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Immigration

Lamine Diouck, directeur de programme à France Terre d’Asile: ‘Les femmes immigrés seules sont plus exposées et fragiles au durcissement de l'immigration’

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Lamine Diouck, directeur de programme à France Terre d’Asile: ‘Les femmes immigrés seules sont plus exposées et fragiles au durcissement de l'immigration’

France Terre Asile gère, dans son programme d'autonomisation des régularisés de l'Asile, 200 immigrés dont 190 sont des Africains subsahariens. Parmi ces 200 personnes, il y a 28 Sénégalais dont deux couples. Le directeur de ce programme, Lamine Diouck revient dans cette interview sur les conditions des immigrés en France et en Espagne et explique les différents services qu'offre son programme pour mieux intégrer les immigrés.

 

Wal Fadjri : En quoi consiste le programme d'autonomisation des régularisés de l'Asile dont vous êtes le responsable ?

 

Lamine DIOUCK : C'est un dispositif de France Terre Asile qui s'occupe des régularisés de l'Asile. Il s'occupe de l'accompagnement de tous les régularisés de l'asile. Ce dispositif a une capacité de 200 personnes régularisés à qui nous offrons un accompagnement et un hébergement pour une durée limitée dans une optique d'intégration et d'insertion socio-professionnelle. Voilà en gros à quoi consiste ce programme dont je suis le responsable. J'essaie d'aider tous les régularisés. Mais quand on parle de régularisés, on pense souvent aux populations africaines, notamment subsahariennes.

 

Le fait que je sois d'origine sénégalaise peut permettre d'avoir une compréhension objective de la réalité et une proximité qui fait que je peux donner mon avis sur certaines choses, des conseils et des informations aux familles sur les possibilités d'accueil pour pouvoir vivre et rester ici convenablement. Qu'on le veuille ou non, quand on est dans un pays, surtout quand on est étranger, on est appelé à respecter les normes et la législation du pays.

 

Quelle est la situation de l'asile en France ?

 

Ça se complique de plus en plus. Avant qu'il ne soit président de la République, Sarkozy a été ministre de l'Intérieur et avait fait de l'immigration une de ses priorités, en disant qu'on ne peut pas faire comme avant et il faut une rupture. Sa rupture, c'est l'immigration choisie qu'il a théorisée et qu'il a essayée d'appliquer. Il a estimé que la France ne doit subir l'immigration et qu'elle a le droit de dire qui va entrer ou non dans son territoire. Ce qui est normal parce qu'on ne peut pas dire à un pays qu'il doit accueillir tout le monde. Mais dire qu'on va choisir pose problème dans la mesure où le choix va à l'encontre de l'immigration familiale. Ce qui fait qu'il y aura moins d'immigration familiale, moins d'immigration liée à l'asile et essayer de doper l'immigration de travail. Les résultats ont montré qu’ils n'ont pas été à la hauteur, malgré le durcissement des lois.


Parmi les 200 personnes que vous gérez, il n'y a que des régularisés de l'asile ?

 

Il n'y a pas que de l'asile. Quand on parle de France Terre Asile, on pense à l'asile. C'est vrai que le protocole d'établissement s'articule autour de cette problématique. Mais nous nous occupons aussi des gens qui ont des problèmes familiaux, des gens qui sont venus en France pour des questions de santé, etc., qui se sont fait régularisés. Cela n'a rien à voir avec les réfugiés qui sont régis par la convention de Genève. En voulant prôner l'immigration choisie, la France se heurte à cela, car elle l'a ratifiée deux ans après l'adoption de la Convention de Genève en 1951. Même le réfugié ou le demandeur de l'asile est catalogué comme un faussaire, on doute de sa demande. Pour les autorités françaises, le demandeur de l'asile est quelqu'un qui essaie de contourner les lois sur la régularisation des immigrés.

 

Quels services offrez-vous aux 200 personnes que vous accompagnez ?

