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MICRO-OUVERT… Kader Diarra après le Festival du théâtre et du rire de Kaolack : «Le Sénégalais aime le clown et le pitre»

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MICRO-OUVERT… Kader Diarra après le Festival du théâtre et du rire de Kaolack : «Le Sénégalais aime le clown et le pitre»

Kader Diarra est l’un des rares artistes professionnels à être régulier dans le Festival du théâtre et du rire (Fest’rire) de Kaolack animé pour la plupart par des comédiens amateurs. C’est par curiosité et pour son apprentissage propre que Kader «Pichinini» marque sa présence à ce rendez-vous culturel. Pour cette quatrième édition (2, 3, 4 avril 2006), Kader a essayé de faire une lecture critique de la manifestation. Et s’exprimant notamment sur les nouvelles orientations qu’on veut donner au festival et sur la prestation des artistes durant le festival. Encore une fois, le franc parler de l’artiste se dévoile dans cet entretien.

Kader, la quatrième édition du Festival du théâtre et du rire vient de s’achever, en tant qu’artiste, avez-vous le sentiment d’avoir atteint votre objectif ?

Je pense que la quatrième édition demeure une autre expérience qu’on va utiliser dans le futur. On essaie de s’en sortir, car les artistes ne sont pas des organisateurs, mais on essaie de faire en sorte que cela puisse aller bien.

En tant que comédien professionnel, quel sens donnez-vous à ce Festival du rire ?

J’ai l’habitude d’inviter mes collègues dits professionnels à venir voir ici le théâtre qu’on dit amateur. Et pour moi, c’est une autre expérience qu’on a. Etant entendu qu’au Sénégal, on ne donne pas aux comédiens professionnels les moyens, il faut essayer de s’immiscer dans le milieu amateur et essayer de le professionnaliser un tout petit peu. D’autant plus que les Sénégalais n’ont d’yeux que sur les amateurs parce qu’ils sont souvent montrés à la télé. Ils ont beaucoup plus de promotion par rapport au théâtre professionnel. Donc pour récupérer tout cela, il faut venir voir ce qu’ils font et essayer et de les semi-professionnaliser et allier les deux pour qu’on puisse vivre de notre métier. Car si le ministre de la Culture venait au Fest’rire et donnait de l’argent, il ne l’a pas fait pour nous, comédiens professionnels. Mais être professionnel et ne pas travailler et attendre tout de l’Etat, c’est un peu difficile aussi pour pouvoir vivre de son art.

Vous êtes le seul comédien professionnel à être régulier dans ce festival, pourquoi les autres ne le font pas ?

Je ne sais pas. Peut-être qu’ils se disent professionnels et font la différence entre professionnels et amateurs. C’est vrai que moi-même j’ai fait la différence, mais je sais ce que je veux. Je suis parmi les amateurs et je suis parmi les professionnels parce qu’avant d’être professionnel, j’étais amateur : j’ai fait les Asc (Associations sportives et culturelles, Ndlr) avant d’entrer à l’Ecole des Arts où je suis sorti diplômé. Donc tout cela demeure une expérience. Une expérience de théâtre. Pour moi, un professionnel doit s’adapter. J’essaie d’acquérir de l’expérience avec les amateurs.

Qu’est-ce que votre collaboration avec les artistes amateurs vous a apporté ?

Dès fois, je peux voir des improvisations. Ce théâtre est fait à cinquante pour cent d’improvisations, donc je peux trouver des techniques d’improvisation que les amateurs ont et ne le savent pas et que je pourrais les utiliser à bon escient. N’empêche, il y a des talents qui sont là. Et plus on regarde le théâtre, plus on s’enrichit. Plus on regarde de pièces de théâtre, que la pièce soit bonne ou mauvaise, cela enrichit un comédien. Ma philosophie à moi c’est d’aller toujours au théâtre, être dans le milieu du théâtre que cela soit professionnel ou amateur, que cela soit chinois ou japonais, voir d’autres styles, d’autres genres, cela m’enrichit. C’est pourquoi, je suis dans tous les milieux.

