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Dégradation des sols : Dr Alfred Tine (DG INP) dévoile la cartographie des zones les plus touchées

Auteur: Thiebeu Ndiaye

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Les terres agricoles sénégalaises subissent une dégradation croissante, principalement due à la salinisation et à l’érosion hydrique. Selon des données non actualisées, plus de 2 millions d’hectares sont affectés. Dans cet entretien accordé à Seneweb, Dr Alfred Kouly Tine, Directeur général de l’Institut national de pédologie (INP), présente la cartographie nationale des sols, identifiant les zones les plus touchées par la salinisation. L’expert pédologue détaille les programmes de son institution pour restaurer ces terres via l’usage d’engrais organiques et la valorisation des déchets d’abattoirs (bouses de vaches, abats, etc.), contribuant ainsi à la souveraineté alimentaire. Entretien !
Quelle est la superficie des terres arables au Sénégal ?
Selon la cartographie de l’Institut national de pédologie (Fall et al., 2010), les terres aptes à l’agriculture s’élèvent à 12 413 374,35 hectares, soit 63 % du territoire. En 2023, l’Agence nationale de l’aménagement des terres (ANAT) estime les terres cultivées à 5 584 933 hectares. Ces études montrent une augmentation des superficies cultivées, confirmée par l’ANSD, qui note une progression de l’occupation des sols agricoles de 24,4 % en 2010 à une hausse de 13,5 % en 2015.
Qu’explique ce développement de l’activité agricole ?
Ce développement s’explique par des politiques agricoles comme le plan REVA (2006) et la GOANA (2008), ainsi que par l’installation d’agro-industriels au Sénégal. Ces derniers, par le développement du maraîchage et de l’arboriculture, ont créé de nouveaux domaines agricoles, augmentant les emblavures grâce à l’appui des politiques étatiques et des investissements privés.
En 2015, 34 % des terres étaient dégradées. La situation s’est-elle améliorée ou aggravée ?
En se basant sur les mêmes référentiels, la dégradation des sols a augmenté, sous l’effet des changements climatiques et des actions anthropiques. Selon le Cadre de partenariat pour la lutte contre la désertification (2002), 2 442 000 hectares étaient dégradés, dont 61,4 % par l’érosion hydrique, 26,4 % par la salinisation et 11,8 % par l’érosion éolienne. Ces chiffres nécessitent une mise à jour.
Quelles sont les causes de cette dégradation ?
La dégradation résulte de plusieurs facteurs : la salinisation, liée à l’intrusion marine, l’érosion hydrique et éolienne, amplifiées par l’extension des cultures et la perte de végétation, ainsi que l’acidification des sols. Les études de l’INP en 2025 révèlent une baisse de fertilité, avec des sols acides (pH de 3,7 à 5,4), pauvres en matière organique (< 1 %) et en phosphore (< 5 ppm), exacerbée par le changement climatique.
Quelles zones sont les plus touchées par la salinisation ?
Les zones fluviomarines, comme le Sine-Saloum et la Casamance, sont particulièrement affectées, notamment les vallées rizicoles ouvertes sur les bras de mer. La salinisation touche aussi les Niayes, en raison de l’avancée du biseau salé, le fleuve Sénégal (due à la brèche) et Kédougou, où elle est liée à l’altération des roches. Les vallées rizicoles du Sine-Saloum et de la Casamance restent les plus préoccupantes.
Quels sont les impacts sur l’agriculture et l’environnement ?
La salinisation entraîne une perte de terres arables, rendant la riziculture difficile et réduisant les rendements, surtout sans technologies adaptées. Elle affecte également les ressources en eau, notamment les nappes phréatiques, impactant la qualité de l’eau et la disponibilité des terres, particulièrement dans les zones côtières et centrales (Maastrichtien, Paléocène).
Quelle est la part de l’action humaine dans cette dégradation ?
L’action anthropique joue un rôle majeur. Les mauvaises pratiques agricoles, comme une fertilisation excessive avec un drainage inadéquat dans le delta du fleuve Sénégal, favorisent la salinisation. De plus, la production de sel à grande échelle dans le Sine-Saloum, mal encadrée, aggrave la dégradation en pompant des eaux marines pour créer des marais salants.
Les paysans et producteurs de sel sont-ils sensibilisés à ces impacts ?
L’INP axe ses interventions sur la récupération des sols via des digues anti-sel, des amendements organiques ou calciques (comme le phosphogypse) et le captage des eaux de ruissellement. Ces techniques permettent de désaliniser et de valoriser les terres par des amendements chimiques, le reboisement ou des méthodes mécaniques comme le drainage des eaux pluviales.
Existe-t-il un programme concret à cet effet et quels en sont les résultats ?
Oui, un programme national est en cours, notamment dans le Sine-Saloum et en Casamance, via le Fonds vert Climat et le Projet de Développement de la Chaîne de Valeur Riz (PDCVR). Ces initiatives utilisent des méthodes chimiques, biologiques et physiques pour restaurer les terres salées. Dans la région de Fatick, l’utilisation de variétés tolérantes au sel, comme l’ISRIZ 10, a permis d’atteindre des rendements de plus de 3 tonnes par hectare, des résultats probants.
L’agriculture conventionnelle, avec ses pesticides chimiques, est critiquée pour ses impacts sur la santé et l’environnement. Faut-il continuer à les utiliser ?
Les engrais chimiques, appliqués sur des sols acides, s’immobilisent et créent un environnement toxique pour les plantes et les micro-organismes, contribuant à la dégradation des sols. Une fertilisation raisonnée et l’usage de matière organique sont préconisés pour améliorer la santé des sols, réduire les risques environnementaux et préserver la santé publique. Les engrais chimiques, utilisés à doses modérées, ne posent pas de problème majeur, mais l’acidité des sols reste un défi clé.
Votre direction promeut les engrais organiques. Pouvez-vous en dire plus ?
La promotion des engrais organiques s’inscrit dans une logique de réponse au changement climatique. Contrairement aux engrais chimiques, qui se concentrent sur la plante, la matière organique améliore les propriétés physico-chimiques des sols, leur capacité de rétention d’eau et la résilience des exploitations agricoles. Cela favorise une agriculture biologique, des produits sains et la durabilité des terres.
Vous avez lancé un programme de valorisation des déchets d’abattoirs. Où en êtes-vous ?
Ce programme, en phase pilote à la Société de gestion des abattoirs du Sénégal (SOGAS), transforme les déchets solides (bouses, abats, excréments) en compost pour amender les sols, améliorer leur fertilité et augmenter les rendements. Il contribue aussi à dépolluer la baie de Hann et à créer des emplois dans une logique d’économie circulaire. Une technologie, soutenue par des partenaires, pourrait être étendue à l’échelle nationale pour valoriser les déchets d’abattoirs dans toutes les régions.
Avez-vous évalué cette phase pilote ?
La phase pilote a permis de produire plus de 400 sacs de 50 kg à partir d’un seul tas de compost. Avec 12 à 15 tonnes de résidus de panse produits quotidiennement par la SOGAS, l’objectif est d’atteindre 4 000 tonnes. Ces résidus, mélangés à de la fiente de volaille, sont analysés pour déterminer leur équivalent en engrais.
Les producteurs utilisant ce compost en sont-ils satisfaits ?
Les essais menés avec des producteurs montrent que la fertilisation organo-minérale double les rendements, démontrant l’efficacité de ce compost.
Pour la souveraineté alimentaire, faut-il privilégier l’agro-industrie ou l’agroécologie ?
L’agriculture sénégalaise repose sur l’agriculture familiale, qui concerne environ 60 % de la population et est plus vulnérable au changement climatique. Pour atteindre la souveraineté alimentaire, il faut combiner les deux approches. L’agro-industrie peut créer des emplois et valoriser des ressources, mais l’agriculture familiale doit être le levier principal, avec un accompagnement renforcé, une formation et des projets structurants.
Quelles mesures sont prises pour organiser les exploitants familiaux ?
L’État, via le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage (MASAE), met en place des outils techniques pour encadrer les producteurs. Les services de recherche, de vulgarisation et de développement de technologies renforcent la résilience des exploitations familiales, avec une dynamique de proximité impulsée par l’État.
L’agriculture se féminise, mais les femmes ont un accès limité au foncier. Comment y remédier ?
L’accès des femmes au foncier s’améliore, notamment grâce à un quota de 20 % réservé aux femmes dans les programmes agricoles. Leur organisation en groupements d’intérêt économique (GIE) et organisations de producteurs favorise cet accès. Cependant, dans certaines zones, la gestion coutumière du foncier reste un frein. Le plaidoyer pour des terres allouées par les élus locaux aux GIE féminins progresse, renforçant leur rôle dans l’agriculture.
Auteur: Thiebeu Ndiaye