 

Nous leur donnons un logement pour six mois. Mais les familles restent beaucoup plus de six mois. Ils bénéficient d'un accompagnement administratif : la Caisse d'allocation familiale, Sécurité sociale. Il y a un accompagnement général pour qu'au terme de ces six mois ou au terme de cet accompagnement que les familles puissent avoir un logement autonome et puissent s'intégrer de façon normale dans la société française. Sur 200 places, les 190 sont occupées par des populations de l'Afrique subsaharienne : des Sénégalais, des Ivoiriens, des Maliens, des Guinéens. Le reste est originaire de l'Asie ou de l'Amérique latine.

 

Quels sont les critères à remplir ?

 

Il n'y a qu'un seul, c'est d'être régularisés, surtout d'être dans une dynamique d'intégration socio-professionnelle en France. La plupart des familles n'ont pas d'emplois. C'est à nous de tout faire pour les maintenir et leur trouver de l'emploi parce qu'on ne peut rien faire ici si l'on n'a pas d'emploi, un travail. L'objectif majeur est de faire tout pour qu'ils trouvent de l'emploi. Parce que pour trouver un logement, il faut avoir des revenus stables. Une fois que la question de l'emploi est réglée, nous faisons tout pour lui trouver un logement à travers les conventions que nous avons signées avec certains bailleurs. Sur l'immigration dans les pays de départ, on ne dit pas les choses. C'est sensible comme problématique, mais c'est difficile pour les populations concernées. Je les vois tous les jours venir ici (locaux de France Terre d’asile) pleurer, raconter leur calvaire. C'est une vie difficile. C'est une problématique qui mérite beaucoup d'attention au niveau des pays de départ. L'ensemble des immigrés font beaucoup pour leur pays de départ : l'argent qu'ils envoient, l'épargne qu'ils constituent, les infrastructures qu'ils construisent, etc. D'où l'importance que leurs autorités doivent leur accorder.

 

Quels sont les genres de problèmes qu'ils rencontrent ?

 

Il y en a beaucoup ! Rien que pour se faire régulariser, il faut le passeport. Evidemment, il y a eu des progrès pour le cas du Sénégal, j'espère que cela va continuer. Mais il y a des populations qui peinent à trouver un passeport pour renouveler leur titre de séjour. Prenant le cas des régularisés de l'asile, ils n'ont qu'un titre de séjour renouvelable un an. Pour travailler, il faut le titre de séjour. S'il a un Cdi alors qu'il n'a pas de passeport pour renouveler son titre de séjour, il ne peut pas continuer son activité salariale. S'il ne continue pas son activité salariale, tout lui est coupé. Cette personne est ainsi laissée à elle-même avec toutes les difficultés inhérentes à cette situation. C'est pourquoi, les consulats doivent faciliter la délivrance de ces documents administratifs qui sont indispensables. (…).

 

‘Aucune expulsion ne peut être actée sans l'aval du pays de départ. S'il y a une expulsion, cela veut dire que le pays de départ a donné le papier consulaire qui rend possible cette expulsion. Le Sénégal a été le premier pays a signé ces accords avec la France et l'Espagne. Nos autorités n'ont pas hésité. L'Espagne a donné 20 millions d'euros. C'est l'équivalent de 13 milliards de francs Cfa. Il est temps qu'on nous dise où est passé tout cet argent. ’

 

Parmi les 200 personnes que vous gérez, combien de Sénégalais y a-t-il ?

 

Nous avons 28 Sénégalais. Ce qui est énorme. Mais ce sont des gens qui se battent pour essayer de s'en sortir. C'est vrai que ce n'est pas évident. Parce que l'immigration n'est plus ce qu'elle a été. On est plus dans une dynamique sélective. Quand on vient et qu'on n'a pas de formation, ça devient compliqué. Mais ce sont des gens qui se battent et, heureusement, qui s'en sortent.

 

Quel est leur profil ?

