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Economie

Turbulences : Pourquoi l’inflation mondiale frappe-t-elle aussi durement l’Afrique ? D’où vient-elle ? Que faire pour l’avenir ?

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Turbulences : Pourquoi l’inflation mondiale frappe-t-elle aussi durement l’Afrique ? D’où vient-elle ? Que faire pour l’avenir ?
Alors que l’Afrique est un continent majoritairement agricole, la FAO affirme que de nombreux pays africains sont largement touchés par la pénurie des denrées alimentaires. Quels sont les facteurs conjoncturels et structurels qui expliquent pourquoi l’Afrique est aussi farouchement touchée par l’inflation mondiale ? Quelles politiques de développement adopter pour y remédier dans l’avenir ?

Les facteurs conjoncturels internationaux

La crise des subprimes

L’économie mondiale connaît une période de récession entraînée par un concours de plusieurs phénomènes. Au niveau du système financier international, tout a commencé avec les subprimes, ces crédits immobiliers à taux variables consentis abondamment par les banques américaines aux ménages sans tenir compte de leurs capacités de remboursement. Il y a ensuite eu une hausse des taux d’intérêts qui, les crédits étant à taux variables, a gonflé le montant que les ménages américains devaient rendre à leurs banques pour rembourser leurs crédits. Conséquence, les maisons ont été saisies par les banques et vendues avec une grande décote financière, non seulement parce que l’offre de maisons était largement supérieure à sa demande, mais aussi parce que les banques avaient un besoin urgent de refaire le trou que les crédits consentis avaient fait dans leurs fonds propres. Ces expulsions et ventes en cascade de maisons ont entraîné la hausse des créances douteuses dans les bilans des banques qui s’étaient en plus lancées dans des opérations de titrisation complexes (transformation des crédit immobiliers en valeurs mobilières) entre elles au sein du marché interbancaire (marché où les banques s’échangent leurs excédents et leurs déficits), et des marchés financiers : d’où la crise des subprimes qui, étant donné le caractère interconnecté du système bancaire international, et le poids du système financier américain, affecte la politique de crédit internationale par la hausse des taux débiteurs et la perte de confiance entre les banques dont certaines, comme Gordon Rock, sont tombées en faillite. En conséquence, la Réserve fédérale américaine (FED) et la Bank of England sont intervenues pour injecter des liquidités dans l’économie qui en avait grand besoin : cet enchaînement de faits constitue la première cause de l’inflation mondiale actuelle.

La hausse du prix du pétrole

Le pétrole est la principale source d’énergie des économies industrialisées. Son prix est en hausse en ce moment (114 $ le baril) parce que sa demande a augmentée plus que d’habitude suite à l’industrialisation rapide notamment de la Chine et de l’Inde qui, avec des systèmes productifs hautement énergivores, et leurs immenses populations, consomment beaucoup de pétrole pour alimenter leur croissance à deux chiffres. En outre, la tendance haussière du prix du pétrole se renforce par le fait que l’énorme déficit public américain, et la crise des subprimes entraînent une défiance vis-à-vis du dollar américain au bénéfice du pétrole. Autrement dit, le pétrole voit encore sa demande augmenter parce qu’il devient plus sûr d’avoir des actifs libellés en or noir qu’en dollar américain : il devient une valeur refuge pour de nombreux acteurs économiques. C’est la deuxième source de l’inflation mondiale.

