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Saliou SARR (Cncr) : ‘Si l'Etat ne réagit pas, il y aura la famine dans le pays’

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Saliou SARR (Cncr) : ‘Si l'Etat ne réagit pas, il y aura la famine dans le pays’
Membre du conseil d’administration du Conseil national de concertation des ruraux (Cncr) et président de la Fédération nationale des producteurs de riz, Saliou Sarr explique dans l’entretien qu’il nous a accordé les difficultés que traverse le monde rural. Et invite l’Etat à prendre d’urgence des mesures pour éviter le pire.

Wal Fadjri : Le débat enfle sur la situation du monde rural qui serait menacé de famine. Des arguments réfutés par le ministre de l’Agriculture. Qu’en est-il exactement ?

Saliou Sarr : La situation agricole du Sénégal est mauvaise. Nous avons fait plusieurs tournées au niveau national. Nous avons organisé plusieurs journées régionales au niveau national et c’est clair qu’il y a un énorme déficit céréalier au Sénégal. Quand nous avons essayé de l’estimer, on était à plus sept mois de déficit alimentaire au niveau céréale. Parce que, pour la campagne 2007/2008, la production céréalière tourne autour de trois cent mille tonnes. Ce qui est minime. A cela s’ajoute la situation de l’arachide. En effet, le tonnage d’arachide collectée au niveau des usines tourne autour de trente mille tonnes alors que toutes ces dernières années depuis 2000, il était autour de deux cent mille tonnes. Avant 2000, c’était quatre cent à cinq cent mille tonnes au niveau de la Sonacos, l’équivalent de plus de 100 milliards de francs Cfa. Aujourd’hui, en être à trente mille tonnes, c’est grave. Et cela induit une perte de revenu au niveau de l’arachide de plus de 50 milliards de francs. J’insiste parce que l’arachide occupe la première place en termes de culture au Sénégal et contribue au moins autour de 50 % en termes de revenu paysan. Après l’arachide, vient la canne à sucre qui est une propriété d’un industriel français, avec 22 %. En tout, l’arachide et la canne à sucre occupent à peu près 75 % des parts de chiffres d’affaire au niveau agricole. Et les 25 % qui restent, c’est le mil, l’oignon, la tomate, le riz… C’est pourquoi quand l’arachide est à trente mille tonnes collectées, cela veut dire que le Sénégal va mal. Et le monde agricole va d’autant plus mal que le gouvernement ne réagit pas de façon urgente pour mettre en place des vivres de soudure, trouver des solutions pour préparer la prochaine campagne en termes de semences d’arachides, de mise en place d’intrants, de secours, d’encadrement et de suivi des paysans. S’il ne se fait pas, il y aura la famine dans ce pays.

Wal Fadjri : Plus de 50 % des paysans vivent de la culture de l’arachide. Quelles seraient, selon vous, les mesures adaptées pour accroître les rendements et leur en faire bénéficier ?

Saliou Sarr : Nous pensons que le gouvernement doit mettre les conditions pour que la bonne semence d’arachide et les engrais soient disponibles à temps. C’est-à-dire qu’au mois de mai, les paysans aient leur engrais et leurs semences. C’est ainsi que la filière de l’arachide, malgré la baisse de la pluviométrie, va pouvoir se redresser, surtout qu’il y a un réel problème d’organisation à ce niveau.

Wal Fadjri : Quels sont ces problèmes ?

Saliou Sarr : Le Sénégal a des variétés d’arachide de quatre-vingt-dix jours, cent dix jours et cent vingt jours et la variété de cent vingt jours s’appelle la ‘73/33’. Aujourd’hui, la semence la plus disponible est cette ‘73/33’ qui a un cycle de cent vingt jours. Et un cycle de cent vingt jours n’est favorable qu’au sud de Kaolack car si vous distribuez la ‘73/33’ à Louga ou à Diourbel, vous n’aurez pas de l’arachide mais que de la faune. Je pose là, la problématique de la carte variétale, c’est-à-dire voir d’abord le nombre de variétés d’arachide que nous avons pour essayer de les placer avec le cycle suivant le niveau de pluviométrie des zones. Si on le fait, avec la semence et l’engrais à temps au mois de mai, nous garantissons que le Sénégal va arriver à une excellente production au niveau de l’arachide. Et si la même technique est appliquée au niveau céréale, le Sénégal peut être autosuffisant en céréale.