Commentaires (5)

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    il y a 1 mois

    merci DG de vos interventions axée sur la ressource stratégique ( sol) dans le domaine agrosylvopastoral et comment vous avez positionné les femmes dans l'agro genre pour asseoir leur autonomisation. egalement votre approche de la fertilité avec des solutions basées sur la nature et la valorisation des déchets qui préserve la santé ( des sols, de l'environnement et humaines) et de toute forme de vie pour une économie circulaire durable.

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    il y a 1 mois

    Mais pourquoi il presente des donnees de 2015 pour presenter l'etat des terrres degradees. Pourtant IFDC/USAID ont fait une cartographie recente et comprehensive

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    reply_author il y a 1 mois

    Salam, merci de nous donner les références complètes(années..) des résultats de l'USAID sur la dégradation des terres(sol, eau, animal, végétal). En plus cette cartographie couvre t'elle le territoire national.

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    reply_author il y a 1 mois

    Salam, merci de nous donner les références complètes(années..) des résultats de l'USAID sur la dégradation des terres(sol, eau, animal, végétal). En plus cette cartographie couvre t'elle le territoire national.

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    reply_author il y a 1 mois

    Salam, merci de nous donner les références complètes(années..) des résultats de l'USAID sur la dégradation des terres(sol, eau, animal, végétal). En plus cette cartographie couvre t'elle le territoire national.

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    il y a 1 mois

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    il y a 1 mois

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    il y a 1 mois

    merci Mr le Directeur pour les éclaircissements. un homme de solutions et de résultats pour la protection et la préservation de la fertilité et de la qualité des sols pour l'atteinte de la souveraineté alimentaire, la neutralité carbone et la conservation de la biodiversité avec nos propre ressources ( humaines et naturelles) avec des solutions basées sur la nature.

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