La hausse et la diversification de la demande des produits alimentaires

Cette hausse est due à trois principaux paramètres. D’abord, la naissance des classes moyennes dans de nombreux pays émergents (Chine, Inde, Brésil…) entraîne une homogénéisation des habitudes alimentaires entre l’Asie, l’Occident et l’Amérique latine. D’où une augmentation des prix liée au fait que la hausse de la demande mondiale de denrées alimentaires est plus grande que celle de l’offre. Ensuite, le fait que plusieurs pays fassent des recherches sur les biocarburants, entraîne tant une hausse supplémentaire de certains produits agricoles de consommation courante, qu’une concurrence entre la demande mondiale pour consommer, et la demande mondiale pour fabriquer des biocarburants devenus plus attractifs suite à la flambée du prix du baril. Il en résulte une rareté des produits alimentaires alors que la demande se diversifie et augmente. Enfin, échaudés par la crise des subprimes, de nombreux spéculateurs se sont mis à placer leurs ressources financières sur les matières alimentaires (soja, riz, maïs, blé…) qui voient ainsi leurs prix s’envoler en un temps record : c’est la troisième cause de l’inflation mondiale.

L’impact des facteurs conjoncturels sur les structures productives africaines

Quels sont les facteurs multiplicateurs des effets de cette conjoncture économique internationale sur les populations africaines ?

Un environnement politique favorable aux émeutes

Il faut dire que la hausse des prix généralisée qui frappe de nombreux pays africains agit surtout comme « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » des souffrances sociales endurées par des populations au sein de régimes instables, peu crédibles et largement contestés. Situation qui constitue un terreau fertile aux émeutes urbaines dont les mobiles ne sont pas seulement la hausse des prix, mais des problèmes sociopolitiques de fond ayant depuis longtemps mis les populations « sur les dents ». La hausse des prix des denrées alimentaires ne constitue ainsi que l’élément en trop qui sert de catalyseur à l’embrasement général. Autrement dit, la hausse des prix affecte bien la Côte-d’Ivoire, le Tchad, le Soudan, le Kenya ou le Zimbabwe, mais elle vient se greffer sur une situation sociopolitique déjà hautement conflictuelle, délétère et explosive que seule, le fait de manger à sa faim, tempérait encore. Le prototype de ce cas est le Cameroun qui, bien que connaissant une inflation des produits de bases, n’est pas cité par la FAO comme un pays connaissant une pénurie des produits alimentaires. Ici, l’inflation est venue renforcer l’exaspération et la frustration d’une population qui acceptait déjà très mal le projet de révision constitutionnelle introduit par l’actuel président pour se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam. Il apparaît ainsi que l’inflation mondiale se répercute avec d’autant plus d’ampleur sur l’Afrique qu’elle s’y joint à une batterie de souffrances sociales, et de contestations des régimes en place par les populations africaines.

Les systèmes financiers africains

Libéralisés depuis les ajustements structurels des années 1980, les grandes banques africaines sont interconnectées aux banques privées internationales en crise dont elles sont des filiales. Ceci étant, il va sans dire que la hausse du coût du crédit sur le plan international se répercute aussi sur le coût du crédit en Afrique pour celles des populations qui y ont accès. Celles des populations africaines qui subissent le rationnement du crédit du système bancaire officiel ne sont pas épargnées. Elles sont doublement sanctionnées : d’un côté, les marchés financiers étant encore peu développés, la baisse de la masse monétaire qui résulte du manque de liquidité actuelle, réduit le montant du numéraire (pièces et billets) qu’elles utilisent abondamment dans les circuits informels. De l’autre, ce manque de liquidité entraîne une hausse des taux d’intérêts informels pour ceux qui y empruntent. Il devient donc très difficile de consommer car avoir de l’argent devient très coûteux, et les prix des produits augmentent parce que le marchand du coin achète plus cher et vend aussi obligatoirement plus cher.

