à être informé par le truchement de ses différents représentants. Ensuite, lorsqu'a été élaboré le plan de redressement, il a été communiqué au personnel. Certaines lignes ont été supprimées parce qu'elles étaient structurellement déficitaires. Seules les dessertes intérieures ont été préservées parce qu'il faut toujours assurer le service public pour lequel nous sommes tenus de proposer des tarifs à la portée du plus grand nombre. Pour les autres lignes, dès lors que l'on arrive à les rentabiliser, on est obligé de les revoir. Il y va de la survie de la compagnie. Et c'est la raison pour laquelle on a revu trois ou quatre destinations que nous avons supprimées. N'oublions pas qu'un programme couvre une saison (cinq à sept mois). Il se revoit en fonction de la conjoncture, de l'environnement et de la demande.

Wal Fadjri : A combien estimez-vous le manque à gagner sur ces lignes dites déficitaires ?

Mohamed El Yaalaoui : Les plus importantes sont le Milan (Italie), qui dégage un déficit d'environ 960 millions de francs Cfa par an, et le domestique pour près de 1 milliard par an. Puisque nous ne pouvons pas réduire l'exploitation des lignes domestiques, nous avons envisagé de supprimer le Milan.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui explique le refus du personnel opposé à la suppression de la desserte Dakar-Milan ?

Mohamed El Yaalaoui : Franchement, je ne le sais pas. On ne m'a jamais donné la raison pour laquelle le personnel ne veut pas la suppression de cette desserte. Comment va-t-on alors pouvoir supporter ce déficit ? Je n'ai pas de subvention pour pouvoir maintenir cette ligne sans aucune justification économique.

Wal Fadjri : Confirmez-vous les pertes estimées, sur la ligne Dakar-Milan, à 1,4 milliard entre 2006 et les trois premiers mois de 2007 ?

Mohamed El Yaalaoui : Les pertes sont estimées à 80 millions de francs Cfa par mois. Pour les trois premiers mois de 2007, nous avons enregistré 240 millions de francs de pertes. Au total, entre 2006 et à ce jour, elles sont de l'ordre de 1 milliard 200 millions de francs sur les 15 mois.

Wal Fadjri : Comment avez-vous fait pour combler le gap ?

Mohamed El Yaalaoui : C'est cette situation qui met la compagnie en difficulté. C'est pourquoi ce plan triennal ou plan de redressement qui prévoit le retour de l'équilibre de la compagnie est essentiel pour l'entreprise. Il va permettre à la compagnie de rebondir avant de songer à son développement. A ce moment-là, il y aura le développement à grande échelle, en termes de lignes, de réseaux, de flotte, etc. Nous sommes en train de mettre en œuvre un plan de redressement qui vise à équilibrer les résultats de la compagnie de manière pérenne.

Wal Fadjri : On dirait que la compagnie est ambitieuse, mais n'a pas les moyens de sa politique commerciale. Elle vole même plus haut que ses ailes.

Mohamed El Yaalaoui : On trouve toujours les moyens de sa politique commerciale. Il ne faut pas oublier que la compagnie n'a que 5 ans d'âge. Ensuite, avec la disparition d'Air Afrique, elle a hérité du réseau international. Elle est en train de se retrouver. Il faut qu'elle se développe dans la rentabilité et la pérennité. Nous visons la part de marché la plus grande possible, mais aussi et surtout la rentabilité.

Wal Fadjri : Quels sont les différents volets du plan de redressement ?

Mohamed El Yaalaoui : Le plan de redressement est le programme actuel de la compagnie avec la supression des dessertes déficitaires. Avec en plus la réduction de bi-points. Avant, dans la sous-région, on faisait beaucoup de bi-points. On en a réduit un certain nombre parce que les bi-points sont très chers à l'exploitation. Si la recette ne couvre pas le surcoût d'exploitation, il faut revoir les bi-points.

Wal Fadjri : Que pensez-vous de la revendication des syndicalistes sur les intérimaires et la supression des prestataires de services ?

Mohamed El Yaalaoui : Les intérimaires sont là depuis 2002. La compagnie est consciente que ce travail est nécessaire. Il permet de promouvoir l'emploi parce que nous passons par des sociétés d'intérim reconnues par la loi. Nous ne faisons rien d'illégal. Maintenant par rapport à la revendication, nous étudions ce point par une évaluation de l'effectif nécessaire à la compagnie. Nous avons 605 agents et quatre avions. C'est un ratio qui dépasse de loin les normes de l'industrie. Nous sommes en train de metttre en place les outils qui permettent d'automatiser les tâches aussi bien administratives, commerciales que les tâches d'exploitation, de manière à réduire considérablement le travail manuel. Une fois que ces outils sont installés dans le court terme, nous allons réévaluer les besoins en effectifs.