Quatre ans pour un festival, est-ce qu’on peut parler de maturité ?

Non, pas encore ! Je ne crois pas. Comme je l’ai dit, les comédiens ne savent pas organiser. Et organiser des artistes c’est très difficile. Moi-même artiste, je ne sais pas pourquoi. Nous sommes dans un milieu où on s’amuse trop, on n’est pas administratif. On n’est pas des gens d’organisation pour organiser des événements. Nous avons l’habitude de venir jouer, qu’on nous paie notre argent pour repartir. Donc on n’a pas encore l’expérience. Je pense que d’ici quelques années, on aura cette expérience par rapport au Festival du rire. Et je pense que ça va nous enrichir aussi.

On parle de Festival du rire, mais on a aussi remarqué des séquences choquantes dans certaines prestations notamment quand on y parle de sexe ou de religion. Est-ce un manque de professionnalisme selon vous ?

Cela dépend de ceux qui le font. Par exemple, moi je tâte le pouls du public pour pouvoir leur parler. S’il y a des enfants, je peux parler en enfant, s’il y a des adultes, je peux parler en adulte. Si c’est un public qui aime le vulgaire, ça dépend de là où on doit le faire, pour moi. Ce n’est pas n’importe où l’on doit être vulgaire. On ne doit pas être vulgaire devant les autorités. On ne doit pas être vulgaire devant la télé. On ne doit pas être vulgaire devant un public mixte. Donc il nous faut savoir là où l’on doit parler comme des enfants, là où l’on doit parler comme un adulte. Ça dépend de la manière de chacun de voir, d’autant plus qu’il n’y a eu pas de briefing pour dire aux artistes ce qu’il ne faut pas faire. Donc chacun se donne le droit de dire ce qu’il pense, de dire ce qu’il veut dire.

On a aussi remarqué que le folklore est très présent dans ce festival, pour vous, cela ne dénature-t-il pas ce festival ?

Je pense que parler de théâtre, c’est aussi parler de théâtre total. C’est quand il y a danse, chants et théâtre. Donc ils sont dans leur truc à eux. Par contre, dans le théâtre dit professionnel, on n’a pas le droit de faire ce genre de chose si ce n’est pas justifié dans la pièce. Dans les festivals des pays francophones où je suis allé, il y a du folklore, mais le folklore, c’est pour l’animation. Mais ce n’est pas pour le spectacle. Mais ici, il y a un théâtre où il y a de l’animation et du théâtre. C’est à peu près normal qu’on puisse voir des sabars dans une pièce de théâtre.

Cette année, presque toutes les régions sont représentées dans le festival, est-ce qu’on peut parler de festival national ?

Oui ! On aspire même à ce que cela soit international. Mon seul souci, c’est que quand il n’y a pas le français, ça ne peut pas être international.

Donc le souhait du ministre de la Culture pour une internationalisation du festival ne peut pas se faire ?

Non je ne le crois pas. Parce qu’il faut quand même réfléchir aux propositions que le ministre (Mame Birame Diouf) nous fait ou que les ministres (l’ancien ministre Safiatou Ndiaye, par exemple, Ndlr) nous font. Il faut savoir ce qui peut se faire et ce qui ne peut pas se faire. On est assez adultes, assez intelligent ; je ne pense pas que nous sommes des politiciens. Nous ne sommes pas des membres de partis d’opposition ou de parti au pouvoir. Nous sommes apolitiques. L’artiste doit être apolitique. Il est normal que notre ministre nous donne des créneaux pour nous en sortir. Mais quand il dit qu’il faut internationaliser le festival, je n’y crois pas, ayant fait beaucoup de festivals. Et sachant ce que c’est un festival. Parce que là, au Fest’rire, on essaie de faire un festival, on esquisse un festival. Ce n’est pas encore un festival. Il faut avoir la tête sur les épaules.