La division coloniale du travail

En ce qui concerne la structure des économies africaines et l’impact que la conjoncture internationale a sur elles, une chose banale mais fondamentale est à savoir : la coopération entre ces pays et l’Occident n’a pas entraîné une modification et une diversification de leurs structures productives. Celles-ci restent confinées dans la production et l’exportation de produits primaires à très faible élasticité-prix de la demande, et dans l’importation des produits manufacturés à haute valeur ajoutée et donc, plus coûteux. Les conséquences de cette réalité sont désastreuses. Primo, l’économie africaine demeure dans une logique de complémentarité alors que le moteur du commerce international est la concurrence. Secundo, les balances commerciales africaines sont généralement déficitaires car ce que les pays africains importent coûte largement plus cher que ce qu’ils exportent. Tertio, les pays africains sont en général dans une situation de grande dépendance en ce sens que leur activité économique dépend largement des facteurs externes qu’ils ne maîtrisent pas comme les conditions climatiques, les termes de l’échange et la demande mondiale des produits de base. Etant donné que tous ces facteurs réduisent inévitablement les capacités de création d’emplois du marché du travail africain, l’action première des gouvernements africains est de chercher à réduire drastiquement cette dépendance par la diversification des structures productives.

En outre, le pétrole étant la variable centrale des coûts de production des produits manufacturés importés par les pays africains, la hausse de son prix se répercute immédiatement sur leurs prix de vente et, par conséquent, sur le consommateur africain. La mondialisation renforçant les interdépendances entre les économies, l’inflation internationale par les coûts que nous venons de mettre en évidence, atteint l’Afrique de plein fouet par la détérioration de sa balance commerciale sur le plan macro (voir carte en annexe), et une érosion drastique du pouvoir d’achat des ménages sur le plan micro. Donc, non seulement l’extraversion des économies africaines amplifie leur sensibilité aux variations des cours mondiaux de matières premières, mais il y a aussi, depuis la période coloniale, une éviction des produits vivriers nécessaires à la consommation courante, par des produits de rentes exportables (cacao, café, coton…). Un bémol s’impose cependant : la hausse du prix du pétrole apporte aussi beaucoup de ressources aux pays africains qui en produisent mais dont les populations ne voient jamais la couleur. Les Camerounais en savent quelque chose étant donné que les ressources générées par l’exportation de l’or noir ont toujours été une affaire secrète entre la présidence de la république, le directeur de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et leurs associés extérieurs.

Le chômage chronique et massif des populations urbaines

Avec une structure productive très étroite et dépendante parce que confinée sur les produits de base, avec un système bancaire extraverti qui accorde plus facilement un crédit pour acheter une Peugeot que pour faire de l’agriculture ou pour créer une micro entreprise, avec des États sous ajustements structurels draconiens et avec des dirigeants politiques plus enclins aux consommations somptuaires qu’aux investissements productifs, le marché du travail africain est incapable de faire travailler de nombreux Africains parce que l’offre de travail y est largement supérieur à la demande. En conséquence, les chômeurs structurels, conjoncturels, frictionnels, déguisés et techniques s’accumulent au point où les pays africains connaissent actuellement une situation de stagflation. C'est-à-dire, un état de chômage élevé et d’inflation élevée au même moment. La masse de chômeurs étant sans ressources et sans sécurité sociale, les populations africaines subissent de plein fouet l’inflation mondiale qui érode encore plus leurs maigres revenus acquis dans l’économie populaire (informelle). Cela se traduit par le pain, l’huile, le riz, le sucre, la farine, l’essence qui deviennent hors de prix et, par conséquent, hors de portée de l’Africain ordinaire. Même si les populations rurales subissent aussi l’inflation par les coûts des produits manufacturés, le fait d’habiter en zones rurales et donc, d’avoir ses champs, y atténue les effets dévastateurs de l’inflation des denrées alimentaires par rapport aux zones urbaines où le pouvoir d’achat règne en maître alors que la majeure partie des citadins est au chômage.

Quelle politique de développement adopter ?