Wal Fadjri : A terme, on pourra donc assister à une suppression d'emplois.

Mohamed El Yaalaoui : Je ne le pense pas. Nous allons procéder au redimensionnement et au redéploiement, mais pas à une suppression d'emplois. Cela s'accompagnera de formations et de recyclage avec l'assentiment des agents, et, éventuellement, de redéploiement le personnel.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui a engendré le sureffectif auquel vous faites allusion ?

Mohamed El Yaalaoui : Le sureffectif est, peut-être, engendré par le nombre important de ces intérimaires qui portent sur quelque 140 personnes. Il n'a pas été entrepris une action visant à déterminer les besoins en personnel. Il est toujours difficile de mettre l'index sur le sureffectif, parce que cela peut provoquer une peur chez le personnel. Aujourd'hui, nous sommes dans la voie du redressement, et nous faisons ce travail dans le cadre de cette pérennisation de la compagnie.

Wal Fadjri : A combien estimez-vous le retrait de l'assistance au sol de South Africain Airways ?

Mohamed El Yaalaoui : Nous avons perdu 1,2 milliard de francs Cfa par an. Et comme nous avions configuré la plate-forme en effectifs par rapport à cette assistance au sol, le personnel et le matériel sont toujours là. Heureusement que nous assistons encore notre partenaire stratégique (la Ram). Mais depuis le retrait de la South African, nous n'avons pas entrepris les actions appropriées pour corriger les conséquences de ce préjudice.

Wal Fadjri : Les syndicalistes veulent une revalorisation de leurs salaires qui, disent-ils, sont les plus bas de la plate-forme aéroportuaire.

Mohamed El Yaalaoui : Je ne suis pas contre une revalorisation des salaires, bien au contraire. La revalorisation ne fait que motiver le personnel. Mais il faut que la compagnie soit en mesure de le faire. Aujourd'hui, la compagnie n'en a pas les moyens. Dès qu'elle le pourra, elle revalorisera les salaires.

Wal Fadjri : Difficultés financières, personnel pléthorique. La compagnie n'est-elle pas dans une zone de turbulences ?

Mohamed El Yaalaoui : Je ne le pense pas. Malheureusement, cette grève nous a un peu secoué et surpris parce qu'elle est arrivée brutalement. La turbulence fait référence à un facteur exogène. Je pense que nous devons revenir à la sérénité, discuter, dialoguer et trouver les solutions et surmonter les difficultés ensemble.

Wal Fadjri : En septembre 2006, la compagnie a frôlé la faillite, n'eût été l'apport financier de la Ram. Aujourd'hui, on parle de sous-capitalisation. La situation n'est-elle pas précaire ?

Mohamed El Yaalaoui : On peut trouver un remède à la sous-capitalisation. On peut envisager d'augmenter le capital de la compagnie. Il faut simplement que les deux actionnaires (Ndlr : Etat sénégalais pour 49 % et Royal Air Maroc pour 51 %) se mettent d'accord sur la procédure. Maintenant, l'apport de la Ram nous était vital. Il fallait que la Ram nous aide à sauver la compagnie, ce qu'elle a fait. C'est vrai que ce n'était, peut-être, pas suffisant pour ramener la trésorerie au niveau le plus confortable possible. Mais nous devons compter aussi sur nous-mêmes pour ramener l'entreprise à équilibre.

Wal Fadjri : Pourquoi des travailleurs mettent-ils à l'index la Ram de vouloir asphysier Air Sénégal International.

Mohamed El Yaalaoui : En tant que Marocain, je suis un peu mal à l'aise pour défendre la Ram. Mais sachez que la Ram a les meilleures intentions à l'endroit de son partenaire, Air Sénégal International. Comment peut-elle asphyxier le moteur des relations séculaires entre les deux pays. La Ram n'a pas cette vocation. Air Sénégal International est le levier d'un développement d'un pays frère. Asphyxier est un terme inapproprié. La Ram est là pour aider Air Sénégal International. Je pense que la Ram est une chance pour le développement d'Air Sénégal International. Par son assistance, la Ram a donné et donnera encore à Air Sénégal International. Je pense que ce sont des propos malheureux et infondés sur lesquels il ne faut pas s'attarder.



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