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[ Opinion ] LE MONUMENT DE LA RENAISSANCE AFRICAINE, LES DEUX PANTHÉONS DE LA PLACE DU SOUVENIR ET LE MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES : Le sens d’un combat

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[ Opinion ] LE MONUMENT DE LA RENAISSANCE AFRICAINE, LES DEUX PANTHÉONS DE LA PLACE DU SOUVENIR ET LE MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES : Le sens d’un combat

Lors de son adresse à la Nation du 31 décembre 2009, le chef de l’Etat avait annoncé que les semaines suivantes allaient lui donner l’occasion de faire une déclaration consacrée au Monument de la renaissance africaine, monument qui faisait alors l’objet d’une levée de boucliers sans précédent, surtout de la part de milieux religieux.

Sa rencontre avec les parlementaires et de hauts responsables d’institutions de la République aura, en tous les cas, eu l’avantage non seulement de lever un coin du voile sur ce qu’était véritablement le monument, mais également et surtout de montrer ce qu’il n’était pas du tout, référence faite aux amalgames et confusions entretenus ici ou là, soit par ignorance, soit par simple mauvaise foi.

Cette rencontre aura également permis d’actionner enfin un levier important celui des représentants du peuple, avec à charge pour ces derniers, abreuvés à la bonne source, de se constituer en relais naturels des plus hautes autorités pour porter la bonne parole, sinon l’information juste et fiable auprès des populations.

Du reste, le déferlement médiatico-religieux autour d’un monument en phase d’achèvement a pu en surprendre plus d’un.

Certes, le climat ambiant déjà lourd de convulsions diverses, qu’elles soient sociales, économiques, voire politiques, a pu constituer un terreau propice à une forme de radicalisation des positions de certains contempteurs du régime de l’alternance, au point d’ouvrir de sérieuses brèches dans ce qui a toujours constitué les fondements du consensus national et le ciment de la nation, la religion et la culture.

Rien d’étonnant donc si des apologistes de toutes chapelles ont pu s’engouffrer dans ces béances et ces vides idéologiques pour finir par installer un véritable détournement d’objectif et d’enjeu autour d’un patrimoine, d’un symbole ou comme dirait Françoise Choay, « un artefact » dont la vocation première est « d’interpeller l’usager pour le faire re-souvenir, et qui fait partie d’un art de la mémoire universelle qu’on trouve pratiquement dans toutes les cultures »...

Le plus inquiétant dans ce méli-mélo politico-religieux, c’est plutôt la propension de ces acteurs à ne laisser qu’une portion congrue aux tenants d’une approche sereine et objective des questionnements auxquels nos pays, l’Afrique et plus largement le monde noir, doivent faire face.

Sous ce rapport donc, il faut d’abord faire le constat pour le déplorer, que cette confiscation du débat par des légitimités supposées ou réelles, ait lieu sur un terrain, la culture, dont la marque de fabrique, au-delà de la quête identitaire, est justement d’offrir au peuple noir un point d’ancrage au banquet des civilisations.

Vous conviendrez que, dans le domaine qui est convoqué ici, ces querelles de chapelles souffrent d’un manque évident d’emprise sur la réalité des choses, parce que portées par des corps situés à mille lieues des battements de cœur de cette Afrique en quête d’émergence.

Si le raccourci qui consiste aujourd’hui, à voir dans le Monument de la renaissance africaine, un « objet de délit » semble aujourd’hui donner des signes d’essoufflement, c’est parce qu’en dehors de nos considérations domestiques stricto sensu, il ne saurait prospérer dans un monde noir qui ne souffre plus le viol de consciences et l’ablation d’un organe aussi vital que la mémoire, un monde qui éprouve le besoin pressant d’opérer le remembrement de son incomparable héritage. Pendant un bon moment, il faut reconnaître que l’intelligentsia n’a pas pu ou su non plus capter sa légitimité à se saisir du sujet, elle qui a pourtant toujours joué un rôle d’avant-garde au sein de cadres de réflexion, de concertation et d’action autour du destin des peuples d’Afrique et de la Diaspora.

Par voie de conséquence, les populations ont pu se retrouver coupées de leurs ressorts, de leurs sources d’inspiration, de leurs repères et surtout des instruments de mesure de leur impact véritable sur le cours de l’histoire : celle passée, celle présente et bien sûr, celle future.

Cette période de tiraillements a mis en évidence la difficulté de positionnement sinon de repositionnement pour l’intellectuel, difficulté née du décalage qui existe dans la perception qu’intellectuels et populations ont de la notion de mémoire.