Les problèmes de structure font appel au temps long nécessaire à leur modification. Les mesures de court terme sont conjoncturelles et ne peuvent avoir que des effets de circonstance. C’est le cas de la hausse des salaires au Cameroun alors que la majeure partie de la population camerounaise se trouve dans le secteur de l’économie populaire où elle ne perçoit aucun salaire. Qui plus est, le salaire est lui-même un prix (coût de production) dont la hausse ne fait que renforcer le cycle de l’inflation tout en plaçant les populations dans une situation d’illusion monétaire. C’est aussi le cas de la suppression des taxes à l’importation ou de la réduction de la TVA comme en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Cameroun. Le Burkina Faso a créé une commission parlementaire contre la « vie chère », le Sénégal a annoncé la relance d’un « programme national d’autosuffisance » et la Sierra Leone vise désormais l’autosuffisance en riz à l’horizon 2009. L’Egypte, qui a mobilisé les boulangeries de l’armée pour faire face à la pénurie de pain, a dû décider de suspendre pendant six mois ses exportations de riz à partir du 1er avril 2008. Éviter ces situations de panique exige non seulement une politique de long terme dont le but est de changer les structures afin qu’elles soient plus à même d’amortir les effets conjoncturels internationaux, mais d’avoir des politiques prévoyants. Ceci passe par la mise en place des structures productives moins étroites et moins dépendantes, des banques au service du développement endogène, la construction de la coopération intra-régionale et interrégionale, et des pouvoirs politiques moins attentistes.

Un pouvoir politique compétent, prévoyant et axé sur l’amélioration du bien-être des populations

Comme le disait Max Weber dans le savant et le politique, la fonction du politique est l’action. C’est lui qui doit transformer en réalités concrètes, les conclusions que les scientifiques proposent comme solutions possibles aux problèmes auxquels fait face une société. Dans le cas de l’Afrique, force est de constater, en dehors de quelques exceptions en Afrique du Nord et en république sud africaine, que le politique, au sens de mode de régulation d’un espace instable et conflictuel, est plus préoccupé par la satisfaction à court terme d’intérêts généalogiques et claniques, que par la prise et l’application de mesures structurelles pouvant assurer le bien-être à long terme des populations. C’est en grande partie à cause de la médiocrité politique des ses dirigeants, que l’Afrique connaît encore, au niveau de se structures productives, les mêmes problèmes que pendant l’Etat-colonial. Comment en effet améliorer la vie des populations et renforcer la légitimité d’un pouvoir lorsque l’aide publique au développement est détournée à des fins privées au même titre que les deniers publics qui auraient dû permettre d’élargir le spectre des biens publics et de créer des empois par des investissements productifs ? Les populations qui subissent les effets négatifs de ce dysfonctionnement généralisé dans leur vie quotidienne s’appauvrissent de plus en plus et ne peuvent qu’être très durement frappées par une hausse des prix qui obère encore plus le coût de la vie.

C’est le même pouvoir politique qui doit faire de bons arbitrages entre les objectifs à poursuivre à court à moyen ou à long terme. Il est paradoxal qu’un pays comme le Sénégal, importateur net de plusieurs produits alimentaires, se lance dans la recherche sur les biocarburants sans au préalable garantir son autosuffisance alimentaire. Le développement durable est certes important, mais il ne peut se faire en oubliant la satisfaction des besoins des générations actuelles dont la mort exclut tout futur. Un choix plus judicieux aurait été celui de nourrir d’abord les Sénégalais avant de chercher du biocarburant pour leurs voitures qui, de toute façon, ne peuvent circuler si leurs conducteurs meurent de faim. L’autosuffisance alimentaire est la priorité des priorités dans la mesure où aucun pays au monde ne s’est développé sans elle.

