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En les intégrant au ministère de la Culture : Wade a-t-il creusé la tombe des langues nationales ?

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En les intégrant au ministère de la Culture : Wade a-t-il creusé la tombe des langues nationales ?

Le secteur des langues nationales et de l’alphabétisation des langues devait tenir ses assises en 2008, pour faire l’état des lieux et se relancer. La pertinence de son intégration dans le ministère de la Culture et du Patrimoine historique classé (Mcphc) ne fait pas l’unanimité.

Une animatrice en alphabétisationAvec le récent remaniement du gouvernement pour cause d’effectif pléthorique, les langues nationales et l’alphabétisation sont passées sous la coupole du ministère de la Culture et du Patrimoine historique classé (Mcphc). Entre indifférence, indignation et réalisme, ce réaménagement technique est diversement interprété par les militants et promoteurs du patrimoine oral. ‘C’est une régression’, analyse sèchement Seydou Nourou Ndiaye, le fondateur des éditions Papyrus Afrique. L’homme ne cache pas son ‘incompréhension’ et parle d’ ‘injustice’, de ‘recul historique’ du Sénégal par rapport à ses voisins de la sous-région : Bénin, Burkina Faso, etc.

D’un autre côté, la disparition du portefeuille de Mamadou Makalou du paysage gouvernemental n’émeut pas plus que ça. ‘Le plus important, c’est d’aboutir à des résultats concrets’, souligne le plus réputé des écrivains en langues nationales, Cheik Aliou Ndao. A l’image de Raphael Ndiaye de l’Ong Enda, Ndao semble plus porté sur le ‘côté pragmatique’ des choses. ‘L’essentiel, c’est qu’on pose des actes positifs’, indique Raphael Ndiaye, peu inspiré du reste par un commentaire sur ce nouvel attelage.

Des actes concrets, CheiK Aliou Ndao n’attend de voir que cela. Mais il regrette qu’en matière de langues nationales, ‘la théorie semble l’emporter sur la pratique’.

Le couplage avec le ministère de la Culture peut-il déclencher le sursaut attendu ? La nouvelle formule de Wade ne manque pas de partisans. Le geste est d’ailleurs vu par quelques-uns comme un salutaire coup de génie. ‘De tous les actes du gouvernement dans ce domaine, c’est sans doute l’un des plus cohérents’, applaudit Babacar Diouf, le secrétaire exécutif de l’Ong Ndef Leng. ‘C’est ce que nous avons toujours souhaité, car pour exhumer, le savoir local, argumente-t-il, les langues nationales constituent le meilleur vecteur. Nous sommes dans une culture de l’oralité, donc l’alphabétisation permet de préserver nos valeurs’. Dans la galaxie des militants et défenseurs des langues locales, Babacar Diouf assume un point de vue assez singulier. Car, pour beaucoup dans ce milieu, si la phagocytose de leur ministère de leur tutelle peut-être justifiée par l’insuffisance des résultats, elle est intervenue au mauvais moment.

Le ministre Makalou, dit-on, était parti sur un bon pied. Ayant pris langue avec plusieurs associations et acteurs, il était sur le point de convoquer des assises de l’alphabétisation en 2008. Histoire de faire un bilan d’étape, comme ce fut récemment le cas avec la décentralisation, et redonner leurs lettres de noblesse aux langues nationales. Car, si l’opportunité d’un chapeautage par le Mcphc est largement discutée, beaucoup sont d’accord pour dire que la machine s’était grippée. ‘Les politiques d’alphabétisation ont été un échec’, constate d’ailleurs Seydou Nourou Ndiaye, qui reste malgré tout un fervent opposant à la fusion. Sur ce plan, il met plus en cause la vision des autorités, qui souffre de manque d’ambition. ‘Au lieu de parler de réduction de l’analphabétisme, le Sénégal doit se lancer dans un vaste programme d’éradication’, suggère l’éditeur.

Pour l’écrivain Cheik Aliou Ndao, le train ne semble pas, non plus, rouler assez vite. ‘Nous aurions dû être très loin de là où nous sommes actuellement. Regarder, le fossé qu’il y a entre les chercheurs et le grand public. A quoi ont servi toutes ces campagnes d’alphabétisation si dans les journaux, sur les panneaux publicitaires, on ne respecte pas les règles d’orthographe ?’, s’interroge l’écrivain. Fidèle à sa posture de contradicteur, Diouf de Ndef Leng, qui ‘refuse le nihilisme’, voit les choses d’un autre angle. Il exalte les résultats ‘très encourageants obtenus avec l’alphabétisation fonctionnelle’.

Au-delà de la pertinence de l’acte politique, le débat reste encore tout entier sur le terrain purement symbolique. Il se pose à deux niveaux.

D’abord, le fait que les langues nationales continuent à être mises au même niveau que la Francophonie est lu comme ‘une dévaluation de nos cultures’ par certains. Même si d’autres sont d’avis que le ‘principe de diversité culturelle est ainsi valorisé’. Ensuite venant de Wade, cette fonte dans le ministère de la Culture apparaît comme un reniement, du moins un désengagement. ‘Le président a été très mal conseillé sur ce coup-là ’, regrette le patron de Papyrus Afrique. Le ministère des Langues nationales et de l’Alphabétisation a été créé, pour la première en 1991, dans le cadre du gouvernement de majorité présidentielle élargie. Le poste avait été alors confié à une icône du Parti démocratique sénégalais, Aminata Tall. Et c’est dans la foulée que l’Union des écrivains en langues nationales a été mise sur pied, que les maisons d’éditions en Sérère, Wolof, Pulaar ont commencé à sortir de terre.

Dès les premiers jours de l’Alternance, le président nouvellement élu avait annoncé un vaste programme d’alphabétisation des fonctionnaires. C’est aussi sous son magistère que ce département quittera le rang de ministère délégué pour acquérir une souveraineté pleine. Aujourd’hui, on semble bien loin de cette euphorie.

 



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