Lorsque les premiers se placent dans une dynamique temporelle arc-boutée sur le passé pour éclairer le présent et irradier le futur, les secondes, elles, restent coincées dans le réduit des contingences de l’heure et des préoccupations immédiates telles que les problèmes de survie alimentaire, de lutte contre les calamités naturelles, les maladies, etc.

Ce faisant, elles se sont dissous toutes entières dans ce présent en fusion permanente, tuant par la même occasion le cordon ombilical avec le passé comme avec le futur.

Enfin un dernier hiatus se situe toujours dans les rapports respectifs que ces deux entités entretiennent avec l’espace de vie et avec les autres frères d’Afrique et de la Diaspora, toutes choses qui déterminent les dispositions d’esprit ainsi que la cadence de la gestion intégrée de notre destin commun et de la marche vers les Etats unis d’Afrique.

Au moment où on s’acharne à vouloir tuer dans l’œuf, à coups d’incantations et de prêches incendiaires, le sens et la portée de tous ces symboles, Haïti est venu brutalement se rappeler à notre bon souvenir.

On sait le rôle joué par cette île dans le processus de libération du Noir ; ce qui ne l’avait cependant pas empêché de mandater certains de ses dignes fils auprès du Comité international d’orientation du Fesman pour que jamais la flamme ne meure et que la mémoire ne soit disloquée.

C’est ainsi que Georges Anglade et Chantal Drice, en dignes héritiers d’une figure de proue comme Toussaint Louverture, s’étaient investis corps et âme dans l’organisation du 3ème Festival mondial des arts nègres à côté des leurs frères et sœurs d’Afrique, pour, eux aussi, assumer leur part d’Afrique et de combat dans ce qui, selon le chef de l’Etat, doit servir de « vitrine d’excellence de la féconde créativité du monde noir, de champ de réarmement moral et de mobilisation de toutes les forces de propositions pour le développement de l’Afrique ».

Georges Anglade vient de perdre la vie dans les décombres de Port-au-Prince, suite au séisme qui a frappé l’île ; Chantal Drice est toujours portée disparue. Ici à Dakar, Lucien Lemoine, autre militant hors pair de la culture universelle, vient de tirer sa révérence.

On ne peut manquer d’y voir comme une sonnette d’alarme, un signal adressé aux vivants en vue de la préservation des reliques du monde noir contre les ravages exercés aussi bien par les hommes, le temps que par la nature elle-même.

Le chef de l’Etat ne s’y trompe pas qui, dans un élan panafricaniste, sonne aujourd’hui la mobilisation de la solidarité africaine au profit des frères et sœurs de Haïti, comme il l’a déjà fait pour d’autres avec l’Ong « l’Afrique aide l’Afrique » et comme il continuera à le faire chaque fois que le monde noir devra sécher ses larmes ou panser ses blessures, qu’elles soient physiques ou morales.

Parce que tel est son credo. Et le professeur Cheikh Anta Diop peut dès lors dormir du sommeil du juste, lui qui rêvait du « jour où les Africains et les Antillais se débarrasseront de leur aliénation réciproque pour fraterniser sincèrement », ajoutant : « le tour sera joué. On ne voit pas pourquoi, dans ce cas, les Antillais au lieu de regarder vers l’Amérique ou vers l’Europe, ne formeraient pas une fédération sur le type de l’Indonésie pour entretenir des relations culturelles, économiques et fraternelles avec l’Afrique noire devenue un Etat multinational ». La proposition du chef de l’Etat ne dépare pas de telles dispositions.

C’est donc dire si cette réappropriation du débat, constituerait un formidable appel d’air qui devrait placer l’Afrique en perspective et surtout offrir aux différents acteurs, les outils nécessaires pour sortir des ornières de l’obscurantisme afin que l’avenir soit appréhendé sous un angle dépassionné et débarrassé des scories de l’exclusion et de la diabolisation.

Le Monument de la renaissance africaine, les deux panthéons de la Place du Souvenir, le Musée des Civilisations noires, projet qui aura connu un long cheminement à travers les régimes, doivent tous être perçus comme des éléments essentiels d’un dispositif global d’ordonnancement des symboles constitutifs de la mémoire collective de nos peuples.

Comme nous le savons tous, un peuple a besoin de repères. Un proverbe chinois ne dit-il pas qu’ « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ».

Nous avons donc un besoin viscéral de nous ressourcer et surtout de retrouver cette conscience et cette culture de patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel, deux faces d’une même réalité, qui fonctionnent comme dans un système de vases communicants, irriguant et libérant notre faculté à puiser dans le legs ancien, celui de nos Résistants et notre génie séculaire, celui de nos Créateurs et Inventeurs.

L’approche des questions relatives au Patrimoine ainsi que la gestion de celles-ci sont des sujets qui interpellent l’Afrique et une institution comme l’Unesco.