 

C'est le profil type du Sénégal. Ils viennent un peu partout du Sénégal, dans des villages un peu plus reculés, qui n'ont pas été scolarisés ou leur scolarisation est limitée. Ils sont là généralement dans le cadre d'un regroupement familial et n'ont pas une formation qualifiante. Et quand ils viennent, ils sont orientés dans des secteurs à tension à savoir gardiennage, restauration, entretien de la voirie, etc. D'ailleurs, je ne comprends pas l'accord signé par le Sénégal avec la France. Je l'avais dit à Ousmane Ngom que j'avais rencontré en 2007. Je lui avais dit que ces accords ne se justifiaient pas, sinon qu’ils renforcent le pouvoir de la France dans sa politique d'expulsion.

 

On a vu récemment des Sénégalais expulsés d'Espagne. Aucune expulsion ne peut être actée sans l'aval du pays de départ. S'il y a une expulsion, cela veut dire que le pays de départ a donné le papier consulaire qui rend possible cette expulsion. Le Sénégal a été le premier pays a signé ces accords avec la France et l'Espagne. Nos autorités n'ont pas hésité. L'Espagne a donné 20 millions d'euros. C'est l'équivalent de 13 milliards de francs Cfa. Il est temps qu'on nous dise où est passé tout cet argent. C'est pareil pour la France. Pourquoi ? Nous sommes sur le terrain et nous savons ce qui se passe. Pendant six rencontres, les autorités maliennes ont refusé de signer ces accords tant que les sans-papiers maliens sur le territoire français ne sont pas régularisés. Je crois que sur ce plan, le Sénégal ne devait pas rougir de voir ce qui se passe au Mali.

 

Parmi les 28 Sénégalais pris en charge par votre programme, y a-t-il des femmes ? Si oui, combien sont-elles ?

 

Bien sûr qu'il y a des femmes. Il y en a une dizaine. Cela montre malheureusement la féminisation de l'immigration. Avant, c'était des hommes qui étaient concernés. Maintenant, le phénomène migratoire se féminise de plus en plus. Il est évident que les femmes, pour beaucoup de raisons, sont plus exposées à ce durcissement des lois de l'immigration.


Quelles sont ces raisons ?

 

Les tentations sont énormes ! Quand on est femme seule, loin des parents et du pays, si l'on n'est pas forte et courageuse, forcément, on peut emprunter d'autres chemins condamnables. Malheureusement, ces personnes, que je vois tous les jours, sont beaucoup plus fragiles ; elles méritent beaucoup plus d'attention. Parce que si l'on ne fait rien pour elles, malheureusement, elles vont dévier du droit chemin inacceptable pour elles, pour leurs cultures, pour leur personnalité. Malheureusement, elles sont exposées à la prostitution, à toutes les formes d'esclavage humain. On peut les embaucher et ne pas les payer à la fin du mois ou leur proposer un paiement en nature. Encore une fois, c'est une population fragile qui mérite beaucoup plus de protection. J'interpelle là aussi les autorités sénégalaises pour leur dire que l'immigration doit être traitée de manière beaucoup plus humaine. Derrière l'immigration, il y a des hommes et des femmes qu'on ne doit pas traiter de façon simplement administrative ou en ne donnant que des chiffres. Il faut donc une approche humaine. J'avais interpellé il y a deux ans le ministère des Sénégalais de l'extérieur sur la nécessité d'une étude rigoureuse sur la problématique de l'immigration. En réponse, on a eu le Conseil supérieur des Sénégalais de l'extérieur qui ne peut pas être une réponse à la question de l'immigration. (…).

 

Parmi ces 28 Sénégalais, y a-t-il des familles sénégalaises ?

 

Parmi ces 28 Sénégalais, il y a de deux couples sénégalais. Il y a des familles qui vivent à quatre ou six et qui veulent coûte que coûte vivre à Paris intramuros. C'est comme quelqu'un qui n'a pas assez de revenus et qui veut vivre aux Almadies à Dakar. Ce n'est pas possible. Quand on n'a pas les moyens d'avoir une maison ou louer une maison aux Almadies, il faut accepter de vivre en banlieue. Paris est difficile même pour les parisiens de souche.