‘Au Sénégal, plus de 65 % sont des ruraux. Par conséquent, si on ne prend pas soin de l’agriculture (…), si le gouvernement ne soutient pas en vivres de soudure les hommes et le bétail, ce sera catastrophique’.

Wal Fadjri : Cela n’a-t-il jamais été appliqué ?

Saliou Sarr : Justement, c’est là où le Cncr dénonce le pilotage à vue pendant toutes ces années. Pour mettre un terme à ce pilotage à vue, nous avons tapé sur la table à partir de 2000 pour que le Sénégal puisse avoir une loi d’orientation, une politique agricole. On y est arrivé en 2004, une loi a été créée, mais de cette date à 2006, au moins dix-huit mesures devaient être réalisées et jusqu’à ce jour, aucune n’a été appliquée. On a créé une loi d’orientation sur vingt ans, mais en termes d’application, rien n’a été fait. Cela veut dire qu’on n’a toujours pas une politique agricole. C’est ce pilotage à vue qui fait que, chaque année, l’on nous dit que l’objectif, c’est un million de tonnes de maïs, de manioc, de bissap…C’est pourquoi le Sénégal ne peut pas être dans une situation de sécurité et d’autosuffisance alimentaire. Nous avons tout le temps dénoncé cette démarche, mais ne sommes pas encore entendus. Mais nous ne baisserons pas les bras. Au Sénégal, plus de 65 % sont des ruraux. Par conséquent, si on ne prend pas soin de l’agriculture, c’est toujours des situations de détresse. La preuve, contrairement aux autres années où c’est le Cncr qui tirait la sonnette d’alarme, cette année, c’est les présidents de communauté rurale, c’est Caritas ou d’autres acteurs du monde rural qui disent que la situation est dramatique. Et que si le gouvernement ne soutient pas en vivres de soudure les hommes et le bétail, ce sera catastrophique.

Wal Fadjri : L’autre problème semble être la qualité des semences d’arachide. Vous êtes membre de l’Association sénégalaise pour la promotion des petits projets de développement de base (Asprodeb). Qu’est-ce qui est fait au niveau de cette structure pour reconstituer le capital semencier ?

Saliou Sarr : Après la dissolution de la Sonagraine qui a, du coup, fait disparaître le stock semencier certifié qui existait au Sénégal, à la demande des paysans, l’Asprodeb a décidé de travailler pour la reconstitution du capital semencier. Nous avons constaté depuis des années que l’Etat du Sénégal, par le biais de l’Isra, produit quarante tonnes de prè-base mais, au fil du temps, on ne retrouve pas les autres niveaux de multiplication, c’est-à-dire la base N1 et N2. Nous avons dit que, pour bien faire une reconstitution du capital semencier, il faut organiser ces différents niveaux. C’est ce que nous avons fait comme schéma en disant que tous ces niveaux vont être dans un réseau national de production de semencier. Pour mieux l’organiser, non seulement nous avons fait une spécialisation des producteurs de production de base qui sont devenus des producteurs de production de N1 et N2. Mais pour mieux sécuriser la base qui vient de l’après base de l’Isra, nous l’avons installée au niveau du fleuve Sénégal où on a une maîtrise de l’irrigation. Nous avons démarré en 2007 et identifié les producteurs aptes à le faire à partir de critères professionnels. Ces paysans ont été sélectionnés, formés par l’Isra et ont commencé la production. On avait prévu six tonnes de prè-base, mais l’Isra ne pouvait pas nous donner six tonnes, il nous a vendu 1 750 kilos sur deux variétés d’arachides. Nous avons commencé sur vingt hectares et, aujourd’hui, il y a une bonne production en ce sens que vingt-cinq tonnes de semences de base certifiées ont été collectées, conditionnées dans des sacs et stockées dans des magasins sécurisés. Cette production va être redonnée au groupe de N1 qui est dans le bassin arachide et qui va la multiplier. Et en 2009, on va refaire la multiplication en N2. Parce que c’est à partir de la N2 que le paysan peut acheter. Nous sommes arrivés à faire tout cela à partir du Programme des services agricoles appuis aux organisations de producteurs (Psaop). Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal a pensé que c’est une bonne démarche qu’il faut amplifier. Et l’Union européenne va appuyer. Nous avons maintenant, à partir de 2008, des projets de quarante tonnes qui vont être multipliés par dix. Et d’après les calculs, nous pensons qu’en décembre 2010, cette opération pourra produire soixante-dix neuf mille tonnes de semences N2 certifiées. Mais comme tous les paysans ne peuvent pas avoir de semences certifiées, nous avons aussi pensé à la reconstitution des stocks semences améliorées communautaires. Par conséquent, parallèlement, nous allons travailler à la production de semence améliorée communautaire. Et à ce niveau, nous estimons avoir, en décembre 2010, trente-sept mille tonnes. Cela veut dire qu’avec au moins soixante-dix mille tonnes de semences certifiées et trente-sept mille de semences améliorées communautaires, le Sénégal aura, en 2010, une semence suffisante d’arachide de qualité en N2 certifié et en semence améliorée.

