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[2e partie ] - « ORCHESTRA BAOBAB » EN TOURNEE EUROPEENNE : « Les parents de Labah Sosseh se sont manifestés quand ils ont entendu parler de millions Cfa »

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[2e partie ] - « ORCHESTRA BAOBAB » EN TOURNEE EUROPEENNE : « Les parents de Labah Sosseh se sont manifestés quand ils ont entendu parler de millions Cfa »

(COLOGNE, CORRESPONDANCE PARTICULIERE). Dans cette dernière partie de l’entretien, les membres de l’Orchestra Baobab en tournée de promotion de leur nouvel album, « Made In Dakar » évoquent, entre autres, leur aura du début et le souvenir de leurs camarades disparus… 

Comment expliquez-vous le fait que vous soyez peu connu à l’époque ?

Barthélemy Attisso : J’ai tendance à reprocher aux journalistes de chez nous (de l’époque) de ne pas avoir aidé le Baobab comme il le méritait. A l’époque, nous avions des orchestres qui évoluaient sur le même plan que nous et n’étaient pas des concurrents mais il y avait une sorte d’émulation. Il y avait notamment le Number One, le Super Etoile et le Xalam qui avaient beaucoup plus d’accès à la presse. Ils étaient beaucoup plus diffusés sur les antennes de radios et de télévision. Nous étions presque oubliés et pourtant nous existions. Mais nous avions constaté que les journalistes voulaient être payés et ils l’étaient effectivement par d’autres formations dont ils diffusaient les œuvres. Si nous n’étions pas connus à l’époque au niveau national, c’est parce que nous n’avions pas été aidés par les journalistes de chez nous. Tout simplement. C’était commercial. Nous n’avons pas jugé nécessaire de payer un journaliste avant de nous faire connaître. Nous savions que tôt ou tard la chose se fera. Et aujourd’hui elle s’est faite et dix fois mieux. Je vous ai parlé de la conférence de presse que nous avons tenue. C’était vraiment une joie pour nous de voir beaucoup de journalistes de chez nous mobilisés. Et ce qu’ils ont fait est, en quelque sorte, la réparation des erreurs commises par leurs aînés de l’époque. Nous les saluons, nous les remercions et nous les encourageons à œuvrer dans ce sens. Parce que c’est grâce à eux que nos artistes pourront être connus. Il ne faut pas qu’ils attendent que la chose se fasse par les journalistes étrangers.

Vous Atisso, alors que vos parents vous ont envoyé de Lomé à Dakar pour y étudier le Droit, vous avez préféré jouer de la guitare. Quelle a été leur réaction ?

Attisso : Ils étaient incrédules bien sûr ! Mais j’avais décidé de ne pas céder aux pressions qui me poussaient à renoncer à la musique. Il fallait que je continue mes études et je n’avais pas de bourse. Nécessairement je devais travailler et étudier. Les études se font dans la journée et il fallait que je cherche un travail qui ne se fasse pas dans la journée mais la nuit. Et c’est la musique qui a été la solution. Et quand j’ai pris la décision, je me suis mis à étudier parce que je n’étais pas musicien quand je suis arrivé à Dakar. C’est à Dakar que j’ai appris la musique en écoutant les orchestres locaux dans lesquels je souhaitais jouer. Tout m’a été donné au Sénégal et finalement quand j’ai pu jouer de la musique, j’ai pu avoir de la place dans un orchestre où j’ai commencé par gagner un salaire mensuel qui pour moi valait une bourse d’études. Une fois que j’ai constaté que je pouvais étudier le jour et travailler la nuit, je suis allé m’inscrire à l’université et j’ai démarré mes deux activités. Et à l’époque j’étais tellement heureux et reconnaissant au bon Dieu qui a exaucé mes vœux. J’avais acheté une mobylette et quand j’allais jouer les premiers jours je chantais « la voie m’est ouverte. Pour moi la vie va commencer. » C’est une chanson de Johnny Halliday.

Peut-on dire que vous êtes avocat le jour et guitariste la nuit ?

Attisso : Non, ça c’est une autre phase. Je suis devenu avocat après la pause de l’Orchestra Baobab qui a duré 15 ans. Quand j’ai commencé le métier d’avocat, j’ai laissé complètement la guitare parce que j’ai quitté Dakar et je me suis consacré entièrement au métier d’avocat. J’ai commencé cette carrière en 1988. Il y aura bientôt 20 ans et je l’exerce toujours et depuis que nous avons repris en 2001, je partage mon temps entre le Barreau et la scène. La musique, c’est une activité culturelle. C’est de l’art et il n’y a aucune compatibilité avec le métier d’avocat. C’est surtout un travail intermittent. Les tournées ne durent pas longtemps. Ce qui me permet de toujours rejoindre mon cabinet. Et pendant mon absence, vous savez que dans tous les Barreaux du monde, lorsqu’un confrère est absent, il y en a toujours un ou plusieurs autres qui peuvent le remplacer en cas de besoin.

Parlons maintenant de vos camarades disparus : Labah Sosseh, Gnonnas Pedro de Africando, Ibrahim Ferrer. Tous ces musiciens, vous les avez connus, vous avez joué avec eux. Que pouvez-vous dire d’eux ?