De nombreux pays africains devraient aussi réformer leurs systèmes éducatifs hérités de la période coloniale où les puissances coloniales avaient pour objectifs de formater les esprits africains à la culture occidentale. Ceux qui connaissent l’Afrique sont sûrement au courant du fait que les chômeurs sont généralement des hommes et des femmes avec plusieurs diplômes. Ils se retrouvent cependant très souvent au chômage parce qu’ils possèdent un stock inestimable de connaissance théorique et pratiques ne correspondant pas aux besoins du marché du travail local : il en résulte un chômage structurel massif car les têtes sont pleines d’acquis culturels occidentaux généralement inutiles et inadaptées au contexte africain. Il appartient aux politiques de faire une réforme des systèmes éducatifs en s’inspirant des demandes de développement qui s’expriment dans leurs pays et leurs sous régions. Il est paradoxal, lorsqu’on analyse les économies africaines, de constater que les budgets sont majoritairement orientés vers les secteurs secondaires et tertiaires qui certes contribuent plus à la création de la valeur ajoutée, mais créent aussi le moins d’emplois pour les populations. L’économie populaire constitue pourtant un creuset dynamique d’initiatives et d’activités de circulation, de production, de consommation et de crédit desquels peuvent s’inspirer les Etats africains pour promouvoir des activités génératrices de revenus en parallèle des activités d’import/export. Sans nier l’importance des connaissances théoriques acquise à l’école occidentale, il est temps que plusieurs pays africains sortent du culte du diplôme inutile pour s’orienter vers des connaissances pratiques plus adaptées aux besoins locaux et sous-régionaux.

Certaines mesures sont aussi à prendre vis-à-vis de la Chine. Elles peuvent permettre aux Africains non seulement d’accéder à l’emploi et de moins subir les effets de l’inflation, mais aussi de diversifier leurs structures productives. Il est connu de tous actuellement que les parts de marché de la Chine sont désormais supérieures à celles des anciennes puissances coloniales en Afrique. Il est aussi connu que la coopération sino-africaine n’est pas exploitée au mieux par les dirigeants africains. En voici quelques faits stylisés :

- les Chinois gagent des marchés publics en Afrique mais viennent avec des travailleurs chinois dans leurs valises, ils n’emploient donc les Africains que de façon résiduelle et contribuent très peu à résorber le chômage ;
- les Chinois font de plus en plus de l’agriculture en Afrique pour exporter en Chine et vendre en Occident ;
- les entreprises chinoises ne recrutent les Africains que dans les postes subalternes.

Les politiques africains peuvent remédier à cette situation. Ceci peut se faire respectivement par :

- des contrats avec la Chine qui exigent plus de 60 % d’Africains dans les chantiers et les marchés publics que gagnent les entreprises chinoises ;
- une obligation de vendre localement 50 % de la production agricole chinoise issue des terres africaines ;
- une obligation d’avoir des Africains qualifiés à des postes de responsabilité ;
- une exigence d’apprendre la technologie aux techniciens africains.

Entre autres, de telles mesures permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat et de former des compétences qui élargiraient les possibilités du marché du travail africain. L’Afrique a des matières premières dont ne peut se passer actuellement la Chine. Il semble logique et possible de faire du donnant-donnant et de profiter de la présence chinoise pour élargir son marché d’emploi, et réduire sa dépendance aux produits primaires en introduisant des clauses contractuelles où les Africains reçoivent des Chinois des savoirs sur comment fabriquer des jouets, des motocyclettes, des vélos, des montres, des téléviseurs, des chaussures par le biais de joint-venture.

Privilégier et organiser la coopération entre pays africains

Une autre solution pour éviter le type d’émeutes alimentaires que connaît actuellement l’Afrique réside dans le renforcement des Accords politiques et économiques entre pays africains aux potentialités variables, mais complémentaires. Un pays comme le Cameroun largement autosuffisant sur le plan alimentaire, connaît actuellement une inflation du prix du carburant alors que ses voisins les plus immédiats (Nigeria, Gabon et Guinée Equatoriale) sont de grands producteurs et exportateurs mondiaux de pétrole. Etant donné, d’une part que le Nigeria et le Gabon importent des produits agricoles parce que leur secteur pétrolier a complètement déstructuré leur secteur agricole (syndrome hollandais), et d’autre part, que le Cameroun importe du pétrole parce que sa production est de plus est plus faible, il semble rationnel que le Cameroun, le Nigeria et le Gabon établissent des contrats commerciaux complémentaires sur la base pétrole contre nourriture. De tels accords permettraient à ces pays non seulement d’exploiter de façon plus rationnelle leurs dotations factorielles différentes, mais aussi d’avoir la capacité de réguler leurs prix dans le cadre de leurs échanges interafricains.