Vous dites que vous êtes apolitiques, mais lors de la cérémonie d’ouverture, votre porte-parole, Lamine Ndiaye, a déclaré que tous les artistes sont derrière le ministre de la Culture. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Etre derrière le ministre de la Culture, ce n’est pas être derrière le parti au pouvoir. Parce que le ministre de la Culture est le ministre de tutelle des artistes. Je pense que si on est derrière notre ministre, qu’il nous écoute et qu’on l’écoute, on peut parvenir à régulariser la condition de l’artiste. Moi, je le vois dans ce sens. Peut-être que les autres ont un avis contraire au mien, mais moi je ne suis ni de l’opposition ni du parti au pouvoir. Je suis avec le ministre de tutelle, s’il travaille dans mon intérêt.

En tant qu’artiste, avez-vous le sentiment d’être pris au sérieux par les gens ?

Non ! je l’ai souvent dit. Parce que le Sénégalais n’est pas cultivé dans ce sens. Le Sénégalais, ce qu’il aime, c’est les clowns et les pitres. Quand tu fais le clown à la télévision, tu deviens clown et pitre dans la vie. Parce que les gens confondent les rôles que nous incarnons à notre personne. Ils prennent toujours le personnage pour la personne. Donc c’est à nous de quitter ce genre de philosophie du peuple. Il faut qu’il soit cultivé. Par exemple, un Jamel Debbouze qui passe dans la rue n’est pas un clown. Parce que lui, il a quand même réussi à avoir dans son métier et pour son métier beaucoup d’argent. Et au Sénégal, quand on n’a pas d’argent, on n’est rien. Un comédien qui n’a pas d’argent n’est rien. Donc il faut que nous parvenions à vivre de notre art. D’abord avoir une voiture, avoir une villa, avoir un peu d’argent dans sa poche…Avec ces choses, tu es respecté. Ici par exemple, à Kaolack, ce que j’ai déploré, c’est la seule région où l’on jette des pierres aux artistes, où l’on déchire les habits des artistes. Je pense que ce n’est pas sérieux. Nous avons quitté Diourbel, Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Gambie pour venir à Kaolack. Je pense que la population kaolackoise devrait avoir beaucoup plus de téranga et l’appliquer.

Qu’est-ce qui explique ce comportement de la population de Kaolack, selon vous ?

Je pense qu’il y a aussi de notre faute. Parce que tout est axé sur Dakar. Il faut décentraliser. Si on décentralise et qu’on parvienne à voir deux à trois artistes par mois à Kaolack, je pense qu’ils vont démystifier le fait que l’artiste, c’est autre chose. Et heureusement pour moi, je suis fréquent à Kaolack. Quand il y a des problèmes, les gens scandent : «Kader… Kader…» Et ça passe. Donc il faut décentraliser et que la population kaolackoise puisse voir les artistes comme ça.

Est-ce que ce n’est pas l’effet Sa Neekh qui était à l’origine de ces pierres ?

Non ! C’est parce que ce n’est pas la première fois. L’année dernière, il y a eu des gens qui n’ont pas pu entrer dans la salle et qui ont jeté des pierres. L’année d’avant il y a Baye Ely et Seune qui sortaient de l’Alliance et des enfants qui étaient à leur hauteur leur donnaient des coups à la tête.

Depuis quatre ans, c’est Kaolack qui accueille le festival, ne comptez-vous pas proposer une rotation de l’événement dans les autres régions ?

Si on fait une rotation c’est comme si on repartait à zéro. Parce qu’on a déjà fait quelque chose. Il faut à présent l’installer pour lui donner un fondement et qu’on puisse construire. Il faut d’abord bien implanter le Festival. Donc on ne peut pas le délocaliser. Et le promoteur, je le félicite de l’action qu’il a fait de réunir tous ces comédiens. Parce que les comédiens à eux-seuls ne pourraient jamais se réunir. Cela je le sais en tant que comédien ayant fréquenté et ce milieu amateur et l’autre milieu.

Pourquoi vous avez du mal à vous réunir ?

Mais parce que cela fait plusieurs fois que les gens ont tenté de mettre en place une association de comédiens. L’Arcots (Artistes comédiens du théâtre sénégalais) est la première qui a vécu pendant quatre ans, la première association de comédiens qui fait chaque année quelque  chose.



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