En effet, c’est cette conscience et cette culture de patrimoine au niveau de chaque individu, c’est cette foi dans un héritage riche qui portent les germes pour féconder en permanence une conscience collective au ralenti en vue d’un réarmement moral, économique et politique, seul capable de laisser entrevoir les chemins des victoires futures.

C’est là une des missions dévolues au Monument de la renaissance africaine, aux deux Panthéons de la Place du Souvenir et au Musée des Civilisations noires.

Et le Sénégal, à l’instar de l’Iran qui a introduit une requête auprès de l’Unesco pour sa statue de Darius, devrait très rapidement, travailler à la reconnaissance internationale du Monument de la renaissance africaine. et, ct ution comme l’ellent ives au Patrimoine et sa gestionrder vers l’iproque pour fraterniser sincèrement, Ceci dit, cette vision serait réductrice si nous n’insistions pas assez sur l’approche pragmatique, dynamique, participative et intégrative que ces trois entités doivent privilégier pour honorer la dette morale envers les porteurs, hier, du destin du peuple noir, d’une part, puis pour honorer toute la charge historique, toute la responsabilité sociale, pour ne pas dire le pacte qui les lie aux générations de peuples noirs présentes et futures.

Cela pour répondre à la question de savoir un musée, un monument, pour quoi faire et pour qui.

L’autre partie de la réponse réside dans la quête de visibilité et le besoin de valorisation d’un patrimoine qui n’a pas été ménagé, au fil des siècles, par des agressions de toutes sortes, s’il n’a pas été tout simplement enfoui dans ces décharges publiques de l’histoire sur lesquels butent encore les esprits bien-pensants.

Ce mouvement pour plus de visibilité et pour la valorisation de ces témoins matériels ou immatériels de « l’odyssée » du peuple noir, doit contribuer de manière éclatante, à redonner comme qui dirait une seconde vie à tous ces bâtisseurs et créateurs, mais également à tous ceux-là qui par le sacrifice suprême et dans l’anonymat le plus complet, ont écrit les plus belles pages de l’histoire du peuple noir.

Il n’y a pas plus bel hommage pour tous ces pionniers que de les sortir de l’ombre ou de l’oubli, pour en faire des vitrines de l’Afrique triomphante, des modèles et des locomotives pour tirer les jeunes générations vers l’avant.

Mais comme chacun le sait, il ne suffit pas de nous donner à voir au monde et de nous mettre en valeur, pour réussir les nécessaires symbiose, adhésion et appropriation par nos peuples, ou pour parvenir à l’indispensable décloisonnement des consciences, synonyme, non pas d’homogénéisation étouffante et paralysante, mais synonyme plutôt de libération et de consolidation de l’unité culturelle dans une diversité bien comprise et bien vécue.

Dans cet ordre d’idées, il faut, si l’on peut dire, des mesures d’accompagnement au propre comme au figuré.

C’est pour rappeler ici et surtout mettre en exergue, dans ce processus, le rôle capital et éminemment vital de veille et d’éveilleur de consciences de l’intelligentsia noire.

Interpellée en amont comme en aval, parce que forte de sa transversalité, de sa vocation multi directionnelle et de son aversion pour les sensibleries, celle-ci présente l’avantage de pouvoir opérer une démarcation théorique d’avec les coteries, de fédérer et mobiliser à l’intérieur comme au-delà des frontières physiques ou psychologiques.

« En présentant la richesse des productions culturelles de l’Afrique et de la Diaspora africaine, en mettant en évidence ce que les civilisations noires ont apporté au patrimoine mondial », (je cite le décret de création du Musée des Civilisations noires), mais aussi en exhumant à la face du monde, nos Résistants et nos Créateurs et Inventeurs exceptionnels qui ont, par leur génie propre, positivement bouleversé un ordre de substitution établi sur le mensonge, le parjure et la dissimulation, le Monument de la renaissance africaine, les deux Panthéons de la Place du Souvenir ainsi que le Musée des Civilisations noires participeront, à leur manière, à faire de ce nouveau millénaire celui des Lumières sur et pour le peuple noir dans un monde plus juste, plus équitable, plus solidaire.

Et à l’instar de ses intellectuels qui, chacun dans le domaine qui est le sien, font autorité dans toutes les instances de réflexion, de décision et d’action à travers la planète, le monde noir, dans son ensemble, pourra, lui aussi, occuper pleinement sa place et jouer sa partition sans fausse note.

Voilà donc le débat sur le Monument de la renaissance africaine recentré, bonifié, régénéré.

A la jeunesse africaine de s’en saisir et d’en faire bon usage.

Mame Birame DIOUF

Ministre d’Etat

Membre du Conseil exécutif de l’Unesco



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