Le renforcement de la coopération entre pays africains est aussi fondamental dans la recherche des solutions au problème du chômage massif des populations. D’où l’importance de faciliter la circulation des hommes entre plusieurs pays africains car la mobilité est un facteur d’intégration au marché du travail. Tant qu’il sera plus difficile à un Camerounais d’aller en Guinée Equatoriale ou au Gabon pour chercher du travail, qu’à un Français d’aller au Gabon ou en Guinée Equatoriale pour le même motif, chaque pays africains sera individuellement incapable de donner de l’emploi à tous ses citoyens au chômage. Le marché du travail devrait être construit à l’échelle africaine et non nationale. Les choses ne semblent pas aller dans ce sens comme le prouvent les nationalismes égoïstes qui resurgissent dès lors qu’un pays, initialement prêt à collaborer à l’intégration sous-régionale, se rétracte une fois d’énormes réserves de pétrole découverts sur son territoire. Comme quoi, un pays africain est plus enclin à collaborer avec les autres quand il est pauvre, que quand il découvre qu’il est potentiellement très riche : les citoyens des pays voisins deviennent subitement des profiteurs à pourchasser alors que ce sont des potentialités à exploiter.

Ajuster la coopération et certaines politiques internationales en matière de développement

Il est un proverbe africain qui dit que « l’homme le plus méchant au monde est celui qui tue quelqu’un et va ensuite à son deuil où il pleure à chaudes larmes ». Ceci dit, les complaintes actuelles du FMI et de la BM par rapport aux émeutes alimentaires en Afrique peuvent être considérées comme « des larmes des crocodiles » tant ces deux institutions ont complètement démantelé les systèmes agricoles africains par les mesures de libéralisation tous azimuts qui ont écarté l’Etat africain de son rôle de soutien à ce secteur et aux paysans. Aussi, faire semblant aujourd’hui de prendre des mesures de sauvetage relève de la pure stratégie du pompier-pyromane. Est-il raisonnable, lorsqu’on analyse l’histoire du développement, d’imposer une libéralisation tous azimuts aux pays africains au stade où ils se trouvent ? Pourquoi l’Afrique doit libéraliser son secteur agricole quand les USA et l’Europe subventionnent leurs agriculteurs et leurs politiques agricoles qui viennent faire une concurrence déloyale aux produits africains ? Comment est-ce que l’Afrique peut poursuivre ses propres objectifs de développement lorsque, après la privatisation de son système bancaire, toutes ses banques majeures sont des filiales des banques internationales privées qui ne financent pas les micros entreprises locales, mais font des placements dans les grandes places financières occidentales ? Comment avoir une politique monétaire et de change autonome en Afrique noire, et lutter contre l’inflation lorsque le FCFA reste un sous-multiple d’un Euro dont le niveau actuel obère encore plus les importations africaines alors que son taux de change est géré par une Banque centrale indépendante ? Comment assurer l’autosuffisance alimentaire à long terme quand le FMI exige actuellement la privatisation de la terre en Afrique afin, selon lui, de mieux définir les droits de propriété et d’augmenter la production ?

Il s’agit là, de quelques questions cruciales qui vont parfois au-delà des compétences des seuls pays africains. Ces questions nécessitent des réponses favorables au développement et non à la promotion de la simple idéologie libérale qui, comme le montrent les émeutes alimentaires et le cycle inflationniste mondial actuels, va de catastrophes en catastrophes. Il est dès lors regrettable de voir les Chefs d’Etat africain signer les APE en rangs dispersés alors qu’ils auraient dû défendre leurs intérêts en faisant bloc.

Thierry Amougou ( [email protected] )



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