SUITE DE L’ENQUETE SUR L’AEROPORT DE DAKAR : Sénégal Airlines clouée au décollage

Que de  frustrations enregistrées au niveau des cadres de la défunte compagnie, Air Sénégal International ! Des cadres qui considèrent qu’ils ont été manipulés pour plonger Air Sénégal International dans la faillite pour ensuite être pressés comme du citron lorsqu’il s’est agi de proposer un Cahier des charges pour la nouvelle entreprise, Sénégal Airlines et enfin jetés à la poubelle, dans les montages en cours. Pour nos interlocuteurs, si la machine de Sénégal Airlines tarde à déployer ses ailes dans le ciel, c’est parce que des dysfonctionnements sont constatés en amont. Ce que réfutent des sources proches de Karim Wade.

Quel rôle les travailleurs ont-ils joué dans la faillite d’Air Sénégal International ? Ce rôle n’est  toujours pas évalué,   mais pour des sources internes à la défunte boîte, « il a été décisif ». Sabotage, grève de zèle, espionnage en faveur de l’Etat du Sénégal et de Karim Wade qui tirait les ficelles dans l’ombre. Les Marocains ont vite été dépeints par les délégués du personnel comme des fossoyeurs de l’économie nationale et le montage de la défunte société a été dénoncé et présenté comme une supercherie. C’est pourquoi, lorsque la faillite a été  déclarée, après le blocage des comptes d’Asi, très vite le centre d’intérêt des cadres de la société s’est transposé à l’immeuble Tamaro où plusieurs réunions se sont tenues, alors que le cadavre Air Sénégal International n’est pas encore tout à fait frais. C’est ainsi que le Cahier des charges de la future société Sénégal Airlines qui devait naître des cendres d’Asi, sera confectionné par les plus hauts cadres de l’ancien fleuron de la coopération sénégalo-marocaine. Il est vrai que le montage d’Asie favorisait très largement les intérêts marocains qui contrôlaient tous les leviers de la boîte, postes clefs dans la besace, au point que le Président du conseil d’administration de la société, Maniang Faye, était vu comme un pantin pour juste maquiller la prédominance marocaine. S’y ajoute qu’Air Sénégal travaillait plus pour Royal Air Maroc que pour le Sénégal, au point que Casablanca avait fini par devenir le véritable hub, transformant Dakar en zone de transit. C’est en tout cas l’argument avancé par des sources proches de Karim Wade. Mais les cadres d’Asi ne décolèrent toujours pas. Eux qui ont proposé le Projet d’organisation d’un organisme de maintenance agréé (Oma), sorte d’esquisse de business plan qui va  inspirer le document stratégique, fondateur du Groupe Air Sénégal (Gas). Ils voient d’ailleurs dans la nouvelle société, une manière de « capter des sous », loin des regards et de la comptabilité officielle.

Le nouveau visage de l’aéronautique au Sénégal

Les autorités ont beaucoup communiqué sur la prochaine  société « exclusivement sénégalaise », selon leurs termes, sans trop parler du business connexe qui accompagne l’entreprise. Sénégal Airlines (qui n’a pas encore de logo) n’est que la face visible de l’iceberg des montages en cours. Les activités de la société, Groupe Air Sénégal (Gas), excédent en effet la sphère de Sénégal Airlines. Outre le transport aérien, les activités de Gas vont s’étaler à l’assistance au sol (présentement assurée par cinq sociétés dont les plus célèbres sont Ahs et Shs), à la maintenance (par la création d’une société Ema Industries dont le capital sera ouvert à la compagnie Gas) et à la formation. Nous savons aussi que le nombre d’actions émises dans cette opération s’élève en volume total à 1,5 millions, avec une valeur nominale estimée à 10.000 francs CFA. Les privés sénégalais (Serigne Mboup, Ousmane Diop, Directeur de Senbus, Serigne Mboup, patron de la Ccbm, Kader Mbacké, Directeur général de Dangote Group, Cheikh Amar, président Directeur Général de Tse, Racine Sy, Baïdy Agne, Président du Comité du patronat sénégalais…) se taillent la part du lion avec 64% des actions, les structures publiques et l’Etat du Sénégal, 31% alors que les 5% qui restent reviennent aux salariés. Le groupe Gas, prenant en compte l’énorme potentiel que confère l’aéroport de Dakar, où les prévisions en volume de trafic devraient doubler dans 6 ans et tripler dans 12 ans, compte arracher le très juteux marché du pèlerinage en même temps qu’il veut poser ses tentacules, sur le marché de l’Afrique de l’ouest en forte progression. Un objectif qui s’adosse sur le positionnement géographique du Sénégal mais qui sera difficile à réaliser au vu des nombreuses contraintes identifiées, au premier rang desquelles la nomination d’un directeur général au curriculum « rachitique » selon les termes de spécialistes du secteur.