 

Effectivement, pour répondre à votre question, nous avons des familles dont deux qui sont sénégalaises. Ça se passe bien pour certains, ça se passe moins bien pour d'autres. Heureusement nous avons de bons résultats. Et ces résultats nous réconfortent.

 

Quels sont ces résultats ?

 

C'est d'abord le logement, car après être passées d'hôtels en hôtels, elles ont un logement stable avec nous. Deuxièmement, c'est l'emploi que nous leur avons trouvé après plusieurs périodes de chômage. Une fois l'emploi est devenu stable, on lui cherche un logement. Alors que la personne prenait contact avec nous, elle n'avait ni emploi ni logement. Au bout de trois à six mois, il peut quitter ainsi nos locaux pour trouver son propre logement. La famille devient autonome, responsable et peut s'inscrire dans une dynamique d'intégration dans la société française.


Pourquoi contestez-vous ces accords signés par les autorités sénégalaises ?

 

Ça ne se justifie pas. Les sommes qu'elles obtiennent en signant ces accords sont dérisoires et ne sont pas utilisées convenablement. Deuxièmement, les accords stipulent que la France va faciliter l'entrée dans son territoire à certains Sénégalais. Qu'est-ce qui sont concernés ? Ce sont les fonctionnaires, les étudiants, les sportifs de haut niveau, les avocats, les médecins. Il est évident que les gens qui font la queue devant l'ambassade de France au Sénégal sont à chercher ailleurs que dans ces catégories socioprofessionnelles. Elle est où la souplesse ? Non ! On est dans le cadre de durcissement acté et validé par l'Etat du Sénégal. Mieux, après la signature de ces accords, une circulaire a été envoyée le 15 janvier 2010 qui prévoit l'accès des étudiants aux emplois publiés dans le site internet de Pôle Emploi et pourront bénéficier aussi de stage dans les centres régionaux. Mais les Sénégalais accèdent à tout ça, même si c'est avec difficultés. Alors quel est l'intérêt de mettre ça dans des accords ?

 

Selon vous, sur quoi devez insister les autorités sénégalaises ?

 

Puisque ce sont des accords dits ‘concertés’, on ne doit pas imposer aux pays de départ parce qu'on ne peut pas stopper l'immigration. L'immigration apporte beaucoup plus que les aides au développement. C'est utopique de penser à l'immigration zéro. Dans ces accords, on devait insister sur le développement de l'agriculture, de la formation. Si ces deux volets sont réglés, il faut simplement faciliter l'obtention des visas (...) Ça renforce les potentialités humaines. (…). Cela ne veut pas dire qu'il faille ouvrir toutes les portes, parce que les pays occidentaux sont en crise. Il ne faut pas le nier.



5 Commentaires

  1. Auteur

    Boy Pinetown

    En Septembre, 2011 (06:54 AM)
    La plupar d sè femm une en terr etrangere divocent leur mari è s livrent a la prostitution.jen è dè tas d'exempl.un ami ,il 2ans d sla a perdu sa femm au profit d'1 autr senegalè parsk sè moyen son trop limitè..cè senegalèz ki fon ca doiv savoir k la fidelitè le ngor,le diom,le fayda son une vertu bien senegalèz même en terre etrangere...  :up: 
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  2. Auteur

    Fanch

    En Septembre, 2011 (09:17 AM)
    Ils ont obtenu l'asile politique? En quel honneur?
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    Auteur

    Zob

    En Septembre, 2011 (09:29 AM)
    "Il y a des familles qui vivent à quatre ou six et qui veulent coûte que coûte vivre à Paris intramuros."

    Oui, c'est vrai ça, pourquoi se priver tant qu'on ne paye pas?
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    Auteur

    Lebara

    En Septembre, 2011 (14:32 PM)
    deug le té deug!!! kanii la koco tooufe mou tokhognou :sad: 
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    Auteur

    C

    En Septembre, 2011 (23:16 PM)
    immigration daffa diekh giryalla toguelene sene deuk
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