Balla Sidibé : Pour le cas de Labah Sosseh. Labah était un ami à moi. C’était un petit frère aussi. J’ai aimé sa voix même si lui-même il me disait un jour : « tous les chanteurs de Dakar chantent Labah Sosseh sauf toi. » Je lui ai dit : « je suis né avec ma voix. Je chante avec ma voix. J’apprécie ta voix, mais je préfère chanter avec ma voix. » Alors on a rigolé. C’est dommage qu’il soit parti mais il a laissé quelque chose que personne ne va oublier en Afrique. Labah était malade. Et nous les musiciens sénégalais, les salseros sénégalais, avions organisé un téléthon parce qu’on n’avait pas les moyens de cotiser pour lui venir en aide. Les soins étaient exorbitants. Heureusement, on a eu environ 20 millions. Labah était à l’hôpital. On le soignait. Finalement ça allait mieux et il est sorti. Mais ce qui nous a frappés, personnellement, depuis que Labah était malade jusque vers sa mort, on n’a vu aucun de ses parents, aucun de ses enfants sauf les musiciens sénégalais. C’est vers la fin, lorsqu’on a parlé des millions que ses parents commençaient à se manifester. On entend parler de sa fille qui est notaire. On entend parler de ses enfants, de son grand frère etc. Mais ce n’est pas ce qui nous intéressait. Ce qui nous intéressait, c’était notre devoir envers Labah Sosseh. Labah Sosseh est parti à Ziguinchor. Notre ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, voulait l’amener au Maroc. On l’a ramené à Dakar pour le préparer pour le Maroc. Mais le médecin qui le suivait a dit au ministre : « attention ! Ce gars on ne peut pas le transporter. Ça ne va pas du tout. » Quelques jours plus tard, à six heures du matin, on m’appelle pour me dire que Labah est décédé. Ce qui m’a fait mal comme grand frère et compagnon, c’est qu’il y avait beaucoup de monde. On l’a inhumé au cimetière de Yoff. Après le cimetière, les gens se demandaient où est-ce qu’il fallait aller pour les condoléances. On ne savait pas. Finalement tout le monde est rentré chez soi. C’était mal organisé parce Labah n’avait pas de maison. Ses enfants sont dispersés, et l’on ne savait pas où il fallait aller.Il y a quelques musiciens dont Cheikh Tidiane Tall, Latfi Benjeloum, Pape Fall et moi-même, qui sommes partis chez son frère à la Douane parce que le ministre de la Culture (Ndlr : Mame Birame Diouf) devait venir avec le message du président.

On note une floraison de groupes de Salsa à Dakar. Il y a Medoune Diallo que a créé son groupe Torodo qui était récemment en tournée en Allemagne, Nicolas Menheim, Pape Fall et le African Salsa etc. Est-ce le retour en force de la salsa au Sénégal ?

Balla Sidibé : La salsa est une musique éternelle. Mais ce n’est plus comme avant, lorsqu’on la chantait en cubain. Maintenant on chante la salsa dans notre langue, en mandingue, en wolof, en peulh, en diola ou en créole portugais. Et c’est bien prisé à Dakar.

Et le salsa-mbalax ?

Balla Sidibé : Ça ce n’est pas le Baobab. Lorsque que le Super Cayor de Mbol Cissé et James Gadiaga sont venus et ont créé un orchestre, ils ont dit Salsa-mbalax parce qu’ils jouaient la salsa avec le sabar faisait le mabalax. Mais pour nous, il n’y a pas de salsa-mbalax. Salsa c’est salsa et mbalax c’est mbalax. Il y a une façon de jouer la salsa, de la danser, de l’écouter. Ce qui vaut aussi pour le mbalax. Je l’ai toujours dit à Dakar même à la télévision. Il y a même un orchestre qui a été créé appelé Salsa-Djalgati (rires).

« Specialist in all styles »… Qui a inventé le titre ?

Barthélémy Attisso : L’album « Specialist in all styles » lorsque nous avons fini l’enregistrement, nous attendions la sortie. Et quand nous avons vu la pochette, nous avons vu « Specialist in all styles ». Evidemment, ça nous a frappés, un peu aussi parce que ça paraît un peu paradoxal d’être spécialiste et aussi d’être dans tous les styles. Mais ce n’est pas du tout contradictoire puisque l’Orchestra Baobab a cette particularité de faire de la variété et cette variété lui a permis de se perfectionner dans toutes les formes de musique qu’il joue. Par exemple, lorsque nous jouons un rythme de salsa, nous le faisons correctement, quand il s’agit d’une rumba, nous le faisons correctement. D’ailleurs la rumba est en voie de disparition, mais nous luttons contre. C’est pourquoi vous verrez dans le nouvel album « Made in Dakar », une chanson intitulée « Aline » qui rappelle la rumba congolaise des lendemains de l’indépendance. Donc, nous asseyons de faire correctement tous les styles et finalement on croyait que nous sommes spécialisés dans la rumba, dans la salsa etc. Et sur l’album, c’est une diversité de rythmes et de chansons qui se suivent mais ne se ressemblent pas. Et le nouvel album « Made in Dakar » justement, si vous voyez les titres, aucun ne se ressemble. C’est encore une confirmation de la variété que nous sommes habitués à faire.

Vous avez rendu hommage à Aboubacar Demba Camara du Bembeya Jazz National de la Guinée et à Amilcar Cabral dans l’album « Made in Dakar ». A quand un hommage à Laye Mboup ?

Barthélémy Attisso : Concernant Laye Mboup, l’hommage lui est rendu tout le temps depuis qu’il nous a quittés. L’hommage se traduit au quotidien. Nous jouons chaque fois que l’occasion nous est donnée de faire un concert, les morceaux de Laye Mboup ont toujours été joués. Et ils sont joués régulièrement. Lorsque Laye Mboup nous a quittés, Thione Seck reprenait ses chansons. Ce qu’il faisait d’ailleurs de son vivant. Actuellement nous avons fait appel au jeune Assane Mboup dans le souci de pérenniser le patrimoine que Laye Mboup nous a légué.

Recueillis par Ibrahima GUEYE (Correspondance particulière)

« Nous étions peu connus parce que la presse était trop commerciale »

« Laye Mboup ? L’hommage lui est rendu tout le temps depuis qu’il nous a quittés ».



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