Erreur de casting, actionnaires triés au volet

Un homme d’affaires sénégalais intéressé par le montage de cette nouvelle société, s’est présenté avec son chéquier, un des plus lourds au Sénégal. Il s’agit de Yérim Sow qui a la bonne ou mauvaise réputation d’être proche du Président Wade, tout en cultivant la  distance avec son fils Karim Wade. C’est sans doute ce qui explique sa mise à l’écart car pressenti au départ parmi les actionnaires, il est invisible sur la liste finale. Le boss de Teylium avait pourtant mis sur la table, selon nos sources, plusieurs milliards. Les mêmes sources avancent que c’est Karim Wade en personne qui se serait opposé à l’opération. Une information non confirmée par l’entourage de ce dernier. Il semble d’ailleurs qu’il ne soit pas le seul à avoir manifesté un intérêt à participer au business, pour se voir opposer un veto. Que peut bien cacher cet ostracisme au moment où des poids plumes, n’ayant aucune consistance financière, sinon que par la réputation, sont admis dans le saint des saints ? Ces derniers portent-ils les actions d’autres personnes ? S’achemine-t-on vers le même montage que celui constaté dans le Handling ou dans des agences comme les Aéroports du Sénégal où l’indéboulonnable Mbaye  Ndiaye a pour contrôleur interne son propre fils ?

Le Directeur général en question

Plusieurs sources remettent en cause les capacités du nouveau directeur général, Edgardo Badiali, à bien se tenir dans la « cabine de pilotage » de Sénégal Airlines. Si les membres du Conseil d’administration de la compagnie nationale ont porté leur choix sur Edgardo Badiali, on assure du côté du service de la communication du ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports terrestres et des Infrastructures (Micatti) que c’est suite à un «avis international de recrutement », lancé le 18 février  2010. Et neuf candidats de différentes nationalités ont été présélectionnés. Le processus de désignation du nouveau Directeur général de Sénégal Airlines s’est ensuite déroulé en trois étapes, avant d’être validé par le Conseil d’administration. Parmi les neuf candidats qui ont été présélectionnés par le comité de sélection, M. Edgardo Badiali est celui qui répond le mieux aux critères définis pour diriger Sénégal Airlines», assure-t-on. Aussi, «c’est l’aboutissement d’un long processus à la fois rigoureux  et  transparent», comme l’a si bien relevé le journal Le Quotidien.

Un argument que le ne partagent pas plusieurs sources établies à l’aéroport qui estiment que son bilan dans les sociétés qu’il a eu à diriger, MyAir, où il a été « renvoyé » de son poste de Dg, ou en Inde où il dirigeait Go Air, est « mauvais ». Nos interlocuteurs qui s’étonnent aussi qu’on puisse installer, avant même que les activités de Sénégal Airlines soient effectives, un commissaire aux comptes, le même que celui de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci), à savoir le Cice de Mansour Gaye et un directeur et un directeur financier Seydou Danfakha (un ancien de la Royal Air Maroc). Toutes choses qui font qu’on n’espère pas voir Sénégal Airlines voler de sitôt.