‘Avec la flambée du prix du pétrole, le coût de production au niveau intérieur des pays asiatiques s’est effectivement relevé de même que celui du fret. Mais cela ne justifie pas le prix actuel du riz’.

Wal Fadjri : Quelle est la différence entre semence certifiée et semence améliorée communautaire ?

Saliou Sarr : La semence certifiée, c’est celle qui est suivie par les structures spécialisées. Parce que, légalement, dans certains pays, pour obtenir de la semence, il faut faire une déclaration de culture. Il faut être agréé, suivi au niveau de la culture, de la production, de la récolte avec des tickets de certification. Alors que pour la semence améliorée, ce sont, comme le disent certains, des réserves personnelles. Ce n’est pas une production qui est déclarée et suivie comme la semence certifiée. C’est une production de qualité du producteur. La filière arachide repensée de ce point vue, en termes de semence de qualité, de disponibilité d’intrants à temps, de suivi et d’encadrement des paysans, peut redevenir une grande filière comme pendant la période où le Sénégal obtenait des productions d’un million de tonnes d’arachides. Ce qui fera énormément d’argent pour ce pays, et cela peut effectivement booster non seulement le taux de croissance au niveau agricole, mais aussi au niveau national.

Wal Fadjri : Bien qu’étant importé, trouvez-vous normal la hausse du prix du riz ?

Saliou Sarr : Contrairement au blé et au maïs, le marché mondial du riz est résiduel, il n’est que de 4 %. Les grands producteurs de riz en sont en même temps les grands consommateurs. Nous avons toujours dit que, comme le Sénégal est un grand consommateur de riz et comme il a le potentiel pour produire son propre riz, il fallait créer ces conditions. Parce que vu la conjoncture du marché mondial, il n’est pas prudent de ne pas créer les conditions de son autosuffisance. Aujourd’hui, ce problème se pose. Depuis quinze ans, les stocks de sécurité du riz ont baissé jusqu’en 2006 autour de cent millions de tonnes alors que, dans le passé, c’était cent soixante millions. Ce sont ces stocks de riz au niveau mondial qui sont en train de se reconstituer et qui pompent l’offre qui est déjà résiduelle. Avec la flambée du prix du pétrole, le coût de production au niveau intérieur des pays asiatiques s’est effectivement relevé de même que celui du fret. Mais cela ne justifie pas le prix actuel du riz. Le problème du prix du riz importé a toujours été un problème de marge bénéficiaire super élevée des commerçants sénégalais. Aujourd’hui, le prix à la tonne du riz que le Sénégal importe entre octobre et décembre a été de 304 dollars. Si on met l’assurance, le fret, la taxe de l’Uemoa qui a été de 12, 5 francs et que le gouvernement a diminuée à 7,2 francs, même avec une marge de 20 000 francs la tonnes, le sac de riz devrait coûter dans l’ordre de 11 000 francs. C’est pourquoi je dis qu’un sac de riz à 14 000 francs, malgré la hausse des prix à l’importation, ne se justifie pas. Sinon c’est un super bénéfice du commerçant. 



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